Institution / Ventes - Élevage / 27.09.2016

Le tour des haras – haras du Quesnay

LE TOUR DES HARAS

Haras du Quesnay

Vincent Rimaud

14800 Deauville

Le haras du Quesnay, à dix minutes de Deauville, en plein cœur du Pays d’Auge, appartient à la famille Head depuis 1958. Trois gagnants du Prix de l’Arc de Triomphe y ont été élevés : Bon Mot (1966), Detroit (1980) et Trêve (2013 et 2014). Plus de quarante étalons ayant marqué l’élevage français y ont fait la monte comme Le Fabuleux, Green Dancer, Riverman, Sir Gaylord, Gay Mécène, Bellypha, Saint Cyrien, Bering, Highest Honor, Anabaa, Motivator... Vincent Rimaud est le Directeur de ce haras qui a profondément marqué l’élevage français.

1) TERRE D'ÉLEVAGE

Jour de Galop. – Êtes-vous plutôt étalon, poulinière ou yearling ?

Vincent Rimaud. – Poulinière. Parce que c’est la base et que l’on ne peut rien construire sans une bonne base. On voit très bien que de vieilles familles, de vieilles souches ressortent toujours. Oui, la poulinière avant tout.

Barn ou paddock ?

Paddock. Le cheval a besoin d’exercice : c’est important pour sa croissance, pour son cœur, pour ses poumons… Prenez un adolescent qui passe ses journées à jouer à la Game Boy en mangeant des chips dans son canapé, et un autre qui va au sport le mercredi et le samedi : à mon avis, à l’âge adulte, il y aura une petite différence entre les deux ! (rires)

Bai, alezan ou gris ?

Bai. Mais vraiment parce qu’il faut choisir un des trois.

Pedigree ou modèle ?

Pedigree, pour les mêmes raisons que j’ai déjà exposées dans ma première réponse. Évidemment, si le modèle suit, c’est mieux. Mais sans origines, c’est très difficile. Même si elles sont loin, sous la troisième ou la quatrième mère, on a besoin d’origines pour élever. Et ça finira toujours par ressortir.

Vitesse ou tenue ?

Vitesse, mais sans excès ; 1.400; 1.600m, c’est bien.

L'éleveur qui vous a le plus marqué ?

L’élevage qui me marque le plus, c’est l’Aga Khan. Je ne dis pas cela pour flatter mon frère Georges [qui est directeur des Aga Khan Studs, ndlr]. (rires) Franchement, les risques qu’il a pris en reprenant des élevages entiers, c’est assez extraordinaire. Il sort de très bons chevaux en utilisant des étalons avec lesquels aucun autre élevage ne réussit. C’est très fort. Cela prouve que sa jumenterie a une importance énorme et que le travail d’élevage autour de ces poulinières est très bien fait.

Le métier que vous auriez fait si vous n'aviez pas été éleveur ?

Explorateur. Découvrir des terres inconnues, ça doit être fabuleux… Je ne sais pas s’il y a encore des terres inconnues ? Je ne parle pas d’aller découvrir des peuplades inconnues pour les occidentaliser comme cela s’est fait dans le passé ; ce n’est pas le côté qui m’intéresse. C’est plutôt : être le premier à fouler un sol. Ce doit être un sentiment incroyable.

Le conseil que vous donneriez à un ami souhaitant se lancer dans l'élevage ?

Commencer par prendre des cours de patience et d’humilité… et après il peut y aller !

Votre première mesure si vous deveniez président du Syndicat des éleveurs ?

Faire en sorte de réunir à nouveau tous les éleveurs autour de la même table.

Votre lieu préféré à Deauville ?

La cour A du complexe Arqana, un matin des ventes, à 6 heures, au moment où les yearlings se détendent dans le rond et où les lads sont au travail sous les lampadaires. L’ambiance sous les lampadaires est faussement calme.

Votre adresse secrète en Normandie ?

Si je vous la donne, elle ne sera plus secrète.

2) CHAMP DE COURSES

Turf ou P.S.F. ?

Turf. Tout commence sur l’herbe avec l’élevage ; tout doit se terminer sur l’herbe, en course. La P.S.F. est utile et a sûrement beaucoup de qualités. Mais pour la sélection et la beauté de ce sport, il n’y a que le turf.

Ligne droite ou parcours avec tournant ?

Parcours avec tournant. J’adore cet instant où, à la sortie du tournant, les choses se mettent en place. Chacun prend sa position et ça démarre. C’est un moment que je trouve magnifique. On n’a pas le même sentiment en ligne droite.

Longchamp ou Deauville ?

Longchamp… mais c’est sans doute parce que je suis à Deauville toute l’année ! (rires)

Sprinter, miler, classique ou stayer ?

