Un destin tout tracé… pas toujours vers l’immortalité

Autres informations / 23.09.2008

Un destin tout tracé… pas toujours vers l’immortalité

JOURNAL DE L’ARC        

Pour un vainqueur de Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) – mâle

ou femelle –, le chemin est simple et doit le mener droit vers le haras, à plus

ou moins brève échéance. Certains lauréats n’y trouvent pas leur compte et

produisent relativement mal par rapport à la qualité qu’ils ont montrée en

course. D’autres, en revanche, nous gratifient d’une production satisfaisante

voire exceptionnelle. Focus sur les gagnants d’Arc ayant produit eux-mêmes des

lauréats de la très grande course, mais aussi sur quelques vainqueurs plutôt

doués au haras et enfin sur la situation post-Arc des quinze derniers gagnants.

Le Club des Cinq

Depuis 1920, seulement cinq lauréats du Prix de l’Arc de

Triomphe ont réussi à engendrer eux-mêmes des vainqueurs d’Arc. Premier de cette

très courte série, Djebel (Tourbillon) s’est imposé dans l’édition 1942 de

l’Arc. Privé de course classique à 3ans du fait de la seconde Guerre Mondiale,

Djebel s’est vengé début octobre puis a produit la très bonne Coronation

(Djebel) elle-même gagnante du Prix de l’Arc de Triomphe en 1949. Devenu un

chef de race, Djebel a « tracé » au haras.

Double lauréat de l’Arc en 1955 et 1956, le formidable Ribot

(Tenerani) est resté invaincu tout au long de sa carrière signant aussi une

victoire dans les King George VI 1956. Véritable phénomène, Ribot a engendré

deux lauréats de l’Arc : Molvedo (1961) et Prince Royal II (1964). Il ne s’est

donc pas contenté d’être un champion sur la piste, il a aussi été un

remarquable étalon.

Cheval ailé, Sea Bird (Dan Cupid) a été pour beaucoup le

gagnant d’Arc du siècle. En 1965, il a vraiment écrasé l’opposition, triomphant

en toute décontraction. Il est devenu par la suite le père d’une fantastique

lauréate du Prix de l’Arc de Triomphe, Allez France (Sea Bird). Si les énormes

attentes placées en lui comme reproducteur ont été quelque peu déçues, il n’en

est pas moins à l’origine de Little Current (Preakness Stakes et Belmont

Stakes), Gyr (2e Derby d’Epsom de Nijinsky) et d’Artic Tern (père de Bering).

Il faut aussi dire que Sea Bird n’aura eu que sept productions et demie – il

est mort en mars 1973 – dont sept américaines. Initialement loué pour cinq pour

la somme record d’1,5M$, son bail à Darby Dan Farm a été finalement prolongé de

deux ans.

Lauréat contesté du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) en 1985,

Rainbow Quest (Blushing Groom) n’a remporté le Graal que sur le tapis vert face

à Sagace (Luthier), rétrogradé. Mais il n’y a pas eu totale usurpation car il a

réussi une belle carrière au haras. Il a notamment engendré un certain

Saumarez, gagnant de l’Arc en 1990 et bien d’autres lauréats de Gr1 tels que

Quest For Fame (Derby d’Epsom), les propres frères Raintrap (Canadian

International) et Sunshack (Coronation Cup), Sought Out (Prix du Cadran), Rainbow

Dancer (Turf Handicap), etc.

Fils de Sadler’s Wells, Montjeu (Sadler’s Wells) a attiré

les convoitises de la multinationale Colmore qui l’a acheté à Jimmy Goldsmith

(Tsega Limited). Impérial dans le Prix du Jockey-Club (Gr1) et dans le Derby

d’Irlande (Gr1), le partenaire de Mick Kinane s’est imposé de façon magistrale

dans le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) 1999 en revenant sur le fuyard, El

Condor Pasa (Kingmambo). A 4ans, il a remporté un mini Grand Prix de

Saint-Cloud (Gr1) et les King George VI and Queen Elizabeth Stakes (Gr1). Il a,

en revanche, échoué dans sa tentative de doublé d’Arc en 2000. Au haras, on

peut parler de débuts en fanfare : sa première production comprend Motivator

(Montjeu), vainqueur du Derby d’Epsom (Gr1), et Hurricane Run (Montjeu) qui

sous les mêmes couleurs que son père allait enlever l’Arc à 3ans et les King

George à 4ans. Mais comme son père, il n’allait pas réussir dans sa tentative

de doublé. Le sang de Sadlers Wells est donc bien gardé. Les vainqueurs ne sont

pas arrêtés   là   (Authorized, Scorpion, Montmartre, Frozen

Fire, etc.) et Montjeu véhicule désormais avec panache le sang de Northern

Dancer.

