Courses / 27.09.2016

Histoire, zalataia, la jument qui aimait Deauville

HISTOIRE, HISTOIRES…

Zalataia, la jument qui aimait Deauville

La course-événement de ce lundi 8 août à Clairefontaine rend hommage à Zalataia (Dictus), une pouliche née en Normandie. Montée par Georges Doleuze, elle avait débuté à 2ans à Clairefontaine, le 25 août 1981, non placée du Prix de la Cahotte, un maiden ayant réuni dix-sept pouliches. Suite à cette performance, rien ne laisse augurer une telle future carrière.

Xavier Bougon a consacré toute sa vie aux courses, cultivant sa passion pour l’histoire de notre sport, en complément de ses activités professionnelles dans le cadre de l’Institution. Depuis le mois de janvier 2016, il vous propose une rubrique régulière consacrée à l’histoire des courses.

Photo : L’arrivée de l’édition 2015 du  Prix Zalataia

Mais revenons à la naissance de la fille de Dictus (Sanctus), sur le domaine de la Hauquerie, aux portes de Deauville. Son éleveur, le regretté Carlos-Vincent Lombard, était aussi restaurateur en ces lieux. Pendant que Carlos s’occupait du cheptel, son épouse, Simone, était aux fourneaux. Ce touche à tout avait débuté comme apprenti-jockey chez son père. Il a monté son premier gagnant en plat à 13 ans. Quelques années et quelques kilos plus tard, Carlos est devenu jockey d’obstacle. Il décroche les premières montes pour Maurice Adèle.

Son père monte et entraîne pour le roi d’Espagne. Il ne raccrochera les breeches qu’à quarante ans passés, ce qui lui a offert le plaisir d’être battu d’une courte tête par son fils.

Les débuts du haras de la Hauquerie. En 1945 Carlos s’installe à Maisons-Laffitte avec une licence d’entraîneur. Il exerce ce métier jusqu’en 1972, avant de se consacrer à l’élevage. Il transforme alors une ferme en haras. Capeline (Vieux Manoir), l’une des premières poulinières arrivées sur le site, est d’origine Rothschild. Elle fut acquise "à réclamer" après une quatrième place à 3ans. Elle mettra au monde une pouliche de Cernobbio, le premier étalon à fonctionner à la Hauquerie. Associé à Marcel Beaufort, Carlos Lombard nommera le foal du nom du haras. Restée inédite, La Hauquerie rejoint, dès l’âge de 3ans, le haras où elle n’a mis au monde qu’un seul rejeton, Tapioquerie, une fille de Tapioca, un étalon stationné au haras de Mortrée.

Entraînée par Carlos, elle ne franchira jamais le poteau en tête mais prendra quelques places, dont trois à Longchamp à 2 et 3ans, sous la selle de Patrick Lombard, le fils, et les couleurs de Marcel Beaufort (blanche, étoiles oranges).

Puis vient l’heure de la reproduction. Sa descendance ne va pas rester dans les mémoires, mis à part un petit-fils, Rêve de Gane (Hellios), un pensionnaire d’Arnaud Chaillé-Chaillé dont le palmarès est riche de vingt-cinq victoires en obstacle, et une de ses filles, Don’t Mary (Matahawk), prometteuse chez André Fabre mais sans lendemain. L’exception vient de son autre fille, Zalataia, issue d’un gagnant du Prix Jacques Le Marois né dans le Nord, Dictus.

Photo : Dictus, le père de Zalataia

Des handicaps aux Groupes. Zalataia va rejoindre l’écurie d’André Fabre. Ses débuts ne sont pas très encourageants. Après sa première sortie à Clairefontaine, elle ne fait pas mieux un mois plus tard à Évry. Puis les deux sorties suivantes sont ponctuées par deux podiums dans deux maidens à Saint-Cloud, sur 2.000m. Elle va effectuer sa rentrée dès l’ouverture des courses dites parisiennes. Elle est nettement dominée – quatre longueurs – par All Along (Targowice), qui fera parler d’elle par la suite. Mais Zalataia laissera sa première poursuivante à huit longueurs.

