
Autres informations / 09.01.2008
La grande interview : emmanuel de seroux
« Les
courses vont être de plus en plus internationales »
Le courtier
français Emmanuel de Seroux (Narvick International) est installé aux Etats-Unis
depuis de longues années. Il vient une nouvelle fois de se signaler, lundi, aux
ventes de Keeneland en signant le 4e top price, une poulinière
pleine de Bernardini acquise pour 525.000$. Fin connaisseur des courses dans le
monde, il nous a livré son analyse sur les grands sujets actuels, à commencer
par le développement des pistes synthétiques qui rapprochent l’Amérique et
l’Europe.
Jour de Galop. – On parle beaucoup d’une
possible crise financière aux Etats-Unis. Ce risque pourrait-il avoir des
conséquences pour l’industrie des courses ?
Emmanuel de Seroux. – Souvent, on remarque qu’il n’existe pas
de relation directe entre le business des courses et la Bourse, ou l’économie
en général. La situation financière américaine ne pèse donc pas pour l’instant
sur notre marché. De toute façon, le surendettement immobilier qui est
l’origine de la crise ne concerne pas les propriétaires de chevaux.
On vous connaît bien pour les
transactions que vous réalisez entre la France et les Etats-Unis. La faiblesse
du dollar rend-elle plus difficile votre métier ?
Evidemment, la
baisse de la monnaie américaine par rapport à l’euro et à la livre ne facilite
pas l’acquisition de chevaux européens par les propriétaires américains. Cela
peut les pousser à investir un peu moins en Europe. Mais en l’occurrence, sur
les transactions dont je m’occupe, la difficulté réside plutôt dans le fait que
les meilleurs performers européens sont des chevaux de gazon, qui ont donc une
valeur très relative comme reproducteurs aux Etats-Unis. Cela veut dire
qu’après leur carrière de course, ils offrent très peu de possibilité de
revente. Donc quand on achète un cheval pour les Etats-Unis, il faut surtout
raisonner en termes de carrière et de gains en course.
Les nouvelles pistes synthétiques
américaines semblent se rapprocher plus du gazon que du dirt…
Effectivement.
Les chevaux de gazon semblent bien réussir sur ces pistes. Si cette tendance se
confirme, cela va rouvrir le marché entre l’Europe et les Etats-Unis. Ensuite,
il n’y a plus qu’à espérer que les étalons de gazon produisent des gagnants sur
pistes synthétiques. Et le marché de l’élevage américain s’ouvrira à eux. On a
déjà vu, à Keeneland cet automne, que les pouliches ayant gagné un groupe sur
gazon se vendaient aussi bien que celles ayant gagné sur le dirt…
Les pistes synthétiques se développent
aussi en Europe, notamment en France. Cela peut-il rapprocher les chevaux des
deux continents ?
Cela peut
accentuer une certaine internationalisation de l’élevage et permettre aux
chevaux européens de prendre de la valeur aux Etats-Unis. Ce que j’espère
surtout, c’est que les chevaux qui ont un pedigree de distance moyenne, qui ont
réussi sur des distances moyennes, vont bénéficier des nouvelles pistes, qu’ils
vont faire des gagnants sur ces nouvelles pistes. Cela permettra de renouveler
les étalons de tête aux Etats-Unis, où les chevaux de courte distance dominent
pour l’instant la scène.
Certains chevaux ayant réussi sur la PSF
en France ont récemment été vendus aux Etats-Unis. Peut-on déjà parler d’un
« marché » ?
C’est encore un
peu tôt. Il va falloir un peu de temps pour qu’il se développe. Mais une partie
des acheteurs américains commence à prêter attention aux résultats enregistrés
sur la PSF. Cela peut permettre à des chevaux français de trouver un débouché.
Toujours à propos des échanges entre la
France et les Etats-Unis, on voit de plus en plus de professionnels français à
Keeneland. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Les
professionnels français ont raison d’aller à l’étranger acheter du sang
nouveau. La réussite d’un Fabrice Chappet, par exemple, est un très bon
encouragement. C’est une excellente chose qu’il ait pu, comme il l’a fait avec
Basile Premier (Maria’s Mon et Studio West), acheter un pur pedigree américain
à Keeneland, le courir avec succès en France, puis le vendre aux Etats-Unis.
En France, le modèle sur lequel reposent
les courses pourrait évoluer, ce qui ne va pas sans certaines légitimes
inquiétudes. Etes-vous optimiste pour l’avenir des courses, en général ?
Les courses
vont être de plus en plus internationales. De plus en plus de pays feront
courir et il y aura de plus en plus d’acheteurs internationaux. On voit, dans
des pays émergents, des fortunes naissantes qui, fort heureusement,
s’intéressent aux courses. Il faut dire que les courses leur apportent une forme
de reconnaissance, très personnelle, que les hommes d’affaires ne reçoivent pas
dans leur secteur, même quand ils ont formidablement réussi, comme Allen
Paulson avec Gulfstream Aerospace… Je me souviens que, quand il a eu Cigar, les
gens l’arrêtaient dans la rue pour lui dire : « Vous êtes le père de
Cigar ! » Avant, jamais personne ne le reconnaissait dans la rue.
Votre métier a-t-il beaucoup changé
depuis vos débuts, dans les années 80 ?
Nous avons
beaucoup plus de concurrence, à commencer par la concurrence arabe. A l’époque,
les grands investisseurs étaient essentiellement américains et Godolphin
n’achetait pas encore clés en mains… Aujourd’hui, la situation est devenue plus
difficile car les Maktoum ont tendance à surpayer leurs achats. Du coup, la valeur
de référence est devenue la valeur Godolphin. Et ce phénomène commence à
s’étendre au marché d’Amérique Latine, car depuis deux ou trois ans, Godolphin
a investi là-bas. Par exemple, le prix des chevaux de Groupe 1 argentins a
triplé en deux ans.
Vous avez construit votre réputation sur
un fort taux de succès. A quoi ressemble l’achat réussi, le cheval
parfait ?
Le cheval idéal
n’existe pas ! Les gagnants sont tous différents. Les plus beaux ne sont
pas toujours les meilleurs. Il faut s’adapter. Prendre en considération un peu
tout. Jouer avec son instinct et son expérience. Si le cheval idéal existait,
les Maktoum gagneraient toutes les courses !
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