
Autres informations / 15.07.2015
Aidan o’brien : maître de ballydoyle, maître du monde
Un
analyste américain de baseball disait que trop de statistiques engendraient des
monstres. Mais nous avons fait un petit jeu en vous proposant le classement des
entraîneurs européens dans les Grs1 depuis 2006, soit les dix dernières
saisons… Ou plutôt neuf et demie.
par Franco
Raimondi pour Jour de Galop
AIDAN
O’BRIEN CARACOLE EN TETE
« Il a
un mauvais cru de 3ans », disait-on au début du printemps, lorsque ses espoirs
classiques fondraient comme neige au soleil... Ce mauvais cru de 3ans a tout de
même offert cinq victoires de Gr1 à Aidan O’Brien, l’entraîneur qui a changé
l’histoire du galop depuis 1996, date à laquelle il est devenu le maître de
Ballydoyle. "O’Brien le Jeune" a peut-être dépassé "O’Brien
l’Ancien", Vincent, l’homme qui avait créé le centre d’entraînement et
planté les graines de l’“industrie” irlandaise des courses et de l’élevage
telle que nous la connaissons. La domination d’Aidan O’Brien est insolente.
Diamondsandrubies (Fastnet Rock), dans les Pretty Polly Stakes au Curragh, lui
a offert sa 139e victoire de Gr1 durant cette période, alors qu’il en compte en
tout 238 dans l’ensemble de sa carrière d’entraîneur de plat : la première date
du 21 septembre 1996 et fut acquise par Desert King dans les National Stakes.
Il est important de préciser qu'il s'agit de ses victoires en plat, parce que,
en ajoutant les Grs1 d’obstacle (21), Aidan O’Brien compte plus de 250 titres
de Gr1. Pas mal pour un entraîneur de 45 ans…Le garçon est un vrai métronome :
depuis 2006, il n’a eu qu’une seule saison complète avec moins de dix victoires
de Gr1. C’était en 2013, où il a tout de même remporté le Derby avec Ruler of
the World (Galileo) et le Breeders’Cup Turf avec Magician (Galileo). Aidan
O’Brien a établi son record de Grs1 en 2008, avec 23 victoires, toutes acquises
en Europe, dont cinq avec Duke of Marmalade (Danehill) et quatre avec
Henrythenavigator (Kingmambo). Il était
déjà arrivé à ce chiffre de 23 lors de la saison du Derby de Galileo (Sadler’s
Wells), en 2001, mais un de ces succès fut acquis par Johannesburg (Hennessy),
dans le Breeders’ Cup Juvenile à Belmont Park. Plusieurs entraîneurs sont
connus pour leur "spécialité maison": les 2ans, les sprinters, les
chevaux tardifs… D’autres ont l’étiquette "d’entraîneurs de
femelles". Aidan, lui, gagne avec les bébés et les vieux tontons, sur
1.000m ou sur 4.000m... Dans son palmarès, on trouve six Ascot Gold Cupsmais
aussi deux Nunthorpe Stakes, sept 2.000 Guinées anglaises (et 10 en Irlande),
cinq Derby d’Epsom et onze Derby irlandais.
UN
ENTRAINEUR QUI SAIT TOUT FAIRE
En
réduisant notre petite étude aux dix dernières saisons, on découvre qu’Aidan
O’Brien a remporté 139 Grs1 avec 67chevaux différents, dont 18 avec des
pouliches. Facile à expliquer: la politique du groupe Coolmore demande à
sélectionner des étalons : il y a donc plus de mâles que de femelles. Les
chevaux qui ont offert la contribution la plus importante au palmarès d’Aidan
O’Brien depuis 2006 sont Dylan Thomas
(Danehill), le malheureux St Nicholas Abbey (Montjeu) et le monumental
Yeats (Sadler’s Wells), tous avec six Grs1. Les détracteurs seront prêts à vous
dire qu'avec des chevaux d’un tel talent, même un bon à rien gagnerait des
grandes courses. Et bien, regardez alors les dizaines de chevaux avec moins de
qualité qui ont remporté leur Gr1, ici et là, et ont ainsi trouvé leur place
comme étalons…Les "O’Brien" ont gagné partout en Europe, aussi bien
qu’aux États-Unis, à Dubaï ou en Australie. Les seules grandes nations
hippiques où Aidan n’a pas planté le drapeau de Ballydoyle sont le Japon et
Hongkong, mais il y a là une explication. Les grands événements du Far East
arrivent trop tard dans la saison, quand les meilleurs sont prêts à rentrer
haras. Aidan O’Brien avait envoyé dans le passé quelques-uns de ses seconds
couteaux à Hongkong, mais il a vite compris que, pour gagner là-bas, il fallait
un bon cheval, avec des ressources en fin de saison. La domination d’Aidan
O’Brien en Irlande a laissé peu de place à ses vieux confrères. Jim Bolger s’en
est quand même pas mal sorti : il a gagné 25 Grs1 avec 12 chevaux et, surtout,
il a valorisé des étalons comme Teofilo (Galileo), New Approach (Galileo) et le
tout dernier, Dawn Approach (New Approach). Dermot Weld, lui, est bloqué à
neuf.
