Sociopros et hypersociopros par mayeul caire, directeur de jour de galop

Autres informations / 23.11.2011

Sociopros et hypersociopros par mayeul caire, directeur de jour de galop

L’élection

2011 à France Galop aura été marquée par la percée de l’Association des

Entraîneurs-Propriétaires (AEP) animée depuis plusieurs années par Frédéric

Danloux. Sa victoire est un tournant dans la sphère politique du galop

français, même si l’AEP compte un siège de moins que les trois grandes

associations historiques (Syndicats des propriétaires, des éleveurs et

"P.P."). Avant de répondre à la question « Pourquoi un tournant ? »,

penchons-nous d’abord sur les raisons du succès de l’AEP ? Idéologiquement, la

victoire des colistiers de Frédéric Danloux repose sur cette théorie : ce sont

les hommes vivant principalement des courses qui ont le plus souffert de la récession,

à commencer par les entraîneurs, obligés de devenir propriétaires de leurs

chevaux, d’où le nom de l’association d’ailleurs.  Cette crise, rappelons-le, n’est pas une

faillite du modèle économique des courses françaises – puisque le chiffre

d’affaires du PMU ainsi que les allocations ventilées par France Galop sont en

hausse. Il s’agit surtout d’une carence de l’investissement : moins de

propriétaires pour acheter des chevaux, aux ventes ou à l’amiable, et payer une

pension. Mon impression, au risque d’exagérer, c’est que même en triplant les

allocations, la filière ne se porterait pas mieux. Car cela ne permettrait pas

de tripler le nombre de propriétaires. Or c’est de propriétaires-investisseurs

que nous avons le plus cruellement besoin. Notre environnement économique

compte deux « actionnaires de référence» : le parieur et le propriétaire. Le

parieur investit toujours un peu plus chaque jour ; pour le propriétaire, c’est

le contraire. Pourquoi les parieurs français sont-ils de plus en plus nombreux

et investissent-ils de plus en plus ? Parce que le PMU fait bien son travail,

en offrant plus de confort et plus de service : le parieur de 2011 peut jouer à

n’importe quelle heure de la journée et partout. En cela, il est objectivement

plus heureux que celui de 2010, de 2009, de 2008… À l’inverse, pourquoi les

propriétaires français investissent-ils de moins en moins ? La question doit

être posée. Mais qui osera y répondre? J’y reviendrai demain, dans Jour de

Galop. Ce que proclame le résultat de l’élection, c’est donc la victoire de

ceux qui vivent des courses : entraîneurs (beaucoup de dynamisme, avec trois

listes), entraîneurs-propriétaires (le succès que l’on sait) et éleveurs

professionnels ou quasi-professionnels. À l’inverse, échouent, reculent ou stagnent

les éleveurs sans sol (Jean-Pierre Quinson), les propriétaires (Marcel Chaouat

pas élu, et le Syndicat perdant un siège) et autres pas toujours marqués comme

intervenants (les "P.P." se contentent de conserver leurs sièges,

malgré l’apport des AQPS). Ce constat, je le fais sans a priori et sans

exprimer une préférence personnelle– simplement en ayant analysé les

argumentaires de campagne et en constatant les résultats dans les urnes. Je dis

aujourd’hui, en formant un néologisme, 

que l’élection 2011 a signé la victoire des "hypersociopros",

qui sont un sous-ensemble au sein de l’entité plus large que l’on appelle

"sociopros". J’en veux pour preuve le nombre inédit d’entraîneurs

représentés au sein des instances nationales ou régionales. Un exemple, parmi

d’autres : l’AEP a gagné deux sièges de "propriétaires" au Comité de

France Galop. Et ceux-ci seront occupés par deux entraîneurs : Mathieu Boutin

et François Doumen. Certes, les deux hommes sont aussi des propriétaires (et

éleveurs). Mais tout de même, leur activité dominante les classe dans la

catégorie des entraîneurs. Le fait que deux postes dédiés aux propriétaires

échoient à des entraîneurs n’est pas neutre et a au moins une conséquence :

celle de modifier les équilibres prévus. Encore une fois, je ne suis pas là

pour dire s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise chose ni pour juger les

hommes concernés, mais simplement pour mettre en lumière ce fait nouveau,

symbolique et impactant. Car il est certain qu’un propriétaire investisseur,

qui n’intervient pas au quotidien dans la gestion de son cheval, ne peut pas

avoir le même point de vue qu’un propriétaire-entraîneur qui gère, en plus de

son effectif, des hommes, des charges, des engagements, etc. En ce lendemain

d’élection où il a été si peu (pour ne pas dire pas du tout) question des

propriétaires non intervenants, je pense à eux et à tous ceux qui, même s’ils

ne sont pas au contact des chevaux au quotidien, n’en ont pas moins un rôle

essentiel à jouer au sein de la filière courses. Ne les laissons pas de côté.

Sans actionnaires, les usines ont beau avoir les meilleurs ingénieurs, les

meilleurs contremaîtres et les meilleurs ouvriers du monde, elles courent le

risque de tourner à vide.

Mayeul

Caire