Les recettes gagnantes de guillaume macaire

Autres informations / 10.06.2016

Les recettes gagnantes de guillaume macaire

Les recettes gagnantes de Guillaume Macaire 

Lauréat de 282 courses en 2015, Guillaume Macaire détient le record du nombre de victoires en obstacle sur une année pour un entraîneur français. Le dimanche 22 mai, il a signé un autre exploit en prenant les deux premières places du Grand Steeple-Chase de Paris (Gr1) avec So French (Poliglote) et Storm of Saintly (Saint des Saints).

Dix jours plus tard, il nous a accueillis dans son écurie, sur l’hippodrome de La Palmyre, qui abrite 106 de ses pensionnaires. Il nous a accordé une longue interview, abordant aussi bien le programme de ses meilleurs chevaux que sa passion pour la peinture.

Découvrez aujourd’hui la première partie de cette interview, consacrée aux chevaux. La seconde, à lire demain, prendra des chemins de traverse.

Chevaux d’aujourd’hui…

Jour de Galop. – Comment se portent So French et Storm of Saintly après leur sortie dans le "Grand Steeple" ?

Guillaume Macaire. – So French a bien récupéré, il est frais, il est bien. Il est en vacances. Storm of Saintly devrait courir le Prix des Drags. Il avait plus de marge.

Device s’est-il remis du souci qu’il a connu dans le Prix Questarabad ? Comment va Class Conti après sa décevante quatrième place pour ses débuts en steeple ?

Device a eu un petit souci, mais les choses rentrent dans l’ordre. Il va courir le Prix Alain du Breil. Class Conti a eu un virus, que l’on n’avait pas vu avant. C’est pour cela qu’il travaille légèrement. Il n’a absolument pas fait sa course.

Comment jugez-vous la rentrée de Caresse d’Estruval ? Punch Nantais va-t-il courir le Prix La Périchole ?

Caresse d’Estruval a fait une bonne rentrée en se classant quatrième du Prix Questarabad. Elle va progresser sur cette course et pourrait courir le Prix Alain du Breil. Quant à Punch Nantais, il est en vacances.

(Photo aux ordres avec James Reveley)

… et chevaux d’hier

Quel est le cheval qui vous a le plus marqué au cours de votre carrière ?

Le cheval qui m’a le plus marqué dans ma vie est probablement Jaïr du Cochet. Parce que la reine mère d’Angleterre m’a fait appeler dans sa loge, après l’une de ses victoires à Cheltenham. Il y a des choses marquantes en rapport avec ce cheval-là. Lorsqu’il s’est cassé la jambe, avant la Gold Cup, j’ai reçu quatre-vingts lettres de condoléances en provenance du Royaume-Uni… et seulement deux nationales. Il y a eu une minute de silence à Cheltenham juste avant la Gold Cup cette année-là. Il venait de gagner la préparatoire. Jaïr du Cochet a quand même battu Best Mate dans une préparatoire, le Peterborough Chase à Huntingdon.

(Photo Jaïr du Cochet)

Comment avez-vous vécu cette victoire ?

Tous les ans, Best Mate faisait sa rentrée dans cette course, avant de courir les King George, et nous l’avions battu dans ce Peterborough Chase. Je me souviens d’avoir ramené la coupe et j’étais gêné, j’avais l’impression d’avoir commis un crime de lèse-majesté. J’étais même mal à l’aise. Je me disais : « On a battu Best Mate, on n’avait pas le droit de le battre. » Après, il a gagné la préparatoire à la Gold Cup et je pense que cette année-là, nous aurions pu gagner la Gold Cup. Jaïr du Cochet s’est fracturé le canon à l’entraînement lors de son dernier travail avant la Gold Cup. Ç'a été très dur. Je ne suis pas revenu à l’écurie pendant deux jours. J’étais comme si j’avais perdu père et mère le même jour… Je dois tout à ce cheval.

Quel genre de cheval était-ce ?

