
Autres informations / 05.06.2012
Saonois : un croisement reflechi et reussi !
Le
gagnant du Prix du Jockey Club 2012 n'est ni par Galileo et une fille de
Danehill, ni par montjeu et une fille de Kingmambo, et encore moins par Deep
Impact et une fille de Giant's Causeway. Un français issu de français, fruit
d'un croisement délibéré qui mérite amplement son statut classique...
CHICHICASTENANGO
X GARDE ROYALE...
Dans les
différents articles consacrés à Saônois et à son éleveur, Olivier Corbière (haras
de Nonant-le-Pin), que vous avez pu découvrir dans votre édition de Jour de
Galop du mardi 5 juin 2012, tout a (presque) déjà été dit concernant notre
nouveau champion : de l'avènement de son père Chichicastenango, père de deux
lauréats et d'un placé du Prix du Jockey Club en cinq ans, de son exportation
regrettable au Japon, de l'histoire du haras de Nonant-le-Pin contée avec
enthousiasme par notre ami Guy Thibault, ou encore de l'inspiration générée par
le crack Vision d'État dans le croisement à l'origine de Saônois. Voilà qui
nous permet d'entrer un peu plus dans le détail de l'analyse du grand pedigree
de ce dernier, en commençant par l'étude de la production de son père. Pour
l'anecdote, rappelons au passage que c'est en traversant le village de Chichicastenango
(prononcer "tchitchicastenango"), situé sur les hauts plateaux du
Guatemala, qu'un éleveur décida d'attribuer ce nom à un poulain, ayant remarqué
que son compagnon de voyage, le speaker officiel de nos hippodromes Jean-Pierre
Bailly, balbutiait en essayant de le prononcer. Une sorte de défi, d'ailleurs
brillamment relevé par notre ami, sauf peut-être le jour de la victoire de
Chichicastenango dans le Grand Prix de Paris (Gr1), d'ailleurs acquise en temps
record : aucun spectateur ne pourra en témoigner, puisque la course se disputa
à huis clos, un mardi, conséquence d'une grève sauvage le dimanche... Après six
saisons de monte en France, Chichicastenango a produit 264 foals pour treize
black types (5 %) dont huit gagnants de Stakes parmi lesquels deux vainqueurs
classiques, le tout sans disposer d'une jumenterie d'élite. Ses meilleurs
actifs proviennent indéniablement du croisement avec des filles ou
petites-filles de Garde Royale, un petit fils de Right Away, soeur utérine du
top 2 ans et excellent reproducteur Grey Dawn II, qui remporta la Poule d'Essai
des Pouliches en 1966. Stationné aux Haras nationaux (comme Labus, père de la
troisième mère de Saônois), fruit d'une sélection axée sur le Derby et sur le
Prix du Jockey Club version 2.400m (Mill Reef + Sicambre + Right Royal +
Mahmoud), Garde Royale fut un bon 4ans sur la distance classique (gagnant de
Gr2) avant d'engendrer de nombreux bons sauteurs et la championne Carling,
reine du Prix de Diane et du Prix Vermeille (Grs1) en 1995. Chichicastenango a
conçu quatorze foals avec des descendantes de Garde Royale, que nous classerons
en trois groupes distincts :
- 5
mâles bais : Chichi Creasy, Chichi Royale (trois quarts frère de Vision
d'État), Saônois, Septime Sévère et Vision d'État, tous vainqueurs (100 %) dont
trois au niveau des Groupes (60 % !) ;
- 3
mâles gris : Affaire d'État (propre frère de Vision d'État), Beat Chris (propre
frère de Chichi Creasy) et Chostako, également tous vainqueurs (100 %) mais
sans aucune mention black type ;
- 6
pouliches : Chi Chi de Boitron, Funny Crazy (propre soeur de Chichi Creasy), La
Belle Chichi, Lutteuse Royale (trois quarts soeur de Vision d'État), Miss Chic'
Vindecy et Nataba (propre soeur de Vision d'État), soit aucune gagnante, trois
placées et trois inédites...