 

Des reproducteurs honnêtes

Véritable champion sur la piste, Dancing Brave (Lyphard) a

émerveillé le turf en signant de brillantes victoires comme les Deux Milles

Guinées (Gr1) ou les King George VI and Queen Elizabeth Stakes (Gr1). Dans

l’Arc 1986, il n’a laissé aucune chance à ses rivaux, l’emportant avec

autorité. Au haras, il s’est signalé en produisant notamment Wemyss Bight,

héroïne des Irish Oaks (Gr1) en 1993 et mère de Beat Hollow (Sadler’s Wells),

vainqueur du Grand Prix de Paris 2000 (Gr1), White Muzzle, deuxième de l’Arc

1993, et True Brave devenu bon reproducteur en obstacle.

Tony Bin (Kampala) faisait partie de ces braves compétiteurs

dont le courage égalait au moins la qualité intrinsèque. A 3ans, lors de sa

première tentative dans le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1), il prit le premier

accessit derrière Trempolino (Sharpen Up). Un an après, il trouva la

consécration en enlevant la grande épreuve. Il est le dernier vainqueur italien

de notre grande épreuve internationale. Au haras, au Japon, il a produit des

chevaux tels que Jungle Pocket, qui a apporté à Olivier Peslier sa toute

première Japan Cup (Gr1) en 2001, et Telegnosis très bon miler qui fut

troisième du Prix Jacques Le Marois (Gr1) en 2003.

 

Un cas à part

Lauréat du Prix de l’Arc de Triomphe en 1944 après avoir

réussi l’incroyable série constituée des Prix de Guiche, Greffulhe, Hocquart,

Lupin et du Jockey-Club, Ardan (Pharis) a eu un destin atypique. En effet, le

cheval de Marcel Boussac a continué à courir à 4ans prenant même la deuxième

place de l’Arc 1945. Le doublé n’était pas loin. Il s’imposa cette année-là

dans le Grand Prix de SaintCloud et revint en 1946. Alors qu’il avait remporté

la Coronation Cup à Epsom, Ardan joua le rôle de… leader dans l’Arc 1946, et

réussit malgré tout à conclure à la quatrième place, signe d’un courage et

d’une classe exceptionnels.

Les quinze derniers vainqueurs : haras direct ou

prolongations

Parmi les quinze derniers vainqueurs de l’Arc, si la

majorité a intégré le haras aussitôt son titre acquis, d’autres ont prolongé

leur carrière d’une autre saison. C’est ce qu’on pourrait appeler l’itinéraire

bis.

Héroïne du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) en 1993 après

avoir eu un parcours en or donné par Eric Saint-Martin le long de la corde,

Urban Sea (Miswaki) est devenue une matrone au haras, engendrant des chevaux

tels que My Typhoon (Giant’s Causeway), Melikah (Lammtarra) placée des Oaks

d’Epsom (Gr1) en 2000, Black Sam Bellamy (Sadler’s Wells) vainqueur de la

Tattersalls Gold Cup (Gr1), All Too Beautiful (Sadler’s Wells) et surtout le

champion Galileo (Sadler’s Wells), gagnant des Derbies d’Epsom et d’Irlande

(Gr1) ainsi que des King George (Gr1). La protégée de Jean Lesbordes qui n’a

cessé de progresser au cours de sa carrière aura marqué l’Arc et l’élevage qui

en est, en quelque sorte, la finalité.

1994 c’est l’année du second succès dans l’Arc du tandem

Fabre-Jarnet avec Carnegie (Sadler’s Wells) qui battait le vainqueur du Prix du

Jockey-Club (Gr1), Hernando (Niniski). Arrivée très serrée dans cet Arc.