Nous avions acheté Jaïr du Cochet avec Francis Montauban pour un prix très attractif. C’était un cheval très difficile. Je le savais parce que c’était un fils de Rahotep qui faisait des chevaux difficiles. Mais je voulais des produits de cet étalon ; j’en recherchais. Jaïr du Cochet m’a fait gagner mon premier Gr1 en Angleterre, pour mon premier partant, dans le Finale Junior Hurdle à Chepstow. C’était comme si j’avais "confirmé" à Madrid pour un matador de toros. J’estimais que ça y est, j’étais entraîneur. Les courses sont nées en Angleterre. L’estampille est anglaise, comme la tauromachie est espagnole... Tant qu’on n’a pas torréé à Madrid, on n’est pas vraiment matador.

(Photo portrait)

À quel point était-il connu en Angleterre ?

Jaïr du Cochet ne courait qu’en Angleterre. Il n’a connu la France que dans son jeune âge. Il faisait simplement une rentrée en France pour être prêt, puis il allait en Angleterre. Les Français ne le connaissaient même pas. Il m’arrivait d’être dans le fin fond de l’Angleterre, dans un pub, les gens venaient me dire : « Ah, vous êtes Macaire ! Jaïr du Cochet, Jaïr du Cochet ! » Avec lui, nous étions des rock stars. Lorsque nous arrivions à la douane, le douanier nous demandait ce que nous allions faire. Nous lui répondions que nous venions courir un cheval. Il voulait savoir qui c’était. Nous lui disions Jaïr du Cochet. Lui enchérissait : « Vous ne battrez pas Best Mate ! » Le soir, quand nous sommes passés, il nous a dit : « Respect ! » Ce genre de choses n’existe pas en France. En Angleterre, Best Mate, c’était Best Mate ! Un cheval comme Red Rum, quand il a gagné pour la troisième fois le Grand National, la poste du village où il était entraîné était bloquée par les colis d’artichauts et de pommes que les gens envoyaient pour lui…

En France, avant 1914, quand Georges Stern arrivait dans un restaurant à Paris, les gens lui faisaient des égards incroyables. Le président de la République, ce n’était rien à côté. Pendant vingt ans de leur vie, les gens jouaient Georges Stern. C’était une rente pour eux. Ils ont vécu grâce à Georges Stern. Mais c’était il y a un siècle !

Qu’est-ce qui pourrait encourager les entraîneurs français à courir à Cheltenham ?

Rien ne pourrait faire que les entraîneurs français aillent à Cheltenham. C’est très difficile de gagner là-bas parce que c’est le gratin. Je me rappelle que lorsque j’ai gagné à Cheltenham, c’était l’un des plus beaux souvenirs de ma vie. Dorénavant, ça m’est difficile d’y aller. Si je vais les battre avec des chevaux que je leur ai vendus, cela veut dire que je me suis moqué d’eux. Et si je suis ridicule, je passe pour un c… qui ne sait pas ce qu’il a dans les mains. Je n’ai que des coups à prendre, donc je n’y vais pas. À une époque, j’y suis allé, cela s’est bien passé. J’ai gagné trois ou quatre Grs1 en Angleterre. Quand Jaïr du Cochet ne passait pas la visite vétérinaire et que je leur ai dit qu’ils avaient tort de ne pas l’acheter bien qu’il ne passe pas la visite, je leur ai dit : « Je vais vous montrer que je suis honnête. » Je ne voulais pas que l’on pense que j’étais un véreux.

(Photo avec Édouard de Rothschild)

L’entraîneur, ce chef de cuisine

Ce matin, nous avons pu voir vos pensionnaires à l’entraînement, au canter sur la piste en sable puis sur les nombreux obstacles disponibles à Royan. Quelle est votre méthode d’entraînement ?

Dans l’entraînement, tout est important. Il y a la recette liée à un site. Après, dans sa tête, on a le fond et on adapte la forme. Et ensuite, en fonction de cette recette qui a fait ses preuves, on ajoute un peu de sel et un peu de poivre. J’ai trouvé beaucoup de choses par empirisme. Je suis allé aux champignons, j’ai trouvé des framboises et je les ai ramassées parce que c’est bon également. Lorsque je suis arrivé à Royan, ce n’était pas comme maintenant. J’ai fait à mon idée en apportant de nouvelles choses. Je l’explique dans mon livre : c’est la confusion entre la longue expérience et la longue habitude qui peut égarer. La longue expérience aide à sortir de la longue habitude. Lorsqu’on demande à un confrère pourquoi tu fais comme cela, il aurait tendance à répondre parce que mon père faisait comme cela et mon grand-père faisait comme cela. Ce qui n’est pas une solution. Il faut updater en se servant des fondamentaux. C’est mon principe. C’est comme être chef de cuisine. Il faut travailler de bons produits, être rigoureux et après tenter d’être ingénieux.

