
Autres informations / 18.05.2009
La grande interview christophe lemaire
Dimanche, Christophe Lemaire
a déballé ses cadeaux d’anniversaire en avance. En selle sur Stacelita (Monsun)
et Never on Sunday (Sunday Break), il a remporté les deux Gr1 de l’après-midi,
trois jours avant son trentième anniversaire. Trente ans seulement, peut-on
écrire, car Christophe Lemaire possède déjà une carrière exemplaire et une
armoire bien remplie de trophées. A l’égal de son palmarès, Christophe Lemaire
possède un parcours sortant de l’ordinaire, n’ayant pas suivi le même chemin
que la plupart de ses collègues. Il a beaucoup voyagé et ses expériences aux
quatre coins du monde ont été pour lui un vrai “plus”. De ses débuts aux
grandes victoires de ce dimanche en passant par l’étranger, Christophe Lemaire
vous livre ses constats et impressions.
JDG. – Christophe, quel
dimanche !
Christophe Lemaire. – En
effet ! Avec l’équipe, nous savions que nous avions deux bonnes chances dans
les Groupes 1 de cette journée. Nous étions un peu plus confiants avec
Stacelita, qui trouvait un lot à sa portée et qui, en fille de Monsun, trouvait
avec les récentes pluies un terrain adapté. Quant à Never on Sunday, nous
savions qu’il avait de grosses qualités. Il avait réalisé une bonne rentrée,
mais sans être une surprise, sa victoire était un petit peu moins sûre, car le
lot était de grande qualité, avec notamment au départ une championne comme
Goldikova.
Votre début de saison, à
l’image de celui de JeanClaude Rouget, est donc plutôt réussi ?
Je suis ravi de mon début de
saison. Dans l’écurie de Jean-
Claude Rouget, les très bons
2ans de fin d’année 2008, comme Le Havre (2e de la Poule d’Essai des Poulains)
ou
Elusive Wave (Poule d’Essai
des Pouliches), ont confirmé au printemps ce que nous pensions d’eux. D’autres,
venus également un peu plus sur le tard, comme Tamazirte (2e
de la Poule d’Essai des
Pouliches), Grandcamp (Prix Noailles, Gr2) ou encore Oiseau de Feu (4e de la Poule
d’Essai des Poulains), ont continué à faire des progrès pour réussir au niveau
des Groupes.
Vous ne devez pas regretter
d’avoir choisi de collaborer avec Jean-Claude Rouget ?
Monsieur Rouget cherchait un
jockey pour Paris et j’ai été ravi qu’il fasse appel à moi, car cette
association amenait beaucoup d’optiques positives. Dès le début, en 2007, nous
avons eu de la réussite, avec un premier Groupe 1 grâce à Coquerelle dans le
Prix Saint-Alary, avant qu’elle ne connaisse malheureusement un problème dans
le Prix de Diane (Gr1). Puis il y a eu les très bons résultats de Literato,
ponctués par une victoire dans les Champion Stakes de Newmarket (Gr1).
Jean-Claude Rouget possède un gros effectif, ainsi que de grandes qualités
d’acheteur et en sus, il a de très bons propriétaires. Avec cela, on a la
chance d’avoir des chevaux sortants de l’ordinaire dans l’écurie et, pour un
jockey, c’est très motivant et cela met en confiance.
Comment se passe votre
association avec JeanClaude Rouget ?
Cela me va bien de travailler
avec lui, c’est quelqu’un de très direct. Mieux vaut se faire “tirer les
oreilles” de temps en temps quand cela n’a pas été, plutôt que de ne pas savoir
quand il y a eu un grain de sable dans la machine.
Depuis qu’on vous connaît, on
a l’impression que vous avez toujours été associé à de bons chevaux…
C’est vrai qu’à chaque fois que
j’ai commencé dans une écurie, j’ai eu la chance d’être associé à de bons
chevaux.
