
Autres informations / 20.05.2009
Pharis, un “phénomène”
par Guy THIBAULT, historien
des courses
« Le vainqueur n’était plus
seulement le meilleur, de loin, de sa génération. Il changeait de plan. Il
devenait un phénomène, un super-crack. » (Jean Trarieux).
« Pharis, phénomène sur
l’hippodrome, oui. Grand étalon, assurément. Chef de race, non. »
Il y a soixante-dix ans, à la
veille de la Seconde Guerre mondiale, les turfistes français ont eu le bonheur
de voir évoluer un cheval hors du communs, Pharis. Oh ! bonheur de courte durée
: 7’ 95/100, pour trois courses disputées en l’espace de cinq semaines. Mais ce
fut suffisant pour que le cheval presque noir de Marcel Boussac entre dans la
légende.
21 mai 1939, Longchamp, Prix
Noailles. Troisième favori, Pharis se promène devant les préférés Galérien et
Foxhound, récents vainqueurs de “poules”.
11 juin, Chantilly, Prix du
Jockey Club, quatorze partants. Favori à 13/10, Pharis se dégage tardivement du
peloton mais finit à toute allure pour devancer de deux longueurs et demie
Galérien, suivi de deux Rothschild, Bacchus et Transtévère.
25 juin, Grand Prix de Paris.
On se bouscule au départ (dix-neuf partants) et dans le parcours. D’abord
retardé, Pharis est ensuite enfermé, déséquilibré. Avec trois longueurs
d’avance, le Rothschild Tricaméron file vers une victoire certaine. Soudain,
une flèche fond sur lui. C’est Pharis. En cent mètres, il comble trois longueurs
de retard puis en prend tout autant à son rival, laissant le public médusé et
la presse
dithyrambique. « On ne
saurait trouver d’expression exacte pour définir l’impression inoubliable que
sa victoire a causée et qui restera, tant qu’ils vivront, dans la mémoire de
tous ceux qui ont eu la bonne fortune d’y assister. » (Le
Jockey-Auteuil-Longchamp). « Cette extraordinaire fin de courses comportait un
enseignement. Le vainqueur n’était plus seulement le meilleur, de loin, de sa
génération. Il changeait de plan. Il devenait un phénomène, un supercrack. »
(Jean Trarieux).
Si pour les Français Pharis
est un nouveau “cheval du siècle”, les Anglais aimeraient le voir avant de se
prononcer. Rien de mieux que le St Leger à Doncaster, le 6 septembre. Il pourra
se mesurer à un grand cheval, l’alezan Blue Peter. Son cousin du reste, car
fils de Fairway, propre frère de Pharos, le père de Pharis. Outre-Manche il a
soulevé l’enthousiasme en remportant les Deux Mille Guinées, le Derby (quatre
longueurs) et les Eclipse Stakes. Marcel Boussac fait traverser la Manche à
Pharis, qui est à pied d’œuvre le 3 septembre... quand les radios annoncent la
déclaration de guerre. Les courses de Doncaster sont annulées, Pharis reprend
le bateau. Direction Fresnay-le-Buffard.
Pharis a pour père Pharos, le
seul étalon pouvant se glorifier d’avoir engendré deux vainqueurs classiques
demeurés invaincus. Si Pharis, du fait des circonstances, n’a gagné que trois
courses, l’italien Nearco, son frère de père aîné, en a remporté quatorze dont
le Grand Prix de Paris l’année précédente. Nearco, importé en Angleterre, va y
être le “leading sire” en 1947 et 1948. Pharis sera champion des étalons en
France en 1944 et 1952. Il aurait pu l’être davantage si, après une première
saison de monte, il n’avait été saisi en août 1940 et emmené de force en
Allemagne, d’où il ne reviendra qu’en mai 1945. En effet, sa première
production française, née en 1941, fut flamboyante. Des huit chevaux de 2ans en
piste, sept gagnèrent, se partageant treize victoires dont le “Robert Papin”,
“la Salamandre” et le Grand Critérium.
De l’ensemble de cette
première production, onze rejetons parurent en public pour fournir dix
vainqueurs totalisant quarante-huit succès, notamment dans la Poule d’Essai des
Pouliches (Palencia), le “Jockey Club”, l’”Arc de Triomphe”, le Grand Prix de
Saint-Cloud, le Coronation Cup (Ardan), le “Jacques Le Marois”, l’”Ispahan” et
les Hardwicke Stakes (Priam).
Après son séjour forcé en
Allemagne, au haras d’Altefeld, où il engendra la championne Asterblüte (1946,
Deutsches Derby, Preis der Diana), Pharis reprend sa place à Fresnay-le-Buffard
où il mourra d’une embolie le 26 février 1957. Après la saison 1945 écourtée
(cinq produits seulement), Pharis s’avère un reproducteur exceptionnel avec les
trois générations suivantes (1947, 1948, 1949) qui totalisent soixante-dix-sept
naissances, à l’époque chiffre correct loin des normes actuelles. 1947, ce sont
Scratch (Jockey Club, St Leger), Corejada (Poule d’Essai, Irish Oaks) et Pardal
(Princess of Wales’s Stakes) ; 1948, Talma (St Leger), Stymphale (Royal Oak) et
Dynamiter (Champion Stakes 2 fois, Ispahan) ; 1949, Auriban (Morny, Jockey
Club). Ultérieurement, un seul vainqueur classique, Philius (1953) qui procure
(après Ardan, Scratch et Auriban) un quatrième Jockey Club à son père, exploit
réalisé auparavant par un seul étalon, Brûleur. Mais toujours une pléthore de
bons chevaux dont sont friands les éleveurs étrangers. Marcel Boussac les
exporte partout dans le monde où se distinguent notamment Gabador (Nouvelle
Zélande), Damtar (Australie), Janus (Afrique du Sud), Phidias (Argentine),
Flamboyant (Brésil), Pharas (Brésil), Pharsale (Brésil), Phare (Venezuela). Un
échec notable, celui d’Ardan, le plus titré (seize victoires), exporté aux
États-Unis après trois années de monte en France où il avait engendré le
sprinter Hard Sauce, devenu le père de deux bons étalons, Hard Tack et Hard
Ridden. Mais belle carrière au haras en Angleterre de Pardal, propre frère
d’Ardan – mais plus modeste sur le turf –, devenu père d’un gagnant de Derby
(Psidium), de deux lauréats de l’Ascot Gold Cup (Parbury et Pardallo). C’est
lui qui a été le plus actif porteur de la lignée mâle de Pharis en Europe, où
elle semble toutefois en voie de disparition. Certes, le nom de Pharis est encore
présent actuellement en France dans certains pedigrees, mais grâce aux
femelles, par exemple chez les descendants d’Akarad (inbred 3 x 4 sur l’élève
de Fresnayle-Buffard).
Soixante-dix ans après les
exploits sur le turf de Pharis, on ne peut s’empêcher de constater que son
influence dans l’élevage du pur sang n’est pas comparable à celle obtenue par
son frère de père, Nearco, dont la descendance mâle est si vigoureuse dans le
monde aujourd’hui. Serait-ce parce que Pharis a procréé en vase clos – presque
uniquement la jumenterie Boussac –, alors que Nearco a bénéficié de poulinières
de tous horizons ?
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