
Autres informations / 03.10.2015
Trêve, la consécration d’un homme de cheval
TRÊVE, LA
CONSÉCRATION D’UN HOMME DE CHEVAL
Alec Head est l’un des hommes de chevaux qui aura le plus
marqué la filière hippique française depuis les années 1940. Il est l’un des
français les plus connus à travers le monde hippique. Il a remporté trois Prix
de l’Arc de Triomphe en tant qu’entraîneur et deux en tant qu’éleveur. La
championne Trêve (Motivator) couronne
plus de cinquante années d’élevage au haras du Quesnay. À quelques heures de la
tentative de son élève pour décrocher un troisième Qatar Prix de l’Arc de
Triomphe, Alec Head nous a livré ses impressions sur l’élevage et les courses
en général.
Jour de Galop. – Vous
avez assisté à presque toutes les grandes échéances hippiques de ces soixante
dernières années en France. Quels sont les chevaux qui vous ont le plus marqué ?
Alec Head. – Ce
n’est pas une question facile ! Sea Bird
(Dan Cupid) et Ribot (Tenerani)
étaient deux chevaux tout à fait exceptionnels. Et puis à présent, il y a Trêve (Motivator) !
Vous avez entraîné de
1947 à 1983. Si vous deviez citer les deux pensionnaires les plus marquants de
votre carrière d’entraîneur, lesquels retiendriez-vous ?
J’ai la chance d’avoir entraîné beaucoup de bons chevaux, ce
qui rend le choix difficile. Mais je pense d’abord à Pistol Packer (Gun Bow), qui était une grande jument. Elle s’était
imposée dans les Prix de Diane, Vermeille et Saint-Alary (Grs1). Dans le Prix
de l’Arc de Triomphe, elle ne s’est inclinée que face au crack Mill Reef (Never Bend). Elle fut
championne des 3ans puis meilleure jument d’âge.
Charlottesville
(Prince Chevalier), que j’ai entraîné pour Son Altesse l’Aga Khan, fut lui
aussi un sujet tout à fait exceptionnel. En 1960, il fut le meilleur cheval de
sa génération en France. Il a gagné six de ses neuf sorties, dont le Grand Prix
de Paris, le Prix du Jockey Club, le Prix Lupin (Grs1) et le Prix du Prince
d'Orange (Gr3). Au haras, sa carrière fut également remarquable.
Charlottesville a été tête de liste des pères de gagnants en Angleterre et en
Irlande au début des années 1960.
Quelles sont les
personnalités du monde hippique qui vous ont le plus influencé ?
J’ai croisé beaucoup de grands hommes de cheval. J’ai
forcément beaucoup été influencé par mon père, et ce d’autant plus qu’il était
un grand homme de cheval, avec une carrière exceptionnelle. Mais il n’est bien
sûr pas le seul à m’avoir marqué. L’histoire hippique de notre pays a vu passer
de très grands professionnels. François Mathet était l’un d’entre eux. Sa
réussite a été exceptionnelle.
Pourquoi avoir croisé
Motivator avec Trévise, la mère de Trêve ?
J’aimais beaucoup Motivator
(Montjeu). C’était un cheval de course remarquable, avec un très bon pedigree.
Sur le papier, il me paraissait être très complémentaire avec Trévise (Anabaa). On fait souvent cela,
mais, au final, on obtient rarement Trêve !
Au moment de la
conception de Trêve, Motivator n’était pas sur le devant de la scène comme il
peut l’être aujourd’hui. Ce croisement ne répondait pas aux critères de la
"mode" en vigueur dans le monde de l’élevage. Était-ce
volontaire ?
Je ne m’intéresse pas du tout à la mode. La tendance est une
chose et l’idée d’un éleveur en est une autre. Motivator m’avait marqué par sa
classe et son pedigree. J’ai donc suivi mon intuition. Parfois il faut savoir
suivre son idée.
Au-delà de Motivator,
le pedigree de Trêve permet de retracer plusieurs décennies de l’histoire du
haras du Quesnay. Son ascendance maternelle est très marquée par le sang
américain. Pour quelles raisons avez-vous importé ces reproducteurs des
États-Unis ?
Le sang américain était la grande vogue de l’époque, mais la
véritable raison de ces importations est toute autre. La famille maternelle de
Trêve est exceptionnelle. C’est une souche américaine qui a donné de très
grands chevaux de course, comme Moonlight
Cloud XX
(Invincible Spirit), Triptych
(Riverman) ou Trillion (Hail to
Reason)… J’ai donc choisi d’intégrer puis de conserver cette souche dans
l’effectif du haras du Quesnay, car elle est de grande qualité, bien plus que
pour des questions de mode.
