
Autres informations / 06.03.2016
à auteuil, les noms de prix ont une histoire
HISTOIRE, HISTOIRES…
À AUTEUIL, LES NOMS DE PRIX ONT UNE HISTOIRE
Après l’hippodrome de la Solle, à Fontainebleau, puis celui d’Enghien-Soisy, c’est au tour de la Butte Mortemart de rouvrir ses portes. Ce dimanche, une réunion de huit courses est au programme, avec les Prix Robert de Clermont-Tonnerre et Juigné, deux préparatoires aux joutes de mi-mai et mi-juin. Au programme également, une des premières étapes menant au Prix du Président de la République.
Karcimont, un "Président" belge de 12ans
Avant le Prix Lutteur III, le Prix Karcimont est la première étape menant au Prix du Président de la République qu’un "vieillard belge", Karcimont, avait enlevé en 1970, à l’âge de 12ans. À ce jour, il reste le vainqueur le plus âgé du Prix du Président de la République. Avant ce vingtième succès de sa carrière franco-belge, il s’était préparé en prenant la troisième place du Prix Troytown. Dans cette épreuve, il était devancé par Melanos et un certain Huron. Ce dernier prendra sa revanche lors du Grand Steeple-Chase de Paris, gardant ainsi son titre. Pour l’occasion, le pensionnaire d’André Adèle devançait Haroué, Karcimont et Morgex.
Karcimont, alors âgé de 7ans et auréolé d’une belle musique belge, avait débarqué un beau matin à Chantilly, cinq ans plus tôt. Il était arrivé chez Domingo Perea, en provenance de Belgique, via le meeting hivernal de Cagnes, où son propriétaire flamand, Charles van Tieghem de ten Berghe, était allé lui faire prendre l’air méditerranéen.
À la suite de son escapade cagnoise, il était rentré momentanément chez lui, afin de dominer le Grand Steeple-Chase de Bruxelles, fin mai, toujours sous l’entraînement du Cantilien Domingo Perea. À son palmarès 1965 figure également une victoire dans le Grand Steeple-Chase d’Enghien. Monté par Jacques Geneau, il y avait devancé le fameux Sapin, frère de Pansa, tous deux nés à Pau. L’année suivante, il ne compte que trois sorties, dont une tentative infructueuse dans le "Président" et une deuxième place dans le Grand Steeple-Chase de Milan. À l’automne 1967, il décroche le Prix Montgomery, après une deuxième place dans le Grand Steeple-Chase d’Enghien et une nouvelle quatrième place dans le "La Haye-Jousselin".
En février 1968, à 10ans, il fait sa rentrée dans le Prix Robert de Clermont-Tonnerre. Il termine au pied du podium, dont la plus haute marche est occupée par Melanos (une Listed d’Auteuil porte son nom). Ce sera tout pour son année.
À 11ans, après une tentative sans résultat, Karcimont prend la direction de Maisons-Laffitte, chez Gérard Philippeau. Ce dernier lui fait passer le poteau en vainqueur à deux reprises, dont celle du Prix de France, le Grand Steeple des amateurs, monté par l’officier Bernard Marlin (le père du consultant d’Equidia).
À 12ans donc, il remporte le "Président" et se classe troisième du Grand Steeple-Chase de Paris, avant que son entourage le fasse courir une dernière année à 13ans, une tournée d’adieu en quelque sorte. Malgré ses artères vieillissantes, il participe au Grand Steeple-Chase de Paris, celui du jeunot de 5ans Pot d’Or, portant les couleurs de Robert Weill. Il est certainement le plus vieux participant à l’épreuve phare d’Auteuil. Il devance le 12ans non placé Hardelot, frère de Hyères III et de Haroué. Pour l’anecdote, Karcimont n’est jamais tombé de toute sa carrière et n’a été arrêté qu’une seule fois, l’année de ses 13ans. Karcimont était un fils de Karamont.
Une sœur aînée de Ksar, double vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe
La grand-mère de Karamont, Kirin, avait été élevée par Évremond de Saint-Alary, au Haras de Saint-Pair-du-Mont, qui avait tenté de la passer en ventes publiques, mais n’avait pas trouvé preneur pour 3.600 francs. Elle est ensuite dirigée vers la Belgique via l’Angleterre. C’est au plat pays qu’elle va donner naissance en 1923 à Kitty, gagnante de la Triple Couronne belge. Kirin n’était autre que la fille de Kizil Kourgan, gagnante de la Poule d’Essai. Elle est surtout connue pour avoir engendré un certain Ksar, frère cadet de Kirin.