Tout a commencé avec Maurice
Zilber, qui m’a fait confiance et avec qui j’ai gagné ma première Listed à
Longchamp sous la casaque Abdullah. Maurice Zilber a été l’une des personnes
qui a lancé ma carrière et, toujours avec lui, j’ai pu commencer à monter dans
des groupes. Ensuite, j’ai monté pour Nicolas Clément, pour qui j’ai remporté
deux Gr1 avec Vespone.
Et après, ce fut Pascal Bary
avec les championnes Denebola, Divine Proportions et, plus récemment, Natagora.
Quand on arrive dans une écurie et que l’on monte tout de suite de bons
chevaux, cela met en confiance, alors que si les résultats se font attendre…
Vous avez également travaillé
chez André Fabre, comment cela s’est-il passé ?
J’ai eu ma licence de jockey
en 1999 et j’ai ensuite passé trois ans chez André Fabre, pour lequel j’ai
monté. Là-bas, j’ai pu observer sa méthode de travail.
J’ai pu comprendre que les
chevaux, avant de travailler la vitesse, doivent être assez durs et encaisser
les travaux. Le matin, ce n’est que la formation et l’entretien. Les
démonstrations le matin n’apportent rien, c’est l’après-midi qu’il faut gagner.
Par l’intermédiaire d’André Fabre, j’ai pu aller travailler chez Godolphin à
Dubaï, ainsi que chez Patrick Biancone, aux Etats-Unis. C’est l’expérience que
je voulais avoir pour progresser et voir plusieurs méthodes de travail. Cela
m’a beaucoup aidé par la suite. Par exemple, alors que Vespone était passé sous
la casaque Godolphin, j’ai pu le remonter, car Lanfranco Dettori n’était pas
disponible. L’entourage me connaissait et n’avait pas hésité à me refaire
confiance pour me confier le cheval.
Vous êtes également allé en
Inde, qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Par l’intermédiaire d’Eric
Danel, qui avait un client indien voulant un jockey français pour le meeting
d’hiver de Bombay, j’ai pu aller en Inde. Là-bas, cela a très bien marché et ce
fut une expérience enrichissante. D’ailleurs, je conseille toujours aux jeunes
que je croise de ne pas hésiter à aller voir ailleurs. Il ne faut pas se
contenter de ce que l’on a. Même si on n’en a pas l’impression sur le moment,
les expériences à l’étranger sont bénéfiques, tant sur le plan professionnel
que sur le plan personnel ou humain. Cela amène à la progression de l’individu.
Quand on veut élever son niveau, il vaut mieux aller voir ailleurs en essayant
de se distinguer. Car, mine de rien, cela a des retombées médiatiques en France
auprès des entraîneurs. J’ai pu le constater avec mes résultats en Inde, qui
ont conforté mon image et m’ont été très bénéfiques. Cela a aussi conforté ma
position auprès de mon agent, Helen Barbe, qui a pu voir que j’étais capable de
m’expatrier et d’être compétitif partout. Les voyages ont vraiment été un plus
dans ma carrière.
Comment s’est passée votre
carrière de gentlemanrider ?
En deux ans, j’ai remporté
quatorze courses, la première ayant eu lieu 1997 avec No Devil. Mes débuts ont
été assez laborieux, j’ai eu ma licence à 16 ans mais j’ai dû attendre un an
pour avoir ma première monte. C’était un 1er mai et j’étais alors l’homme le
plus heureux du monde.
A cette époque, j’étais dans
le Sud-Ouest, mais je montais plus en région parisienne ou dans le Nord.
J’étais un peu plus connu là-bas, grâce à mon père, ancien jockey d’obstacle.
Il y avait aussi le fait que, dans ma région, j’étais un peu “barré” par
Florent Guy, Jean-Philippe Boisgontier ou Ludovic Maynard, qui étaient bien
connus des entraîneurs locaux, en plus d’être doués.
Dans votre carrière, quel
rôle a joué et joue encore votre père, ex-jockey d’obstacle ?
Mon père ayant été jockey
d’obstacle, cela m’a donné la chance de m’ouvrir de nombreuses portes et j’ai
pu faire plusieurs stages à Chantilly. Mais le métier a beaucoup changé depuis…
Oui, trente ans maintenant… et surtout, lui, mon père, a exercé en obstacles
alors que moi, je travaille en plat, le métier que je fais aujourd’hui n’a plus
grand-chose à voir avec celui que faisait mon père.