La belle histoire vient également du fait que Trêve est
issue de quatre générations d’étalons stationnés au haras du Quesnay,
Motivator, Anabaa (Danzig), Lyphard (Northern Dancer) et Riverman (Never Bend). Ces étalons,
issus de grands sangs américains, ont beaucoup marqué le haras. Avec chacun
d’entre eux, j’ai essayé d’utiliser les meilleurs courants de sang du moment,
en termes de performance.
Pensez-vous que les
courants de sang américains actuels présentent le même intérêt qu’à l’époque de
ces importations ?
Même s’il ne faut pas faire de généralités, je pense que le
sang américain actuel est moins intéressant qu’il a pu l’être par le passé. Et
cela pour plusieurs raisons. La première vient du fait que l’Europe a en
quelque sorte repris le leadership en termes d’élevage. Par le passé, les États-Unis
ont eu de très grands étalons, d’influence mondiale, comme Northern Dancer (Neartic), Nasrullah
(Nearco), Bold Ruler (Nasrullah)… À
présent, l’Europe centralise beaucoup de grands reproducteurs. Galileo (Sadler's Wells) est le plus
connu. Par ailleurs il ne faut pas oublier le fait que, derrière la réussite
des courants de sang américains, il y a des importations européennes réussies
comme celle de Sir Gallahad (Teddy).
Cet étalon né en France est d’ailleurs présent dans le pedigree de Trêve.
En refermant leur élevage sur lui-même, les Américains ont
certainement commis une erreur. D’une certaine manière, ils subissent les
effets d’une absence d’importations récentes. En élevage, rien n’est acquis. Il
y a toujours besoin de quelque chose de neuf, au niveau des courants de sang en
particulier. L’histoire de l’élevage de monsieur Boussac est là pour nous le
prouver.
La famille de Trêve
est marquée par la présence de chevaux très durs, comme Trois Rois (36
sorties), Tsigane (34 sorties), Trivellino (87 sorties), Toricelli (98
sorties)… mais également Triptych (41 sorties) et Trillion (32 sorties).
Pensez-vous qu’il est important qu’un pedigree présente de tels "éléments
de dureté" ?
C’est une priorité. On cherche à produire des chevaux durs
et solides. Youmzain (Sinndar) est
un bon exemple de cheval très dur. Les feux de paille ne nous intéressent pas.
Comment
choisissez-vous une poulinière ?
Je me base avant tout sur le pedigree. Je tiens également
compte du modèle mais le pedigree prime. D’une manière générale, je suis un
"grand amoureux" des pedigrees.
Sur le podium de
l’édition 2015 du Qatar Prix Vermeille (Gr1), on trouve deux produits des
étalons du haras du Quesnay, Trêve et Sea Calisi. Que vous inspire ce
résultat ?
Motivator est un cheval plus fait pour la France que pour la
Grande-Bretagne. Il n’est pas un vrai père de 2ans très précoces. Ses produits
ont besoin d’un peu de temps pour se révéler. Il ne produit pas des 2ans pour courir
sur 1.000m en début de saison. Or, ce critère de grande précocité est très
important pour les éleveurs britanniques.
Youmzain a connu un très bon départ au haras. Les résultats
de sa production en 2015 sont bons. Suits You a réalisé une très belle performance
à Royal Ascot, et Sea Calisi, la jument de monsieur Doumen, est très bonne.
Youmzain a été très soutenu par les éleveurs français dès ses débuts en tant
qu’étalon. Il mérite cela car sa famille et ses performances plaident en sa
faveur. Les éleveurs français ont bien profité de ses qualités.
Pensez-vous que
l’élevage français pourrait retrouver la place qu’il occupait dans les années
1970 et 1980 ?
Je pense qu’il peut retrouver cette place. L’amélioration du
cheptel français est indéniable ces dernières années. Et cette amélioration de
la qualité va avoir des conséquences sur le marché.
D’une manière plus
générale, quel regard portez-vous sur l’évolution des courses hippiques et leur
place dans la société ?
C’est une question très complexe. Mais une chose est
certaine, le public est demandeur de grandes épreuves et de grands champions.
Beaucoup de choses ont changé, ces dernières décennies.
Aujourd’hui, l’offre de loisir, en particulier sportif, est pléthorique, alors
que par le passé, les courses étaient beaucoup moins concurrencées sur ce
créneau. Cela va peut-être vous étonner mais je pense qu’il ne faut pas être
trop pessimiste. Nous vivons une période difficile, mais les courses sont
toujours là et bien vivantes.
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