Aidan O’Brien : la grande interview

Courses - International / 27.09.2016

Aidan O’Brien : la grande interview

La parole d’Aidan O’Brien est rare, dans un exercice autre que les rapides questions/réponses d’après-course. De la même manière, il ne reçoit que rarement la presse à Ballydoyle. Mais en exclusivité pour les lecteurs de Jour de Galop, il a accepté d’accueillir nos reporters sur ses pistes, pendant une matinée, mercredi dernier.

 

Jour de Galop. – Nous sommes à quelques jours du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe. Savez-vous quels chevaux vous allez courir dans cette épreuve ?

Aidan O’Brien. – Pour l’instant, nous avons trois chevaux envisagés au départ de l’Arc : Found, Order of St George et Highland Reel. Ces deux derniers sont en quarantaine sur Ballydoyle car ils ont aussi des options en Australie. Found est certaine d’y aller. Elle reste sur cinq deuxièmes places consécutives et nous espérons qu’elle remportera son Gr1 cette année. Found s’adapte à tous les terrains et une piste bonne ou souple ne sera pas un problème. C’est une pouliche merveilleuse. Highland Reel serait peut-être mieux sur une piste bonne. Après Chantilly, il pourrait aller vers le Longines Breeders’ Cup Turf. Quant à Order of St George, il aurait besoin d’une piste plutôt assouplie. Les 2.400m en terrain rapide seraient probablement trop courts pour lui.

 

Aurez-vous d’autres chevaux en lice lors du week-end de l’"Arc" ?

Seventh Heaven pourrait aller vers le Prix de l’Opéra Longines (Gr1), mais ce n’est pas encore certain. Elle reste sur deux victoires, dans les Irish Oaks et les Yorkshire Oaks (Grs1) ; et pourrait aussi disputer une épreuve comme le Breeders’ Cup Fillies and Mares Turf (Gr1). Pour le "Marcel Boussac", nous devrions avoir Promise to be True. Dans le "Jean-Luc Lagardère", je pense courir Peace Envoy, qui a fini 3e du Prix Morny en août à Deauville. Nous n’aurons pas de pensionnaires le samedi à Chantilly. C’est la journée des Sun Chariot Stakes (Gr1), qu’Alice Springs devrait courir, et nous nous concentrons dessus.

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Combien de chevaux avez-vous à l’entraînement ?

Cent-soixante.

Quelle est votre relation avec vos cavaliers et employés ? Les écoutez-vous et les dirigez-vous beaucoup ?

À Ballydoyle, tout le monde à son rôle à jouer. L’avis des cavaliers d’entraînement et de toutes les personnes présentes sur le centre sont très importantes.

 

Quel rôle joue votre famille à Ballydoyle ?

Donnacha et Anna [son second fils et sa seconde fille, ndlr] montent ici tous les matins. Sarah [son autre fille, ndlr] était présente ici durant l’été avant de retourner à l’université pour sa dernière année d’études vétérinaires. Joseph [son fils aîné, ndlr] a évidemment joué un rôle-clé ici dans le passé. Désormais, il entraîne à Owning Hill et n’est donc plus impliqué au quotidien à Ballydoyle.

 

Lorsque vous êtes arrivé à Ballydoyle, avez-vous changé beaucoup de choses sur cette structure développée par Vincent O’Brien ? L’avez-vous connu à Ballydoyle ?

En fait, le Dr O’Brien avait déjà arrêté d’entraîner lorsque je suis arrivé à Ballydoyle. Mais les pistes qu’il a construites ici, tout au long de sa période d’activité, sont absolument exceptionnelles.

 

Que faites-vous une fois l’entraînement terminé ? Avez-vous des loisirs ?

Nous commençons très tôt le matin. Donc, une fois que tout le travail est terminé, ma priorité est de consacrer du temps à ma famille.

 

Où vous sentez-vous le mieux : le matin à l’entraînement ou l’après-midi aux courses ?