Même si, bien sûr, petit, je
rêvais de faire comme mon père. Maintenant, il est mon premier supporter et
tous les soirs, on se fait des comptes-rendus de la journée. Mais il
n’interfère jamais dans ma façon de faire ou de gérer ma carrière, sauf quand
je lui demande conseil. Il respecte mes choix et ma façon de faire. Après coup,
je me rends compte que mes parents avaient raison en voulant me faire avoir mon
baccalauréat plutôt que de me lancer tôt dans les chevaux. Mais mon parcours
n’est pas une règle d’or, car les années d’apprentissage en début de carrière à
l’école des jockeys sont très importantes aussi.
Obtenir une Cravache d’Or
est-il un objectif pour vous ?
Pas dans l’immédiat. Tant que
je passe un tiers de ma saison au Japon, elle ne peut pas l’être, car c’est
difficile dans ces conditions de la viser. Pour plus tard, je ne sais pas, cela
dépendra de l’écurie dans quelle je serai. Aujourd’hui, grâce à mon agent, je
fais plutôt dans la qualité que dans la quantité. Et je pense qu’il faut se
ménager et garder du temps à privilégier pour sa vie en parallèle des courses.
Le mode d’attribution de la
Cravache d’Or est-il logique d’après-vous ?
La manière dont est
actuellement attribuée la cravache, c’est-à-dire par le nombre de victoires,
est pour moi normale. Un jockey comme Ioritz [Mendizabal, ndlr], qui gagne 220
courses par an, est aussi méritant qu’un jockey qui gagne 40 belles courses
dans une année. Une victoire est une victoire.
Quelle tactique de course
préférez-vous ?
J’aime plutôt les tactiques
offensives. Je pense d’ailleurs avoir remporté la moitié de mes Groupes 1 en
allant “tête et corde”. Il faut les chevaux pour et, si le travail a été bien
fait, cela n’use pas plus le cheval que d’attendre et refaire les longueurs
dans la ligne droite.
En allant en tête, on prend
également le temps de pouvoir équilibrer son cheval au bon moment. Bien sûr,
c’est une tactique à double tranchant et, si on recule dans la ligne droite, on
essuie des reproches. Il faut surtout monter dans l’intérêt de son cheval mais,
une fois que l’on a pris la décision de la tactique à adopter après quelques
mètres de courses, il faut y aller !
Quel est votre hippodrome
préféré ?
Je m’accommode bien de
Longchamp. C’est un parcours que j’aime beaucoup et sur lequel on peut gagner
en allant devant, car il est assez coulant, avec des endroits stratégiques où
se gagnent les courses.
Ensuite, bien sûr, j’aime
également la ligne droite de Newmarket, où j’ai remporté cinq Groupes 1 ! Mais
j’apprécie les lignes droites, en général.
Que peut-on vous souhaiter de
plus désormais ? Bien sur, une victoire dans l’”Arc” ! Mais j’aimerai également
participer à la réunion du Breeders’ Cup avec une vraie chance. J’ai participé
à beaucoup de grandes réunions mondiales, mais jamais encore à celle-ci.
Il y a dix ans, c’était votre
première victoire PMU, pensiez-vous alors pouvoir accomplir tout cela ?
Il faut toujours croire en
soi et, depuis 10ans, je vis un rêve. Mon objectif était d’arriver à un haut
niveau, en voyageant, en portant de grandes casaques et en travaillant avec de
grands entraîneurs, et c’est ce que j’ai réussi à faire.
Et dans dix ans…
Dans dix ans, j’espère être
encore là ! Finalement, dix ans, cela passe assez vite. Ensuite, j’aimerais
pouvoir profiter des choses que j’ai dû mettre un peu de côté et ne pas à avoir
à travailler comme un forçat après ma carrière de jockey pour pouvoir nourrir
ma famille. Et pour l’instant, l’idée de devenir entraîneur ne n’effleure pas
l’esprit.
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