Courses / 27.09.2016

Les pays de l'Est, un véritable débouché pour l'élevage français

LE MAGAZINE

Les pays de l’Est, un véritable débouché pour l’élevage français

Chaque année, les acheteurs venus de Slovaquie, Pologne, Tchéquie, Hongrie et Autriche importent une centaine de chevaux acquis lors des différentes ventes de l’agence Arqana. Il s’agit donc d’un véritable débouché pour l’élevage français, et ce d’autant plus que les propriétaires et entraîneurs de ces pays n’hésitent pas à venir courir en France. En 2016, les derbys polonais, tchèque et hongrois ont été remportés par des chevaux issus des ventes Arqana.

CHRIS RICHNER : « L’ACTION D’ARQANA ET DU FRBC A PERMIS DE DÉVELOPPER UN DÉBOUCHÉ POUR LES CHEVAUX FRANÇAIS »

Chris Richner est d’origine Suisse. Il est le représentant d’Arqana dans les Pays de l’Est. Le courtier nous a expliqué : « Au départ, des amis et moi étions associés sur des chevaux à l’entraînement en Tchéquie. Notre raisonnement était mathématique. Les coûts sont moins élevés là-bas. Pour le prix d’une pension en Suisse, nous pouvions avoir cinq chevaux à l’entraînement en Tchéquie. En augmentant le nombre de chevaux, on multiplie ses chances d’avoir un gagnant. Nous achetions des chevaux en Allemagne. Le succès aidant, les propriétaires et entraîneurs locaux m’ont demandé de les accompagner dans leurs achats à l’étranger. C’est à ce moment-là qu’Arqana m’a contacté pour que je représente l’agence dans ces pays. J’ai déménagé près de Prague. À l’origine, les Tchèques allaient en Allemagne, pour une question de proximité, mais aussi parce que beaucoup parlent allemand. Lorsque les frontières se sont ouvertes, beaucoup de personnel tchèque est allé travailler en Angleterre. Ils ont appris l’anglais et les propriétaires ont commencé à acheter dans les îles Britanniques. Mon travail a été de rediriger une partie des ces personnes vers la France. »

Un volume d’environ une centaine de chevaux par an. « L’action d’Arqana et du FRBC a permis de développer un débouché pour les chevaux français dans les pays de l’Est. Guillaume Cousin et moi-même partons en tournée deux ou trois fois par an. Notre zone d’action couvre la Slovaquie, la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie et l’Autriche. Ces pays représentent un volume d’environ une centaine de chevaux par an. C’est un travail qui est mené depuis une décennie. Les gagnants achetés en France stimulent le commerce. Certains propriétaires ont pris leurs couleurs en France. Ils cherchent avant tout des chevaux ayant de la tenue, car ils visent les épreuves classiques de leurs pays et beaucoup courent ensuite en obstacle. Ce n’est pas forcément évident de trouver dans ce créneau-là. J’achète du yearling au cheval à l’entraînement. En fonction du pays et du niveau des propriétaires, les budgets vont de 5.000 à 150.000 €. Ils cherchent aussi des chevaux de cross, mais ces derniers sont presque introuvables. En Tchéquie, environ quatre cents juments sont mises à la reproduction chaque année. Le niveau des étalons n’est pas très bon, mais il s’améliore progressivement. La Pologne, qui s’est ouverte très tôt au sang étranger, est le principal pays d’élevage de la région. Mais leur production manque de vitesse et de précocité. »

Acheter pour courir en France. « Josef Vána est un personnage emblématique de l’ouverture des pays de l’Est. En Tchéquie, il détient le record en tant qu’entraîneur et en tant que jockey dans le Velká pardubická [Le célèbre "Grand National" de Pardubice, Ndlr]. C’est l’épreuve la plus connue dans le pays. Les résultats sont dans tous les médias. L’allocation, à 160.000 €, est deux fois supérieure à celle du Derby. Mais il entraîne aussi des chevaux de plat avec succès et il a d’ailleurs remporté le Derby local à plusieurs reprises. Sur les obstacles, il a tout gagné en Italie. C’est un homme intelligent et il a compris que pour gagner en France il fallait acheter ici et dresser spécialement les chevaux pour les obstacles français. Josef Vána a une centaine de chevaux à l’entraînement, dont soixante-dix en activité. Les propriétaires tchèques ont deux rêves : le Velká pardubická et le Derby. Les chevaux débutent en plat. Ils vont ensuite sur les obstacles à 4 ou 5ans. L’objectif des propriétaires est de faire durer leurs représentants. Ils n’achètent donc pas tous les ans, mais il est vraiment très important d’aller les voir régulièrement. C’est primordial à leurs yeux. En plus des tournées, je vais très souvent aux courses à Prague. »