J’ai toujours aimé regarder les chevaux le matin à l’entraînement…

 

Vos chevaux, aux courses, paraissent toujours très faciles, calmes, professionnels. Ils ont l’air de bien voyager et de s’adapter à tous les environnements. Comment obtenez-vous ce résultat ?

Je dirais que c’est probablement dû à plusieurs facteurs différents. D’abord, la majorité de nos chevaux sont débourrés à Coolmore avant de rejoindre Ballydoyle et là-bas, ils reçoivent un très bon début de formation. Ensuite, nous avons la chance d’avoir ici une équipe excellente, qui sait offrir aux chevaux une bonne routine, qui nous aide tous à garder les chevaux très détendus.

 

Vous dites souvent d’un cheval qu’il est le meilleur que vous ayez jamais entraîné, ce qui est frustrant car on ne sait pas si on doit encore vous croire. Quel est le meilleur cheval que vous ayez eu sous votre responsabilité ?

C’est très difficile de faire des comparaisons entre des chevaux d’une génération différente. Mais lorsque, tous les matins, vous avez sous vos yeux un cheval vraiment spécial, il est difficile de ne pas être enthousiaste. Nous avons tellement de chance d’avoir eu tant de chevaux de haut niveau ici durant toutes ces années.

 

Les poulains ont l’air d’avoir un parcours beaucoup plus protégé que les pouliches, qui elles courent beaucoup. Pourquoi ?

Je ne pense pas pouvoir être d’accord avec vous. Prenons l’exemple de Mastercraftsman : il a couru douze fois à 2ans et 3ans et neuf de ces sorties étaient au niveau Gr1. Un cheval comme Declaration of War a lui couru six Grs1 en l’espace de trois mois et il a ensuite été courir le Breeders’ Cup Classic à la fin de la saison aux États-Unis. Il y a aussi Giant’s Causeway, Rock of Gibraltar ou High Chaparral… Je dirais que nous avons toujours managé nos meilleurs poulains de façon assez offensive.

 

Votre but reste-t-il de trouver le prochain top étalon de Coolmore ?

Il est évidemment important de produire de potentiels étalons pour Coolmore mais les trois garçons [pour parler de John Magnier, Derrick Smith et Michael Tabor, Aidan O’Brien dit : « The three boys » ! Ndlr] sont de vrais sportsmen qui aiment avoir des partants dans tous les grands meetings, et particulièrement à Royal Ascot. Ils ont vécu beaucoup de grands moments avec les chevaux d’âge, comme Yeats, Fame and Glory ou Order of St George.

 

Vous êtes toujours au téléphone sitôt le poteau d’arrivée franchi. Avec qui parlez-vous ?

Normalement, soit avec ma mère, soit avec Ann-Marie [sa femme, ndlr].

 

Comment faites-vous pour connaître le prénom de tous les journalistes avec lesquels vous parlez ?

Nous organisons normalement une journée avec la presse à Ballydoyle chaque année et j’ai donc appris à connaître beaucoup de journalistes au fil des années.

 

Quel souvenir gardez-vous de l’Arc de Dylan Thomas, vainqueur après une très longue enquête ?

Gagner l’Arc avait toujours été l’une de nos ambitions. Nous étions donc incroyablement soulagés lorsque le résultat de l’enquête a été annoncé.

 

Est-il vrai que vous n’avez jamais pris de vacances depuis que vous êtes à Ballydoyle ?

Non, ce n’est pas vrai. Tous les ans, juste après le Breeders’ Cup, nous passons des vacances en famille à Sandy Lane, à La Barbade.

 

Vous gagnez beaucoup plus de Gr1 actuellement qu’il y a dix ans. Comment expliquez-vous cela ? Y-a-t-il eu un "effet Galileo" ?

J’ai eu la chance de pouvoir entraîner des chevaux issus de quatre des meilleurs étalons européens récents : Sadler’s Wells, Danehill, Montjeu et Galileo.