Carnegie rempila pour une dernière saison de course, à 4ans et conclu notamment

troisième du Breeders’ Cup Turf (Gr1) en 1995. Devenu étalon il exerça ses

talents à l’étranger mais n’a pas laissé une trace indélébile dans cette

fonction.

Lammtarra (Ninjinski) dont nous avons déjà parlé (voir JDG

du 22/09) est arrivé invaincu sur l’Arc 1995 et l’est resté. Héros de l’Arc, du

Derby d’Epsom et des King Georges (Gr1) notamment, le pensionnaire de Saeed Bin

Suroor n’a pas non plus réussi une grande carrière au haras.

Elevé par le haras de la Louvière, Hélissio (Fairy King) a triomphé

dans l’Arc 1996 de bout en bout. Après avoir tenté sa chance dans la Japan Cup

(Gr1), il a disputé la Dubai World Cup (Gr1) et a enchaîné jusqu’à sa sixième

place dans l’Arc 97. Etalon au Japon, comme bon nombre de gagnants d’Arc, il a

connu – pour l’instant – un succès relatif au haras.

Peintre Célèbre (Nureyev) reste comme nous l’avons dit un

vainqueur d’Arc absolument hors norme. Après sa brillante saison 97, ponctué du

Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1), le pensionnaire d’André Fabre s’apprêtait à

faire sa rentrée dans le Prix Ganay (Gr1) lorsqu’il s’est blessé, étant

contraint d’arrêter sa carrière. Placé en Irlande, chez Coolmore, il a produit

notamment Belle et Célèbre (lauréate du Prix Saint-Alary, Gr1), Millionaia

(deuxième du Prix de Diane, Gr1), Dai Jin (héros du Derby allemand 2004), Super

Célèbre (deuxième du Prix du Jockey-Club 2003, Gr1) et bien sûr Vallée

Enchantée (héroïne du Hong Kong Vase, Gr1). Sans avoir produit un cheval de sa

dimension (était-ce possible ?), il a une production régulière de bon niveau.

1998 c’est l’année de Sagamix (Linamix), un pur produit de

l’élevage Lagardère. Invaincu avant l’Arc, il l’est resté après au prix d’un

grand courage. Vendu à l’écurie Godolphin pour le reste de sa carrière, il ne

put retrouver son vrai niveau et entra au Haras en France où il possède une

production mixte plat/obstacle avec plusieurs références de black-type.

1999 ayant déjà été évoqué (voir Montjeu), intéressons nous

à l’an 2000. Il a mis en valeur Sinndar (Grand Lodge), un champion qui avait

réussi le doublé des Derbies, anglais et irlandais avant d’enlever l’Arc. Sa

carrière s’arrêta sur cette course puisqu’il devint étalon pour son

propriétaire, Son Altesse l’Aga Khan. Il a produit notamment Youmzain, candidat

au Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) 2008, Shawanda, brillante lauréate des

Oaks d’Irlande (Gr1) et du Prix Vermeille (Gr1) en 2006 et Visindar, cinquième

du Derby d’Epsom en 2006.

 

L’écurie Godolphin remporte son premier Arc en 2001 avec

Sakhee (Bahri). Deuxième du Derby d’Epsom (Gr1) de Sinndar, il enlève en 2001

les Juddmonte International Stakes (Gr1) puis l’Arc avec une grande facilité,

sur un terrain très lourd.

Deuxième du Breeders’ Cup Classic en fin d’année, il est

battu par deux fois en 2002 et se retire. Dans sa production, on note les noms

de Sakhee’s Secret, qui fait partie des bons sprinters anglais et de Shujoon,

vu au niveau des Listeds en France.                          

 2002, c’est une

nouvelle victoire pour l’écurie de Dubaï. Marienbard (Caerleon) piloté avec

doigté par Lanfranco Dettori se faufile le long de la corde et triomphe

sûrement. Retiré au haras au Japon suite à son exploit, Marienbard n’a pas

encore produit de sujet sortant de l’ordinaire.