Miler parce que j’ai le sentiment que c’est la distance la plus proche de l’aptitude naturelle des chevaux. C’est peut-être pour cela que beaucoup de bons étalons et de bonnes juments sont des milers.

Prix de l'Arc de Triomphe ou Prix Morny ?

"Arc de Triomphe". L’aboutissement, le Graal. Tout le monde vibre pour cette course.

Votre pur-sang favori dans l'histoire des courses ?

J’ai fait le tour, j’ai fait défiler des noms de chevaux dans ma tête, et à chaque fois je suis retombé sur Trêve. Sans doute parce que je fais un peu partie de son histoire. Des chevaux qui m’ont touché, il y en a beaucoup. Mais je ne peux pas vous donner un autre nom que Trêve.

Entraîneur ?

Joker ! (rires)

Jockey ?

Mon jockey favori, c’est le gamin de quatorze ans, à l’Afasec, qui s’endort, bien fatigué après sa journée de travail, en rêvant qu’un jour il va gagner l’"Arc". Je l’aime bien celui-là…

Casaque ?

Bleue, coutures blanches, manches et toque blanches. J’ai choisi les Wertheimer car très peu de casaques sur cette planète auraient eu la sportivité de garder Goldikova si longtemps à l’entraînement. Ils nous font vivre des choses très fortes avec leurs chevaux. C’est très rare. Ce sont des propriétaires discrets mais leurs chevaux font plaisir à tout le monde. Et leur élevage est exceptionnel.

La dernière émotion que vous avez ressentie sur un champ de courses ?

La plus forte : le premier "Arc" de Trêve. La dernière : la victoire de Zelzal dans le Prix Jean Prat. Le cheval a été élevé ici pour Viktor Timoshenko. C’est tellement dur aujourd’hui pour les Ukrainiens, l’émotion a été d’autant plus forte.

Votre première mesure si vous deveniez président de France Galop ?

Refaire à neuf mon bureau. (rires)

3) JARDIN SECRET

Votre mot préféré dans la langue française ?

Elle est amusante cette question… C’est la plus difficile de votre questionnaire. Je vais choisir "profusion", parce qu’il y a une profusion de mots magnifiques dans la langue française !

Le rêve que vous n'avez pas encore accompli ?

Un trip en montgolfière au-dessus de la savane africaine. Ce voyage dans les airs, il me plairait vraiment. Et c’est un rêve réalisable.

Votre plus grande qualité ?

On me dit que c’est ma générosité. Mais c’est peut-être plus une qualité en relation avec ma vie privée.

Votre plus grand défaut ?

Le fait de croire que je n’en ai pas ! (rires) Anaïs Villedieu, qui travaille avec moi au Quesnay [et qui assistait à l’interview, ndlr], vous dirait que c’est plutôt mon incapacité à déléguer ! (rires)

La qualité que vous préférez chez les autres ?

L’honnêteté. Ca peut sembler bateau, mais c’est très vrai.

Votre devise ou citation préférée ?

« Aide-toi ; le ciel t’aidera. »

Votre plat ou vin favori ?

Je suis tellement gourmand qu’il m’est difficile de choisir ! Je vais dire les tagliatelles aux coques, mais des coques que j’ai pêchées moi-même le matin ou la veille, sur la plage qui est près du port de l’Île-Grande, dans les Côtes d’Armor. Je les fais dégorger puis cuire, je prépare les tagliatelles, puis je réchauffe les coques au dernier moment avec un peu de crème fraîche et je les verse sur les tagliatelles… et basta ! Quand c’est vous qui êtes allé les chercher à marée basse, dans un décor magnifique, elles sont encore meilleures.

Votre porte-bonheur ou objet fétiche ?

Je n’en ai pas. Les courses, contrairement à ce que l’on croit, ce n’est ni un jeu de hasard ni de la superstition. Cela dit, je ne passe pas sous les échelles et j’aime bien le chiffre 6.

Vacances : mer, montagne ou campagne ?

Mer. Atlantique. Avec de grandes marées, du vent et des changements de temps fréquents.

Votre peintre, chanteur ou écrivain favori ?

Je vais faire un pêle-mêle. J’aime beaucoup Andreï Kourkov, un écrivain ukrainien contemporain. En matière de musique, j’ai pris mon pied en écoutant Alain Souchon et Laurent Voulzy au festival des Vieilles charrues il y a quinze jours. Souchon est très fort sur scène et ses textes sont magnifiques. Mais il y a quelqu’un que je mettrais au-dessus des noms que je viens de citer, c’est Giacometti pour la pureté des lignes de ses sculptures.

En quel animal /végétal aimeriez-vous vous réincarner ?

Un pin maritime. Une vue imprenable sur la mer et des embruns plein la tête !