Le Prix Robert de Clermont-Tonnerre
Cette course commémore le souvenir du comte Robert de Clermont-Tonnerre, qui fut membre du comité de la Société des Steeple-Chases de France, de mars 1902 jusqu’à son décès en 1929.
Vous souvenez-vous de Souviens Toi ?
Hormis de par le fait d’avoir remporté neuf victoires consécutives à Auteuil à 3 et 4ans (1920 et 1921), Souviens Toi ne figure pas dans les palmarès des plus grandes épreuves parisiennes d’obstacle. Et pourtant, il était déjà honoré avant-guerre. Il est peut-être resté dans les mémoires de l’époque pour son nom de baptême ou pour son exploit en plat après sa série sur les haies d’Auteuil. Il a fait ce que peu de hurdlers ont réussi, c’est-à-dire une victoire en plat dans une course labellisée plus tard Gr3. Il faudra attendre l’après-guerre pour voir mieux, avec une performance sans précédent et sans suite, celle de Le Paillon, vainqueur de la Grande Course de Haies d’Auteuil 1947 avant son succès dans le Prix de l’Arc de Triomphe quatre mois plus tard.
Souviens Toi est né en 1917 en Irlande, à Ballykisteen Stud (Comté de Tipperary), élevé par la succession de George Edwardes (décédé deux ans plus tôt). Son pedigree est un harmonieux mélange des meilleurs sangs anglais et américains. Fils de l’anglais Santoi – que George avait acheté 190 guinées avant de s’imposer dans la Gold Cup au début du siècle – il est acheté yearling aux ventes de Newmarket par le baron Baeyens, un banquier belge.
Par ailleurs et pour l’anecdote, une décennie plus tard, le baron Baeyens sera l’éleveur au Haras du Chêne Monsieur (à Bonnières-sur-Seine, près de Vernon) de gagnantes de deux Prix de Diane consécutifs, les deux propres sœurs, Fairy Legend (future mère de Féerie) et Mary Legend.
Le baron Baeyens – nommé gouverneur de la Société générale de Belgique – avait acheté en 1910 le bois de Port-Villez, à proximité de Rolleboise et de Bonnières. C’est dans cette région que se réfugièrent de nombreuses familles belges en 1914. Puis le baron mit la propriété à la disposition des blessés et mutilés de son pays qui y trouvèrent, à partir de 1916, un centre de rééducation autant physique que professionnelle et intellectuelle. On parle de dix mille soldats qui passèrent dans cet institut, et qui souvent fondèrent une famille dans la région.
À l’instar de la devise du Québec depuis 1883 – « Je me souviens » – le baron nommera ainsi le fils de Santoi, en hommage à ses compatriotes.
Le fait que Souviens Toi ait son prix à Auteuil paraît être un hommage aux victimes de guerre de par son nom, puisque ses performances en obstacle n’ont rien d’exceptionnel. On le verra plus loin, Souviens Toi a défendu les couleurs du duc Decazes, lequel a été membre de la Société des Steeple-Chases de France de 1919 à 1940 et l’un de ses sept administrateurs en 1921. Ceci expliquerait cela.
Des débuts victorieux en plat
Souviens Toi va débuter victorieusement le 6 juillet 1919, à Saint-Cloud, dans le Prix Sea Sick, pour les couleurs du baron Baeyens, l’entraînement de son compatriote Henri Thoumire (installé à Maisons-Laffitte) et la monte de Victor Garnier. Il devra ensuite se contenter de la deuxième place du Critérium de Deauville, tout en devançant un certain Eugène de Savoie.
À 3ans, il fait son retour au mois d’août à Deauville, une rentrée plutôt décevante. C’est la raison pour laquelle son propriétaire décide de s’en séparer. Il trouve preneur en la personne du duc Decazes, qui a l’intention de le dresser sur les obstacles.
Des débuts victorieux à Auteuil
Dès le 16 octobre suivant, l’expert mansonnien Charles Bariller le fait débuter victorieusement (face à des adversaires ayant déjà couru) à Auteuil, dans le Prix de Montgeroult, monté par la future tête de liste, Léon Barré. Pour l’anecdote, le duc Decazes va, lors de la même réunion, gagner le Prix Congress avec Elseneur.
Le poulain ne chôme pas puisque, quinze jours plus tard, il confirme dans le Prix Galafron puis remet le couvert le 14 novembre dans le Prix du Perray, le 25 novembre dans le Prix Saint-James et le 5 décembre dans le Prix de Normandie, en terrain lourd. Il franchit donc le poteau en vainqueur à chacune de ses cinq sorties automnales en l’espace de sept semaines… Pas mal pour un 3ans !