GODOLPHIN,
LES BLEUS AU ROUGE
La
deuxième place dans le classement est occupée par Saeed bin Suroor, gagnant de
58 épreuves de Gr1 avec 34 chevaux différents. Dans son cas, les chiffres
masquent un peu la vérité. Dix-huit victoires ont été obtenues en Amérique et
dix autres à Dubaï. Les Grs1 remportés par le premier entraîneur de Godolphin
en Angleterre et France, depuis 2006, ne sont qu’au nombre de 15 (10 et 5) et
trois sont au mérite de Ramonti (Martino Alonso), capable d’en gagner un
quatrième à Hongkong. Il est vrai que, pour Godolphin, il faut rajouter les
victoires de Mahmoud Al Zarooni et celles des autres entraîneurs ayant reçu des
chevaux (Fabre, Bolger, Gosden entre autres) mais, dans la période 2006-2015,
les comptes des bleus sont au rouge. GOSDEN, L’HOMME DU MOMENT
John
Gosden est bien sûr l’homme du moment et le troisième de notre classement de la
décennie avec 42 Grs1 gagnés avec 24 chevaux différents. Celui que beaucoup de
gens avaient pris pour un entraîneur surévalué à son retour en Angleterre en
1989, est devenu le maître des courses dans son pays. Le changement de vitesse
pour John Gosden est intervenu en 2006, lorsqu’il s’est installé à Clarehaven
Stables, après des passages à Stanley House et Manton. Il a créé une écurie sur
mesure, avec un fort engagement sur les thèmes de l’environnement et l’objectif
annoncé de laisser« la planète mieux que nous l’avons trouvée. » Ce sont des
propos très sérieux et non pas du blabla écolo. John Gosden a livré des points
de vue très intéressants sur le galop, son développement et son futur, dans une
longue et excellente interview à notre confrère Julian Muscat pour TRC
(Thoroughbred Racing Commentary). La chose plus importante pour un entraîneur,
c’est la réussite, et John Gosden a vraiment trouvé la pleine maturité. Il est
assez surprenant de découvrir que ses gagnants de Gr1 sont très exactement
divisés par sexe à 50 % : douze mâles et douze femelles. Et oui, il est
l’entraîneur de Dar Re Mi (Singspiel), The Fugue (Dansili), Elusive Kate
(Elusive Quality), Taghrooda (Sea the Stars) et Star of Seville (Duke of
Marmalade), mais aussi de Golden Horn (Cape Cross), Kingman (Invincible Spirit)
et Raven’s Pass (Elusive Quality). Il a gagné à Dubaï et aux États-Unis, où il
avait débuté sa carrière, et ne dédaigne pas la France comme certains de ses
compatriotes. Le travail d’entraîneur n’est autre que de trouver la bonne
course pour tous les chevaux ou, comme disait le célèbre Charlie Whittingham, «
chercher la meilleure compagnie pour moi-même et la moins bonne pour mes
chevaux. »
ANDRE
FABRE ET ALAIN DE ROYER DUPRE TETE A TETE
André
Fabre connaît bien la règle de Whittingham et ses statistiques sont là pour le
prouver. Territories (Invincible Spirit) lui a offert dimanche, dans le Prix
Jean Prat, son 41e Gr1 depuis 2006 et il est devenu son 31e gagnant individuel
de Gr1. Si vous aimez les chiffres, voici une donnée intéressante : les 31
gagnant d’André Fabre ont remporté 1,32 Gr1 chacun alors que les O’Brien sont à
2,08, les Hannon à 2,07 et les Gosden à 1,66. Une autre référence à pointer :
parmi 31 lauréats de Gr1 entraînés par André Fabre, les femelles ne sont que
neuf. En regardant le palmarès "Fabrien", on s’aperçoit qu’un seul
grand Gr1 français manque à sa collection : le Prix de l’Abbaye de Longchamp.