Huit jours plus tard, elle ouvre son palmarès sur 2.400m puis confirme à la fin du mois dans un handicap sur la même distance. Malgré des débuts délicats, son entourage n’a plus d’autre choix que de viser plus haut. Elle va ainsi terminer au troisième rang du Prix de la Seine (Listed) de Reiko (Targowice) et au deuxième du Prix Cléopâtre (Gr3) de Paradise (Brigadier Gérard) le 15 mai. Les classiques ne sont pas à l’ordre du jour, c’est ainsi qu’après deux mois de repos, elle effectue une semi-rentrée le 24 juillet dans le Prix Minerve (Gr3) à Évry. Montée par Yves Saint-Martin, elle doit batailler mais devra s’incliner d’une courte tête face à la pensionnaire de Mahmoud Fustok, Perlée (Margouillat). Le duo laisse les autres protagonistes dans le lointain.

Photo : Umberto Rispoli gagne son poids en fromage en 2015 suite à sa victoire dans le Prix Zalataia

Une première victoire au niveau black type. Le Prix de Pomone est dorénavant à son programme face aux juments d’âge. Sur 2.700m, elle domine la 3ans Akiyda (Labus) et deux 4ans, April Run (Run the Gantlet) et La Pompadour (Vaguely Noble). Le Prix Vermeille revient à All Along devant Akiyda et la gagnante du "Diane" Harbour (Arctic Tern). Zalataia, passée de forme, n’y joue aucun rôle. Elle décroche la sixième place dans un terrain pourtant léger. Au printemps, elle fait sa rentrée à l’occasion du Prix Corrida (Gr3). Sans succès, comme lors de sa sortie suivante, dans le Prix Jean de Chaudenay (Gr2), où elle s’embourbe.

Le record de la Coupe. Le 12 juin à Chantilly, elle va retrouver un terrain plus à sa convenance (mesuré à 2,7). Dans la Coupe (alors sur 2.400m), elle signe un temps record (2’24’’50 battu de 40 centièmes par Bering en 1986). Elle ne fait qu’une bouchée de ses opposants dont la rentrante, All Along, deuxième en novembre du Japan Cup.

Dans le Grand Prix de Saint-Cloud, on put croire aux chances de Zalataia lorsqu’elle plaça une superbe accélération en pleine piste. Mais Diamond Shoal, monté par Steve Cauthen, a pris le meilleur à deux cents mètres du poteau, repoussant les attaques à la corde du "Smaga" Lancastrian (Reform).

De retour dans son jardin de Deauville. En huit jours, au mois d’août de ses 4ans, elle va ajouter deux Grs2 à son palmarès. Pilotée par Freddy Head, elle fait un canter dans le Prix de Pomone, gardant ainsi son titre. Une véritable promenade de santé. Puis, cerise sur le gâteau, elle s’empare avec désinvolture du Grand Prix de Deauville. Seule femelle au départ, elle devance Dom Pasquini (Rheffic), l’allemand Orofino (Dschingis Khan) et huit autres mâles. La facilité avec laquelle Zalataia a disposé de ses concurrents suscite le respec,t d’autant qu’elle est la première jument à avoir porté victorieusement la surcharge maximale (4 kilos) dans ce Grand Prix, une tâche que même la grande Dahlia n’a pu mener à bien en 1975. Zalataia demeure invaincue à Deauville en trois sorties !

Première victoire d’André Fabre à l’étranger. La fille de Dictus est très convoitée par les Américains et c’est ainsi, sous les couleurs de madame Édith de Gil, qu’André Fabre va enlever son premier Gro1 à l’étranger avec un succès dans l’Oak Tree Invitational à Santa Anita, devant le champion John Henry. Ce dernier se vengera un mois plus tard dans le Hollywood Turf Cup. À cette occasion, Zalataia avait changé de couleurs, portant celles d’Allen Paulson qui l’avait confiée à Ronald McAnally. Freddy Head a été son partenaire lors de ses deux sorties américaines. De sa production, on retiendra tout particulièrement le fils de Strawberry Road, le crack Fraise, vainqueur entre autres du  Breeders’ Cup Turf pour les couleurs Paulson et l’entraînement de Bill Mott.

Photo : Fraise, le meilleur produit de Zalataia, lors de sa victoire dans le Breeders’ Cup Turf