Sadler's wells part à la retraite

Autres informations / 13.05.2009

Sadler's wells part à la retraite

Montjeu, un des meilleurs

Sadler's Wells en piste et au Haras

Une époque s'achève. On avait

fini par le considérer comme éternel tant lui-même et ses fils occupaient la

Une de l'élevage mondial ces vingt-cinq dernières années. Et pourtant le

communiqué de Christy Grassick, Directeur de Coolmore, en ce 12 mai 2008, a touché

tous les éleveurs et passionnés de courses : Sadler's Wells part à la retraite.

Âgé de 27 ans, ce fils de Northern Dancer est précisément l'équivalent européen

de son père américano-canadien. En une phrase, c'est l'étalon qui a le plus

marqué l'élevage européen de la fin du 20e siècle. Un seul chiffre, bien que

son influence ne résulte pas de la statistique : en une vingtaine d'année de monte

effective à Coolmore, cet étalon de légende a produit 72 gagnants individuels

de Groupe 1 ! Un record extraordinaire qui témoigne de la qualité de cet étalon

totalement hors du commun.

Et pour compléter ce tableau

élogieux, Sadler's Wells est devenu ces dernières dix années un sire qui allait

définitivement entrer dans l'histoire de l'élevage dans la mesure où certains

de ses fils démontrent qu'ils prolongent et démultiplient l'influence de leur

père. Pour que Sadler's Wells termine serein ses jours, il fallait que sa

marque lui survive est c'est ce que constatent aujourd'hui les éleveurs avec la

réussite éclatante de Galileo et Montjeu en ce début de 21e siècle, clairement

les deux meilleurs étalons

« classiques » de ces

dernières années. Si nous insistons sur cet aspect déterminant, c'est surtout

parce que tout le monde en doutait dans les années 1990. Les premiers fils de

Sadler's Wells furent pour la plupart des échecs au haras, et le commentaire

qui était chuchoté par les spécialistes précisait qu'il ne ferait pas un « sire

of sires », sans doute parce que ses meilleurs performers l'étaient sur la

distance classique de 2.400m. Sadler's Wells était un roi dominant que le

marché critiquait, pour ses aptitudes et sa capacité à produire des étalons à

sa hauteur, à l'inverse de son jeune rival, Danehill. La tendance critique

s'inversa avec In The Wings qui mit lui-même quelque temps à s'imposer comme un

leader, mais l'ascension éclaboussante de Montjeu, peu recherché en ses débuts,

et surtout de Galileo avec ses champions 2ans, Teofilo et New Approach,

imposait au grand jour l'influence de Sadler's Wells sur l'élevage européen.

Lui-même est un cheval très «

politique » qui sert de lien entre des époques, entre des hommes, entre des

continents. Son époque de gloire est celle des années 1980/90 où il incarne le

« renouveau » de l'élevage européen en regard d'un Kentucky qui était devenu

leader, surtout grâce aux importations massives d'Europe. Sadler's Wells c'est

l'érection de Coolmore comme phare de la première multinationale européenne qui

relève le défi sportif et économique de l'Amérique. Et il assure le passage entre

les générations puisqu'il a été entraîné par Vincent O'Brien et qu'il va être

managé par le gendre, John Magnier, passage de l'ancien savoir-faire éprouvé au

souffle expansionniste et triomphant de la nouvelle Irlande. Pont entre les

continents car Sadler's Wells sera le Northern Dancer de la vieille Europe qui

se réveille. En ce sens, il faut rappeler que la « révolution Northern Dancer »

qui a fabriqué le pur-sang de la modernité s'accomplit pleinement en Europe via

Sadler's Wells et Danehill alors qu'elle tourne court aux USA, aujourd'hui

clairement en déclin sur le plan de la sélection.

 

 

Sadler's Wells est un conte

de fée. Il était un bon cheval de courses sans être un « champion »: gagnant

des Irish 2000 Guinées et des Irish Champion Stakes, il fut défait dans notre

Jockey Club et dans les King George. Entré à Coolmore en même temps que Lomond,

les éleveurs hésitaient entre celui qui deviendra une légende et l'autre qui

sera effacé. Mais le haras n'est pas un champ de courses, il requiert d'autres qualités,

d'autres dispositions et le fils de Fairy Bridge était clairement « fait » pour

la reproduction. Sa production sur laquelle nous reviendrons longuement dans

nos prochaines éditions, a d'emblée était extraordinaire, donnant des

performers remarquables du mile à la distance classique.

Il y aura donc peu de

rejetons de Sadler's Wells en 2009. Avec le décès de Danehill, et la retraite

bien méritée de Sadler's Wells, disparaissent ainsi les deux piliers de

l'Irlande, de l'Europe, de l'Australie. Leurs fils sont en place pour

développer leur influence, pour les garder vivants dans notre mémoire. Et puis,

signe du destin, comme pour montrer que la « sortie » ne nous prive pas de ses

derniers produits, le jour de la décision du retrait du sire était aussi celui

de la victoire d'un de ses jeunes fils prometteur qui sera peut-être apte de

prolonger son sang : le Wertheimer Prospect Wells remportait le Prix Greffulhe

(Gr2) dans un style spectaculaire, typique de son père, c'est-à-dire brillant

et courageux à la fois. Le protégé d'André Fabre, qui relèvera le défi du

Jockey Club, démontrait la dimension omniprésente de son père : des chevaux qui

courent avec leur tempérament, leur ardeur, leur bonne volonté. Les Sadler's

Wells sont des gagneurs, et leur trace ne fait que commencer. À bientôt,

Monsieur Wells.