Si, en Angleterre, il existe encore un bookmaker à l’ancienne, nous somme prêts
à mettre nos 20euros sur une cote honnête – disons 10 contre 1 – sur une
victoire de Fabre dans l’une des trois prochaines éditions du sprint français.
Alain de Royer Dupré faisait jeu égale avec André Fabre jusqu’à dimanche. Il
reste bien assis en cinquième position,
avec 40 victoires et 27 gagnants individuels de Gr1. La seule
différence, c’est la division par sexe de ses meilleurs chevaux. Les femelles
capables de gagner un Gr1 sous la férule de Maître Alain sont au nombre de 18
pour un total de 31 victoires. Cela ne signifie pas qu’Alain de Royer Dupré est
un "entraîneur des pouliches", définition trop restrictive pour un
professionnel de sa taille. Cela est suffisant pour passer en revue ses
effectifs sur le site de France Galop : il entraîne, pour la casaque princière
de Son Altesse l’Aga Khan, plus de femelles que de mâles. Tout simplement, il
est un entraîneur de "système", l’homme parfait pour une écurie
adossée à un élevage classique. Un entraîneur à l’ancienne ? Pas du tout. Alain
de Royer Dupré est un homme sans frontières. Il a gagné au niveau Gr1 dans huit
pays différents, il n’a pas hésité à faire voyager des juments pour un bon
engagement, ni à envoyer Américain (Dynaformer) à la conquête du Melbourne Cup.
Et surtout, il restera dans l’histoire comme le premier entraîneur européen à
gagner une course du Breeders’ Cup, le "Turf", dans l’édition
inaugurale (1984). Pour envoyer Lashkari (Mill Reef) à Hollywood Park, un 3ans
lauréat du "Conseil de Paris" et outsider à 53/1, il fallait du
courage et un élan audacieux.
FREDDY
HEAD, THE GOLDI YEARS
À quelle
cote, au début de la saison 2006, notre ami bookmaker anglais aurait proposé
Freddy Head, lauréat de 30 courses de Gr1 avant la fin 2015 ? À 20 contre 1, il
n’aurait probablement pas trouvé un client. Sa première victoire de Gr1 est
arrivée en 2006, dans le Prix Maurice de Gheest avec Marchand d’Or (Marchand de
Sable), soit sa huitième saison comme entraîneur. Tout le poids de l’écurie, ou
presque, reposait sur les épaules de la flèche grise mais, deux ans après,
Freddy a trouvé un autre diamant, Goldikova (Anabaa), la championne capable de
gagner 14 Grs1 en quatre saisons. Le 14 juillet 2014, le bookmaker aurait
honoré le pari des 30 courses de Groupes. La championne s’est révélée le 3 août
2008 dans le "Rothschild". Mais, après cette victoire deauvillaise
initiale de Gr1 face à Darjina (Zamindar), on se doute que personne, pas même
sa mère, Born Gold, n’aurait joué quatre carottes, douze bonbons à la menthe et
une ration d’avoine à 1.000 contre 1 sur quatorze Grs1 gagnés par
"Goldi". Même en enlevant la série de Goldikova, Freddy Head serait
arrivé aux portes du top ten. Il a gagné 37 Grs1 avec dix chevaux différents,
donc avec une moyenne de 3,7 victoires par gagnant. "Goldi" fausse la
statistique mais moins qu’on ne le pense. Seuls quatre lauréats de Gr1
"signés Freddy" n’ont enregistré qu’un seul titre de Gr1 : Galikova
(Galileo), Naaqoos (Oasis Dream), Queen’s Jewel (Pivotal) et We Are (Dansili).
