International / 06.07.2017

LE BILAN DE LA SAISON 2016/2017 EN AUSTRALIE - Des courses millionnaires placées sous le signe du partage

Un million de dollars australiens équivaut à 671.326 €. Mais pour les Australiens, c’est un million. Au cours de la saison 2016/2017, l’Australie a accueilli 72 Grs1, dont 33 avec une allocation d’un million ou plus. En plus de ces courses, qui ont distribué 56,750 millions, il faut tenir compte des 7 épreuves réservées aux chevaux vendus chez Magic Millions. Une enveloppe de 9 millions leur est réservée. Cela représente 44,1 millions d’euros : le galop australien se porte très bien. Durant la saison 2017/2018, qui débute au 1^er août, 78.650.000 millions (52,8 millions en euros) vont être distribués, sans compter les courses de Magic Millions et l’Everest avec ses 10 millions.

Presque 100 millions en 2018. Avec presque cent millions répartis sur 82 courses (72 Grs1, neuf Magic Millions et un Everest) nos amis australiens vont avoir de quoi s’amuser cette année. Leur système n’est pas facile à exporter mais il marche très bien. Les 33 Grs1 millionnaires ont été remportés par trente chevaux différents, mais aussi et surtout 185 propriétaires différents. Seulement neuf lauréats n’avaient qu’un seul propriétaire (dont quatre Godolphin). Par contre, onze d’entre eux appartiennent à des associations de huit propriétaires ou plus. La gagnante du Golden Slipper, She Will Reign (Manhattan Rain), porte vingt associés sur son dos, soit la limite du code des courses et de la réglementation boursière en Australie, qui régit aussi les syndicats des propriétaires.

Le jour de gloire d’Almandin. Le lauréat de la dernière Melbourne Cup, Almandin (Monsun), est un bon exemple. Cent sept semaines se sont écoulées entre sa dernière course en Allemagne, à Baden-Baden, en juin 2014, et ses débuts australiens. De quoi détruire la vocation de n’importe quel propriétaire. Les moments difficiles ont été divisés par dix et la grande fête à Flemington fut en revanche décuplée. Almandin avait laissé l’Europe après son succès dans un Gr2, où il avait devancé le lauréat de la Melbourne Cup 2014, Protectionist (Monsun), et le lauréat du Derby allemand 2014, Lucky Speed (Silvano). Sur sa qualité, il avait l’étoffe d’un cheval de Melbourne Cup, comme plus ou moins une trentaine d’autres sujets en Europe. Mais il fallait beaucoup de courage pour investir sur un hongre de 4ans au mois de juin. Un pari de fou pour un homme tout seul, jouable à dix, surtout si la cible est une course avec un chèque de 3,6 millions de dollars au gagnant.

Une majorité de hongres. Avec notre grille de lecture européenne, il est difficile de comprendre l’Australie hippique. Dans notre échantillon de 30 gagnants de Gr1, la majorité sont des hongres (12), suivis par les mâles (11) et les femelles (7). Les hongres sont la tranche du marché la plus intéressante. Les trois Godolphin de notre liste sont des chevaux atypiques qui ont trouvé leur course millionnaire. L'ex-anglais Redkirk Warrior (Notnowcato) est arrivé en Australie en provenance de Hongkong. Il a remporté à 30/1 le Newmarket Handicap. Les deux autres ont des histoires plus ou moins similaires, avec un début de carrière incertain et une montée en puissance.

Chautauqua, au nom du sprint. Dans ce créneau, on trouve le meilleur sprinter du pays, le fameux Chautauqua (Encosta de Lago). Il est connu pour affronter les courtes lignes droites du sprint australien avec une dizaine de longueurs de retard. Dans ce style si particulier, il a remporté pour la troisième fois le TJ Smith (Gr1), un terrible sprint millionnaire, en avril à Randwick. Comme d’habitude, il est passé dire bonjour au gardien du parking en pleine piste, avant de foudroyer ses rivaux. Douze victoires en douze sorties, pour 8.369.435 € de gains à partager entre huit associés. Aux ventes, il n’était pas exactement un joli petit cheval de vitesse pas cher. Son prix de réserve était de 400.000 $. Les enchères se sont arrêtées à 300.000 $. La vente s’est donc faite à l’amiable avec huit associés. Pour un Chautauqua qui réussit, il y a des douzaines de déceptions. Mais la règle qu’on a apprise est toujours la même : douze blessés valent mieux qu’un seul mort.

Les hongres et l’élevage. Cette mode de la castration pourrait mettre en péril la solidité de l’élevage australien. Et pourtant, il n’en est rien. L’argent est toujours le nerf de la guerre. Prenons un exemple. Your Song (Fastnet Rock), un bon sprinter, gagnant de Gr1, est tête de liste des étalons de première saison, avec dix gagnants. Il officie à 20.000 $ (plus T.V.A.) et peut compter sur 95 juvéniles qui prennent 3ans. Sa première saison a généré 1.900.000 $ de saillie. Mais il faut soustraire à cette somme les frais de gestion, les assurances, publicités et tutti i frutti. Les premiers produits de Your Sond ont offert un bol d’air à Widden Stud. Mais un cheval de son niveau aurait certainement décroché plus ou moins la même somme en piste, à laquelle on aurait pu rajouter le plaisir de ses propriétaires.

Snitzel et la domination de Redoute’s Choice. Quarante nouveaux étalons sont annoncés pour la saison 2017, dont 28 à un tarif de 10.000 $ ou plus. Douze feront la navette : le plus cher est American Pharoah (60.000 $ plus T.V.A.). Au total, 192 étalons sont répertoriés par le site www.stallions.com.au. Ils doivent se partager à peu près 20.000 poulinières. Cent dix étalons sont proposés à 10.000 $ ou plus. Cinquante-deux sont à 20.000 $ ou plus. Dans ce créneau, il faut noter un phénomène intéressant. Seulement 12 chevaux qui font la navette ne sont pas issus du circuit de sélection australien. Parmi les vingt premiers du classement, à moins d’un mois de la fin de la saison, les purs australiens sont majoritaires (15). C’est le cas de 4 des 5 premiers, dont Snitzel, un des trois fils de Redoute’s Choice (Danehill) qui figurent dans le top ten. Leur père (21ans) est encore en course, onzième. Il ne lui manque que trois gagnants de Groupe pour franchir le cap des 100 succès et il est proposé à 120.00 $. Seuls ses fils Snitzel (160.000 $) et Fastnet Rock (private) le dépassent.

Winx, une domination mais pas une dictature. Quand je me suis assis devant mon ordinateur pour écrire cet article-bilan sur la saison des Grs1 en Australie, je m’étais fixé un objectif : parler des chevaux et des chiffres sans jamais citer la championne Winx (Street Cry). Mais au final, je me suis dit qu’il était important de signaler qu’elle venait de conclure une deuxième saison sans défaites, avec huit succès (six Grs1). Sa série de victoires compte 17 lignes. En 2016-2017 elle a récolté 6.026.750 dollars. Mais la jument a une autre particularité, impossible à retranscrire avec un chiffre : elle a domine le galop australien sans l’écraser, comme l’ont fait d’autres grands champions qui on su atteindre le cœur du public sans pratiquer la politique de la terre brulée autour d’eux.