Dalakhani (Darshaan) est « LE » cheval de l’année 2003. Même

s’il est vaincu, avec des circonstances atténuantes dans le Derby d’Irlande

(Gr1) par son compagnon de casaque Alamshar (Key of luck), il remporte le

Jockey-Club et l’Arc. Au haras, ses produits se révèlent très vite et il compte

dans sa première production (3ans cette année) deux titulaires de Gr1 :

Moonstone et Conduit. Auxquels il faut ajouter Centennial (Great Voltigeur

Stakes), Gr2), Démocrate (Prix Hocquart, Gr2) ou Shemima (Prix de Lutèce, Gr2).

Bago (Nashwan), monté par Thierry Gillet, a gagné le Prix de

l’Arc de Triomphe 2004 (Gr1). Vainqueur classique à 2ans (Critérium

International, Gr1) et à 3ans (Prix Jean Prat et Grand Prix de Paris, Gr1), le

pensionnaire de Jonathan Pease s’est imposé sûrement devant Cherry Mix

(Linamix). A 4ans, il s’est classé troisième de l’Arc et des King George avant

d’intégrer le haras. Sa production est encore trop jeune pour être jugée.

Hurricane Run (Montjeu) a soufflé sur Longchamp le premier

dimanche d’octobre 2005. Après une belle année, qui l’a vu enlever le Derby

d’Irlande (Gr1) et l’Arc, il a ensuite remporté les King Georges (Gr1) en 2006

avant de terminer quatrième lors de sa tentative de doublé d’Arc. Comme son

père. Il est donc devenu étalon à 5ans.

Cheval tout neuf, Rail Link (Dansili) enlève en juillet le

Grand Prix de Paris (Gr1) puis le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1). Alors qu’il

devait faire sa rentrée à la fin du printemps 2007, celle-ci est reportée à

plusieurs reprises. On ne le reverra plus en compétition et il restera sur sa

victoire prestigieuse.

L’an passé, Dylan Thomas (Danehill) a enlevé un Arc qui

semblait promis à Manduro (Monsun) avant que ce dernier ne s’accidente.

Gagnant, entre autres, des King George (Gr1) et de l’Irish Derby (Gr1), ce 4ans

a également triomphé par deux fois dans les Irish Champion Stakes (Gr1). Vrai

champion aimant le bon terrain, le protégé d’Aidan O’Brien devait courir la

Japan Cup (Gr1) mais a connu des soucis liés aux conditions sanitaires. Il

s’est alors rabattu sur la Hong Kong Vase (Gr1) dans lequel il a échoué. Comme

tous les lauréats depuis Dalakhani, Dylan Thomas a donc été en piste jusqu’à

l’âge de 4ans.

 

 

LES CHIFFRES DE L’ARC

          Allocation 2008 du Qatard Prix de

l’Arc de Triomphe portée à 4M€

          Allocation de la Qatar Arabian World

Cup : 450.000€ Allocation globale du week-end : 6,7M€

A douze jours du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1),

c’est une éviction qui fait l’actualité. Richard Hughes, partenaire de longue

date du 5ans Youmzain (Sinndar) a été remplacé par Richard Hills pour la grande

course du 5 octobre. Le pensionnaire de Mick Channon est un candidat sérieux

pour l’Arc et figure aujourd’hui autour de 10-1 dans les livres des books.

C’est à la demande du propriétaire, Jaber Abdullah, que le changement a été

orchestré.  Cette rupture d’association

est une surprise dans le sens où Richard Hughes était devenu le partenaire

attitré du fils de Sinndar avec lequel il avait encore cette année fait bonne

figure dans les grandes épreuves européennes. Deuxième du Coronation Cup (Gr1)

d’Epsom derrière Soldier of Fortune (Galileo), gagnant du Grand Prix de

Saint-Cloud devant le même Soldier of Fortune et enfin troisième des King

George VI Stakes, Youmzain et Richard Hughes comptent peu de fausses notes. Ils

ont aussi pris la deuxième place de l’Arc 2007, à une tête seulement derrière

Dylan Thomas (Danehill). C’est, semble-t-il, la troisième place lointaine, à neuf

longueurs de Duke of Marmalade (Danehill), dans les King George du 26 juillet

qui ont eu raison du jockey.

Youmzain et Richard Hills ont fait connaissance lors d’un

travail matinal dimanche matin sur l’hippodrome de Newbury. Mick Channon, qui

se remet doucement d’un grave accident de voiture arrivé en août, était présent

pour suivre l’exercice de son véhicule.