Moonlight Cloud (Invincible Spirit) a gagné six fois au top-niveau, Marchand
d’Or cinq, Charm Spirit (Invincible Spirit) et Solow (Singspiel) trois et
Tamayuz (Nayef) deux. Le moins qu’on puisse dire est que Freddy, lorsqu’il
touche un champion, est capable de le sublimer et de le faire durer. Les Hannon
de père en fils Dans nos classements, nous avons décidé de regrouper les
résultats de Richard Hannon senior et de son fils, qui a pris le relais à la
fin de la saison 2013, marquée par le record des victoires avec les 2ans (135
!). L’écurie Hannon était connue comme un atelier capable de façonner des
poulains précoces et des chevaux de vitesse. Une saison après l’autre, avec des
chevaux de meilleure qualité, les deux ont démontré qu’ils savaient entraîner,
avec une brillante réussite et au plus haut niveau, des milers et des chevaux
de 2.400m. Avec la signature de "Hannon Senior", l’écurie a gagné le
titre de champion trainer en 2010, 2011 et 2013, après une première citation en
1992. Le palmarès de la famille est riche de 42 victoires de Gr1 et le fait
marquant est que 29 de ces succès se sont réalisés depuis 2006. S’il est vrai
que l’entraîneur "signe" ses chevaux, il est encore plus vrai que les
bons chevaux font un bon entraîneur.
SIR
MICHAEL STOUTE, AU PASSE
L’écurie
de Sir Michael Stoute a fait un parcours à l’envers. Son escadron qui faisait
trembler l’Angleterre (dix fois tête de liste et plus de 135 Grs1) n’est plus
l’invincible armada qu’elle était. Vingt-cinq Grs1 depuis 2006 sont un bon
score mais, encore, les victoires au top-niveau dans les dernières quatre
saisons et demie ne sont qu’au nombre de six, dont cinq avec des femelles
(Integral avec trois succès et Dank avec deux) et une seule avec un mâle,
Hillstar (Danehill Dancer), qui a gagné le Canadian International. Sir Michael
fêtera ses 70 ans en octobre, il n’est plus un garçon mais, malheureusement pour
ses adversaires, il n’est pas "cuit", bien au contraire. Tôt ou tard,
il nous sortira un des ses chevaux progressives, la spécialité maison. Le
regretté Sir Henry Cecil nous a quittés lors d’un triste jour de juin 2013. Le
rosier de Warren Place a produit 24 victoires de Gr1 et, en rajoutant les trois
cueillies par sa femme avec Noble Mission (Galileo), nous sommes à 27.
SCHIERGEN
ET LE RESTE DE L’EUROPE
La
concurrence dans les Grs1 en Allemagne et en Italie est moins dure que dans les
trois pays majeurs, mais il y a aussi moins d’occasions (7 et 6
respectivement). C’est pour cela que le score de Peter Schiergen, avec 24
victoires pour douze gagnants individuels, est très bon. Le professionnel de
Cologne a eu la chance de toucher une perle comme Danedream (Lomitas), mais il
a sorti des très bons chevaux comme Schiaparelli (Monsun) et le hongre Quijano
(Acatenango), et les a bien managés. Son compatriote Andreas Wohler, grand
voyageur, a développé un autre pur comme Novellist (Monsun) et, depuis 2006, il
a gagné 15 Grs1, dont neuf à l’étranger. Stefano Botti, en Italie, a remporté
10 Grs1, un joli score pour un entraîneur ayant sellé son premier partant en
2009. Il faut ajouter le fait que les classiques en Italie sont désormais de
niveau Gr2 et que Stefano a gagné quatre fois le Derby et trois les Oaks… Il
est facile de mesurer la domination de ce jeune entraîneur sur le galop dans la
Péninsule.
GAGNER
UN GR1 ? PAS FACILE…
Ce petit
jeu d’été est arrivé à sa fin. Suite à ce tourbillon de chiffres, nous avons renforcé
deux convictions. La première : il est
beaucoup plus facile faire le papier en partant des entraîneurs, en connaissant
quelles sont leurs courses fétiches et comment ils gèrent la carrière d’un
cheval. C’est un bon coup de main, surtout pour un turfiste vieillissant comme
votre serviteur, rentré dans l’âge où les noms des pouliches sont remplacés par
ceux de leurs mères ou grand-mères. La deuxième est que gagner une course de
Gr1 est difficile, très difficile. Un entraîneur en pleine maturité comme Jean-Claude
Rouget n’a pas réussi à rentrer dans le top ten d’Europe malgré 19 Grs1 en neuf
saisons et demie… Soit deux victoires par saison.
Entraîneur
GRS1 GAGNANTS (Victoires) Individuels DE GR1
Aidan
O’Brien 139 67
Saeed
bin Suroor 58 34
John Gosden
42 24
André
Fabre 41 30
Alain de
Royer Dupré 40 27
Freddy
Head 37 10
Richard
Hannon 29 14
Sir
Michael Stoute 25 16
Jim
Bolger 25 12
Peter
Schiergen 24 12
Sir Henry
Cecil 24 7
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