La
conclusion semble donc assez claire : le chromosome X de Chichicastenango (non
porteur du X Factor) n'est pas favorable dans son croisement avec Garde Royale
; son chromosome 25 (non gris) est porteur d'allèles plus favorables que son
chromosome 25 (gris) ; son chromosome 3 (porteur de l'allèle bai) semble
qualitativement supérieur à son homologue alezan, du moins dans le croisement
avec Garde Royale. On notera pour être complet que Chichicastenango a produit
deux foals avec des filles de Royal Charter, propre frère de Garde Royale, pour
obtenir deux pouliches (une quatre ans et une trois ans), encore inédites à ce
jour... Olivier Corbière a donc bien fait de s'inspirer du croisement à
l'origine de Vision d'État, et la loterie génétique lui a offert une
combinaison gagnante à douze contre un !
LE LEGS
DE KALDOUN...
Suite à
ses résultats sur le plan international, Chichicastenango a donc été exporté au
Japon où il honora une jumenterie plus classique avant de disparaître des
suites de coliques, en janvier de cette année. Son sang est resté chez nous
grâce à deux de ses fils : Chichi Creasy, gagnant du Prix de Fontainebleau
(Gr3) avant de s'accidenter et qui officie au haras du Grand Chesnaie (ses
premiers produits ont deux ans), et le champion Vision d'État, quadruple
gagnant de Gr1 (Prix du Jockey Club, Prix Ganay, Prince of Wales's Stakes, Hong
Kong Cup), stationné depuis l'an passé au haras de Grandcamp. Rappelons que le
solide et vénérable Smadoun (22ans), encore responsable d'un gagnant dimanche,
est toujours actif au haras des Sablonnets, et que son fils Blue Brésil est
stationné au haras de la Croix Sonnet. La lignée mâle de Kaldoun, qui a honoré
notre élevage de dix gagnants de Gr1 et qui génère des chevaux de course
solides, courageux, lutteurs et talentueux, est assurément une carte maîtresse
de notre élevage, via des étalons au potentiel améliorateur qui méritent
amplement notre soutien !
HOMME DE
LOI EN PERE DE MERE...
Saônois
est le deuxième gagnant de Gr1 issu d'une fille de Homme de Loi. L'autre se
nomme Mask Track, un fils de Mizzen Mast, gagnant du Hollywood Gold Cup (Gr1)
aux USA : il n'échappera pas aux spécialistes que Mizzen Mast, d'ailleurs
deuxième du Grand Prix de Paris de Chichicastenango, est un petit-fils de Caro,
l'aïeul direct de Saônois ! De plus, Chichicastenango n'a produit que deux
foals avec des filles de Homme de Loi, l'autre étant le triple vainqueur en
obstacle Lutteur Dancer. On ajoutera que Smadoun (père de Chichicastenango) a
produit le sauteur gagnant de Gr2 Molotof avec une fille de Homme de Loi... Des
références qui auraient certes pu conduire Saônois à Auteuil plutôtq u'à
Chantilly, mais qui traduisent une certaine affinité génétique entre ces courants
de sang. Rappelons que Homme de Loi, frère utérin du gagnant des Middle Park
Stakes (Gr.1) Mister Majestic, s'adjugea le Grand Prix de Paris (Gr.1) sur
2.000 m à 3ans (comme d'ailleurs Chichicastenango), avant de s'accidenter. Il
alterna la monte et l'entraînement à 4ans, sans grand succès malheureusement,
et n'a produit que cinq gagnants de Stakes avant sa réforme à l'âge de 18ans
(deux ans avant sa disparition, d'un infarctus). Il ne doit ses seules
présences dans des pedigrees classiques qu'à ses filles, en digne fils de Law
Society et petit-fils d'Alleged. Le croisement entre la lignée de Caro et les
descendantes de Ribot ont produit six gagnants de Gr1, un autre point fort à
l'actif du pedigree de Saônois !
