Mise en place de la digestion chez le poulain – quelles recommandations pour le sevrage ?

Autres informations / 09.07.2016

Mise en place de la digestion chez le poulain – quelles recommandations pour le sevrage ?

LAB TO FIELD

Mise en place de la digestion chez le poulain – Quelles recommandations pour le sevrage ?

Nous vous proposons aujourd’hui un nouveau volet de notre rubrique axée sur l’alimentation, en partenariat avec la société de recherche et de conseil en nutrition équine Lab to Field. Samy Julliand, nutritionniste équin et directeur de Lab to Field, s’intéresse au système digestif du poulain.

À la naissance, le tractus digestif du poulain est rapidement colonisé par de très nombreuses bactéries. Celles-ci vont jouer un rôle majeur dans la digestion et la santé du jeune, puis de l’adulte qu’il deviendra. Si une perturbation intervient lors des différentes séquences d’implantation de la flore intestinale, des répercussions négatives sont possibles pour le poulain et pourraient perdurer toute sa vie. Nous verrons dans cet article comment mettre en place dès le plus jeune âge des stratégies nutritionnelles pour optimiser l’implantation de la flore intestinale et minimiser l’impact du sevrage.

Comme nous l’avons vu lors de précédents articles, les microorganismes (principalement des bactéries) présents dans le gros intestin jouent un rôle majeur dans la digestion et la santé du cheval. Notamment la digestion des fibres (celluloses, hémicelluloses et pectines) en composés énergétiques assimilables par le cheval n’est rendue possible que grâce à des bactéries hébergées dans le gros intestin. Absentes à la naissance, ces bactéries le colonisent dès les premiers jours de vie.

Les premiers travaux publiés dans des revues scientifiques internationales sur la mise en place de la flore intestinale chez le poulain ont été réalisés à Dijon il y a une vingtaine d’années. Plus récemment, une thèse universitaire a été conduite à Agrosup Dijon par Céline Faubladier pour étudier l’implantation de la flore intestinale. Les résultats de ces recherches ont permis de déterminer selon quel processus séquentiel les différentes familles bactériennes s’implantaient et quand elles commençaient à être fonctionnelles, notamment pour la digestion des fibres.

Implantation de la flore intestinale chez le poulain. Il a longtemps été admis que le fœtus équin se développait en conditions stériles. Des travaux récents suggèrent toutefois que des bactéries (ou de l’ADN de bactéries) pourraient être présentes dans l’appareil digestif dès la gestation, car le méconium excrété juste après la naissance en contient déjà. Les concentrations bactériennes dans le méconium sont cependant très faibles au regard de celles retrouvées dans les fèces de l’adulte.

À la naissance, le poulain entre en contact avec de nombreuses bactéries présentes dans son environnement et son alimentation. Lorsqu’elles sont ingérées, ces bactéries peuvent coloniser le tractus digestif, s’y implanter et s’y développer.

Dans les premiers jours de vie, les bactéries qui colonisent le gros intestin proviennent vraisemblablement en priorité du colostrum et du lait de la mère. En effet, la structure bactérienne des fèces des poulains est, à cette période, plus proche de celle retrouvée dans le lait de la mère que dans ses fèces.

Dans les semaines qui suivent, le profil bactérien dans les fèces des poulains se rapproche progressivement de celui des fèces de la mère. La consommation de fèces maternelles semble alors la principale source d’inoculation.

À partir d’un mois d’âge, aucune modification significative n’est observée, ce qui suggère que la communauté bactérienne du gros intestin est établie. L’évolution vers l’état adulte est ensuite progressive jusqu’au sevrage.

En plus d’être très précoce, il est possible que l’implantation de la flore intestinale chez le poulain soit pour partie irréversible, comme ceci a été démontré chez l’homme. Si une flore "non adaptée" s’implante, le poulain risque alors d’en conserver la trace toute sa vie. Une augmentation des risques de problèmes de santé, de métabolisme, de comportement, de performance, etc., pourrait en découler.

Développement de la capacité fibrolytique. Parmi les différentes populations bactériennes qui s’implantent et se développent dans le gros intestin du poulain, les bactéries responsables de la dégradation des fibres apparaissent autour du troisième jour de vie. Auparavant, le milieu intestinal contient encore des traces d’oxygène, ce qui empêche leur survie. À un mois, les concentrations de bactéries fibrolytiques sont comparables dans les fèces des poulains et celles de leurs mères.

Bien que des bactéries fibrolytiques soient présentes rapidement dans le gros intestin, leur capacité à dégrader les fibres n’est stable qu’à partir de l’âge de deux mois. À cet âge, le poulain peut tirer parti des fourrages qu’il ingère. La pâture ou le foin constituent dès lors une source énergétique en complément du lait maternel. Ceci est indispensable dans la mesure où, à partir de deux mois et demi, la production laitière de la jument ne permet plus de couvrir la totalité des besoins du poulain.

Recommandations nutritionnelles. La flore intestinale du poulain étant très influencée par celle de sa mère, il est donc conseillé d’éviter tous les facteurs de stress pour la flore maternelle avant le poulinage et lors des premières semaines de vie : alimentation riche en amidon, changement brutal d’alimentation, etc. De même, il est conseillé pour la mère comme pour le poulain de raisonner, lorsque ceci est possible, l’usage d’antibiotiques et de vermifuges. En cas de stress de l’écosystème intestinal, l’administration de prébiotiques ou de probiotiques peut limiter les déséquilibres de la flore.

Pour faciliter l’implantation de la flore fibrolytique et le démarrage de son activité, il est recommandé que le poulain puisse, dès ses premiers jours de vie, accéder aux fourrages distribués à sa mère. Il a également été constaté que les poulains recevant le colostrum de leur mère présentaient une meilleure implantation de la flore fibrolytique que ceux recevant un colostrum artificiel.

Enfin, la distribution d’aliments solides au poulain sous la mère deux à trois mois avant le sevrage permettrait une transition alimentaire progressive qui limiterait les perturbations digestives, comme les diarrhées, pouvant apparaître au sevrage. Si le poulain a accès à une alimentation solide dès son plus jeune âge, le sevrage réalisé à 6 mois d’âge ne devrait pas avoir d’impact majeur sur sa flore intestinale. Pour minimiser ces perturbations, il est recommandé de conserver les mêmes fourrages et aliments concentrés avant et après le sevrage.