Le 20 février de ses 4ans, soit deux mois après son dernier succès, il fait une rentrée victorieuse, toujours à Auteuil, dans le Prix Elf, monté par une autre future cravache d’or, François Hervé. Huit jours plus tard, "rebelote" dans le Prix des Bruyères (monté cette fois par son ancien pilote Léon Barré). Il en sera de même le 6 mars, dans le Prix Auricula, qui n’avait réuni que trois partants. Monté par François Hervé, il va laisser son second à vingt longueurs.
Un intermède victorieux sur le plat, quel parcours atypique !
Ouf, une petite pause de cinq semaines et le revoilà le 15 avril, non pas à Auteuil, mais à Maisons-Laffitte, où il fait une rentrée dans le Prix Boïard (le futur Prix Exbury) qui sera sa seule sortie en plat. Sur les 2.000m de la ligne droite, dans un temps "canon" (2’07’40), et sous la monte de George Bellhouse, le verdict est sans appel pour ses adversaires tels que Meddlesome Maid (Prix Vermeille 1920), Zagreus (futur vainqueur du Grand Prix de Deauville), Sourbier (qui venait de s’imposer dans le Prix des Sablons-futur Prix Ganay après avoir été le lauréat du Prix du Jockey Club l’année précédente), Eugène de Savoie (Prix du Président de la République-Grand Prix de Saint-Cloud 1920). Quel parcours atypique !
Retour victorieux à Auteuil, mais défaite dans la Grande Course de Haies
Deux mois de repos, avant son retour sur les haies de l’hippodrome d’Auteuil (11 juin) et il est toujours invaincu en huit sorties. Il le restera après sa neuvième sortie, le Prix Frontin. Puis arrive, le mercredi 22 juin, la Grande Course de Haies d’Auteuil. On attend un dixième succès pour le protégé du duc Decazes. Souviens Toi, victime d’une forte atteinte, ne peut défendre ses chances honorablement. Ce sera sa dernière sortie.
Monté par William Head, le vainqueur Forearm, un protégé du financier belge Charles Liénart, est un "laissé pour compte" de l’Écurie Vanderbilt, vendu "à réclamer" à 3ans, deux années plus tôt. Ce sera la dernière grande victoire de son propriétaire, décédé en novembre suivant, à 74 ans. Ses héritiers se séparent de l’excellent L’Yser (futur lauréat du Grand Steeple) et de l’ancien vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris, Coq Gaulois, au profit du jeune duc Decazes (32 ans), qui se classera deuxième des propriétaires en obstacle, juste derrière Charles Liénart, mais devant Arthur Veil-Picard.
Pour l’anecdote, Charles Liénart cédera ses couleurs par testament au profit de son jockey, William Head. La casaque rouge et la toque rouge deviendront par la suite celles de l’Écurie Alanda puis celles d’Alec Head.
Étalon au Haras d’Ouilly
Le jeune duc vient d’importer un étalon anglo-irlandais au pedigree royal, Prince Palatine, acheté à son éleveur, Jack Joel. Pour l’accueillir, il lui faut un haras digne de ce nom. Le duc Decazes se met en quête et s’entiche du haras d’Ouilly, que le prince Pierre d’Arenberg loue depuis 1900. Le prince est considéré comme le fondateur du haras, après maints travaux et améliorations à ses frais. Il abandonne l’élevage avant la fin du bail qui avait été signé pour seize ans. De ce fait, les quelques poulinières de Xavier Balli, du comte de Pracomtal et de Christophe Vagliano prennent le relais. Le bail ne sera pas renouvelé.
En 1921 donc, le duc Decazes s’associe à François Dupré afin d’acheter les lieux à Mme Barret, héritière en 1895 de Louis Tirard, le propriétaire qui a fait du domaine une terre d’élevage à partir de 1887. C’est ainsi que Coq Gaulois et Souviens Toi viendront rejoindre Prince Palatine et même Négofol, entre autres.
Coq Gaulois restera en Normandie pour trois saisons de monte, avant d’être vendu aux États-Unis en 1924. Quant à Souviens Toi, il rejoindra les fonctionnaires du Haras de Saint-Lô en 1926, vendu à l’État pour 50.000 F. À l’actif de Souviens Toi pour l’élevage du duc Decazes, on ne recense que la pouliche Hotbrain, gagnante de la Grande Course de Haies de Pau 1930 et Vieux Refrain, vainqueur du Prix Finot 1928. Par ailleurs, l’année 1928, c’est justement l’année où débarque à Ouilly, en provenance de chez Lord Derby, un ami du duc, un certain Pharos qui marquera l’élevage mondial.
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