(Photo : après le succès de Storm of Saintly dans le Grand Steeple 2015)

Comment savoir s’il faut ajouter du sel et du poivre ?

C’est au feeling. On sent que le cheval a un type à faire ceci ou cela. À Royan, il y a toutes sortes d’obstacles différents, on peut faire un menu adapté. Je préfère que les chevaux aient du toucher du sol, qu’ils repartent une fois l’obstacle sauté, qu’ils dégagent leur garrot. C’est la méthode que j’ai mise en place... Après tout, chacun peut faire comme il veut. Ce sport est issu, comme le dit Jean Trarieux, d’idées libérales et individualistes. Partout où je suis passé, j’ai appris des choses en me disant : « Si un jour je suis entraîneur, je ferai cela et cela me plaît bien. Je mets cela de côté dans le disque dur et je m’en servirai en temps et en heure. » J’ai réadapté ces choses suivant le site où j’étais et ensuite je me suis forgé des idées bien arrêtées en rencontrant d’autres personnes sur des théories précises. Même dans les choses mal faites, il y a des choses à apprendre sur ce qu’il ne faut pas faire. Aujourd’hui, je fais travailler des gens pour le pré-entraînement qui ont travaillé plusieurs années chez moi. Ils savent ce que je veux et surtout ce que je ne veux pas. Ce qui est encore plus important.

(Photo Un lot à La Palmyre)

Vous êtes-vous inspiré de modèles en particulier ?

J’ai copié les méthodes de ceux qui savaient faire, c’est-à-dire Jean-Paul Gallorini, André Adèle et le baron Finot. Aujourd’hui, le baron Finot, c’est l’exemple type de l’entraînement que je pratique, même si c’est à plus de cent ans d’écart. Cet homme était un précurseur, un homme extraordinaire. Il disait : « Il n’est de bons chevaux sauteurs que ceux qui ont appris dès leur jeune âge. » Il l’a écrit dans un livre qui s’appelle Du Haras au Champ de Course. Le baron Finot était un homme d’une grande finesse, qui était aussi peintre. Il a fait des tableaux magnifiques, notamment de La Veine, qui a gagné le "Grand Steeple" pour lui. Il a été vingt-trois ans de suite tête de liste des propriétaires. Il faut savoir que son record de gagnants dans une année n’a été battu qu’en 2015 par la famille Papot. Son record a tenu plus de cent ans à une époque où les chevaux voyageaient en train et qu’il y avait beaucoup moins de courses qu’aujourd’hui. Le baron Finot était un génie dans son genre, il avait tout compris.

Vos chevaux sont enrênés le matin. Pour quelles raisons ?

Les enrênements permettent aux chevaux de se muscler le dos et de rester en place. Cela aide à construire une ligne du dessus plus puissante. L’idée est de développer l’amplitude en réduisant la vitesse. L’amplitude ne fatiguera pas le cheval à l’inverse de la vitesse.

(Photo travail du matin)

Vos chevaux sont reconnaissables entre tous dans un peloton, notamment par le nose band blanc et les guêtres blanches, et leur toilettage impeccable. Pourquoi avez-vous décidé ainsi de vous démarquer ?

C’est bien d’avoir une signature. Comme un peintre signe son tableau, comme un meilleur ouvrier de France est fier de son col, je n’ai pas honte d'exposer ma signature. Si l’harmonie est le maître mot à mon sens, dans une recherche d’esthétisme, cela ne salit pas l’histoire de faire comme cela.

Vous avez entraîné quelques sauteurs qui sont devenus par la suite étalons. Quelle est la recette pour avoir un bon étalon d’obstacle ?

Ce sont les gènes qui, s’ils ne font pas tout, en font le plus. Il faut qu’il ait des gènes spécifiques pour le cheval d’obstacle, car c’est avant tout un marathonien. Ce n’est pas de la vitesse qu’il lui faut. Pour labourer un champ, on prend un tracteur, pas une Ferrari. Le gagnant d’un "Grand Steeple", ce n’est pas toujours le meilleur, mais c’est assurément le moins fatigué.