UNE
FAMILLE SANS MENTION CLASSIQUE...
Guy
Thibault nous a rappelé que ce dernier était un descendant direct de
Hallebarde, née en 1909, dont il porte le même ADN mitochondrial. Si les
grandes familles ne meurent jamais, il faut dire que la souche dont provient
notre champion a sommeillé pendant de nombreuses générations : neuf exactement,
sans mention vraiment classique! Le réveil a commencé avec la solide Scalène
(Charlottesville), titulaire de sept victoires en trente-quatre sorties sur
trois saisons, et quatrième mère de notre sujet. Son pedigree est très
intéressant : inbred sur la jument d'élite Loika via ses fils Djebel et
Hiéroclès, Scalène était une fille de l'étalon Jefferson, un petit-fils de la
gagnante du Prix de Diane Montenica, elle-même arrière-petite-fille de
Hallebarde... On notera avec intérêt que cette Montenica était une propre soeur
de Djebellica, que l'on retrouve via son fils Cambremont dans le pedigree de la
mère de Chichicastenango, et que Scalène avait pour père de mère le vecteur de
speed Relic, fortement dupliqué chez Kaldoun ! Forte de son capital génétique,
Scalène a relancé sa souche en engendrant trois black types : Sarepta
(Grandchant), lauréate du Grand Prix de Vichy (Gr3), Samovar (RB Chesne),
gagnant de Listed, et Stenoree (Garde Royale), placée de Listed et mère de
Sarre (Freedom Cry), deuxième du Prix du Muguet (Gr2). Elle a également produit
la modeste Scamandre (Labus), qui ne put mieux faire que de prendre deux
petites places en neuf sorties avant de produire cinq foals, dont quatre bons
vainqueurs. La seule maiden de sa production fut Sa Majesté, deuxième mère de
Saônois, demeurée non placée en trois sorties. Elle a produit trois vainqueurs,
et fut surtout exploitée pour l'obstacle, rencontrant des étalons confirmés
dans cette spécialité tels Turgeon, Saint Preuil ou encore Robin des Prés. Ses
meilleurs produits sont Sarthois (Courtroom), titulaire de six victoires en
quarante-deux sorties durant neuf saisons en province (soit dit en passant un
gris descendant direct de Grey Sovereign comme Chichicastenango), et Saônoise,
une solide compétitrice qui s'adjugea cinq succès et trente-trois places en
cinquante tentatives de deux à huit ans, sur des distances allant de 1.600 à
2.200 m et sous l'entraînement de Jean-Pierre Gauvin. Non éprouvée par cette
carrière bien remplie, Saônoise produisit d'emblée la double gagnante Sainte
Baume (Enrique), une pouliche aussi solide que sa mère (vingt-deux sortie à 2
et 3ans, plus trois cette saison), même si de qualité nettement inférieure à
celle de son frère cadet. Après ces deux vainqueurs, Saônoise a produit
Sarrebourg (Sageburg), un poulain de 2ans à l'entraînement chez Jean-Pierre
Gauvin, et Sarrola (My Risk), une pouliche yearling. Elle a été saillie par
Turtle Bowl le mois dernier.
UN VRAI
CLASSIQUE...
Sans
black type sous les trois premières mères, issu d'un étalon dont le père et le
grand-père n'ont pas dépassé le niveau Listed en course, il est clair que la
page pedigree de Saônois ne lui aurait pas permis d'accéder aux ventes de
sélection à l'âge yearling... Mais il a été élevé pour la course, et bien
qu'étant passé par les "réclamer" (trente ans après Polytain), il
allie clairement la brillance amélioratrice de Chichicastenango au courage et à
la solidité de sa famille maternelle. Un croisement d'un très haut niveau de compatibilité,
qui fait la force des vrais classiques !
Thierry
Grandsir (DNA Pedigree)
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