 

Vous êtes aussi éleveur. Combien de juments avez-vous ?

Ma femme Ann-Marie est très intéressée par tout ce qui touche à l’élevage et nous avons environ quarante poulinières. Nous avons eu pas mal de succès, particulièrement avec Galileo, Fastnet Rock et Holy Roman Emperor. Nous avons été très impressionnés par les premiers foals d’Australia que nous avons vus et nous lui avons donc envoyé douze ou treize juments la saison dernière.

 

Coolmore fait partie des plus grands acheteurs aux ventes, dans le monde entier. Quel rôle jouez-vous à ce niveau là ?

Il y a, au sein de l’équipe de Coolmore, des personnes très compétentes pour juger les chevaux et ils ont déjà fait leur sélection lorsque nous arrivons sur place. Mais John Magnier et « M.V. » aiment avoir l’opinion de tous, y compris la nôtre.

 

Avant Ballydoyle, vous aviez travaillé avec Jim Bolger. Qu’avez-vous appris chez lui ?

Jim a été un mentor formidable et a formé beaucoup de personnes qui ont réussi.

 

Quelle est désormais votre relation avec lui ?

Nous sommes amis et nous nous voyons très souvent aux courses. Mais nous sommes aussi en compétition !

 

Lorsque Ballydoyle vous a appelé, vous étiez entraîneur depuis dix-huit mois. Qu’avez-vous ressenti ?

Je me suis senti privilégié, évidemment, car c’est un privilège que l’on vous donne l’opportunité d’entraîner à Ballydoyle, que le Dr O’Brien a créé.

 

Vous avez remporté un Gr1 à Cheltenham en 2016, avec Ivanovich Gorbatov. Les courses d’obstacles sont-elles encore importantes à vos yeux ?

Je ne peux pas prendre le crédit de la victoire d’Ivanovich Gorbatov à Cheltenham, car tout le mérite en revient à Joseph et à son équipe. Il n’avait juste pas encore reçu sa licence à ce moment-là et le cheval a donc couru sous mon nom. Joseph a regardé ce que nous faisons à Ballydoyle pendant des années et, désormais, il le fait lui-même.

 

Parmi tous les chevaux que vous avez entraînés, Istabraq semble avoir une place particulière. Pourquoi ?

C’était un cheval de course incroyable et nous ne l’oublierons jamais. Nous serons éternellement reconnaissants envers J. P. McManus de nous avoir donné la chance de l’entraîner.

 

À l’international, avez-vous des courses spécifiques dans le viseur avec Coolmore, comme le Breeders’ Cup Classic ou le Juvenile ?

Tous les chevaux sont différents. Nous faisons donc ce que nous pensons le mieux pour chaque cheval. Johannesburg, par exemple, avait un talent exceptionnel avec un pedigree totalement américain. Nous l’avions donc envoyé courir le Breeders’ Cup Juvenile sur le dirt et il l’avait très bien gagné. De la même manière, Giant’s Causeway et Declaration of War avaient des pedigrees pour aller sur le dirt et ils ont tous deux bien couru dans le Classic.

 

Depuis que vous êtes aux commandes de Ballydoyle, Coolmore a rencontré encore plus de succès à l’international. Vous vous déplacez régulièrement aux États-Unis, pour le Breeders’ Cup ou les réunions internationales d’Arlington et de Belmont. Vous allez aussi de plus en plus en Australie. Pourquoi ce choix d’être autant présent à l’international ?

Les choses ont beaucoup changé, au niveau des transports, par rapport à l’époque ou le Dr O’Brien entraînait. Il est beaucoup plus facile pour nous d’envoyer des chevaux en Amérique ou en Australie. Il y a aussi beaucoup d’allocations à gagner en voyageant partout dans le monde mais tous les chevaux n’ont pas le tempérament et la constitution pour supporter les rigueurs d’un voyage à l’étranger.

 

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