GUILLAUME COUSIN : « QUAND ON VEND UN CHEVAL LÀ-BAS, S’IL A LE NIVEAU, ON PEUT LE REVOIR SUR UN CHAMP DE COURSES EN FRANCE QUELQUES ANNÉES PLUS TARD. »

Guillaume Cousin travaille au sein du Service Bloodstock, chez Arqana. Il est le responsable de l’Espagne, du Maghreb et des pays de l’Est. Il nous a expliqué : « À l’origine, les propriétaires des pays de l’Est achetaient beaucoup en Allemagne. La baisse des naissances dans ce pays et notre travail de prospection ont changé la donne. Ils ont pris leurs habitudes en France. Nos voyages de prospection, les actions en partenariat avec le FRBC et le travail de Chris Richner au quotidien ont permis de fidéliser cette clientèle. Une relation de confiance s’est établie avec beaucoup d’acheteurs. De nos jours, les professionnels tchèques sont intégrés dans le paysage hippique international. Ils sont capables de courir dans toute l’Europe. Pour les éleveurs français, une exportation vers ces pays, parfois perçue comme définitive, peut devenir une bonne surprise quand leurs élèves reviennent courir en France. Il faut aussi savoir que les professionnels des pays de l’Est font durer les chevaux. Là-bas, on ne court que six mois dans l’année, si bien que cela préserve les poulains. Les chevaux vieillissent bien et ce d’autant plus que le personnel est très proche d’eux. Ils sont donc très bien suivis. Les propriétaires rêvent tous de gagner le Derby local et ces épreuves sont très souvent remportées par des chevaux importés d’Europe occidentale. Ils aiment acheter des yearlings, car ils peuvent les façonner. Ce sont des pays dynamiques. Les chevaux français y ont encore une marge de progression, en particulier grâce aux succès de la saison 2016. Trois des quatre derbys – Pologne, Hongrie et Tchéquie – ont été remportés par des chevaux achetés chez Arqana. De plus, les entraîneurs et propriétaires locaux apprennent petit à petit ce qu’il faut faire pour pouvoir courir en France. Ils investissent dans des chevaux pour cela. »

Ils ont tout intérêt à acheter des "FR". « Pendant un semestre, de novembre à avril, l’activité est très réduite dans ces pays, à cause du climat. Dès lors, pour les propriétaires, il est intéressant d’avoir des chevaux capables de courir en Europe occidentale. Le programme français et les primes associées représentent un atout de taille. Ils cherchent ainsi à rentabiliser leurs acquisitions et ils ont donc tout intérêt à acheter des "FR". Trip to Rhodos (Rail Link), acquis à la vente d’octobre 2010, a commencé sa carrière dans les pays de l’Est. Il a ensuite couru huit fois en France et a terminé trois fois sur le podium dans des épreuves black type. Il a gagné une Listed en Italie et s’est placé à ce niveau en Allemagne. My Old Husband (Gentlewave) a suivi le même cursus. Il a été acheté en 2009 chez Arqana, avant de courir dans les pays de l’Est. En 2014, ce pensionnaire de Jean-Michel Lefebvre a remporté deux Listeds en France. C’est aussi le cas de Lord of Gracie (Oratorio), deuxième du Grand-Prix de Marseille (L) et deux fois troisième à ce niveau. On se souvient aussi de Shamalgan (Footstepsinthesand), qui a gagné un Gr1 en Italie et s’est classé troisième de la Poule d’Essai des Poulains (Gr1). Il avait été acheté 80.000 € en août 2008, alors qu’il était yearling. Après deux années au haras, il est de retour en compétition cette année.

M. Charvat, qui est depuis devenu le président du Jockey Club tchèque, a ouvert la voie aux autres propriétaires. Il y a aussi le cas d’entraîneurs comme Vaclav Luka ou Jirí Michal, qui courent régulièrement en France. Par exemple Settler’s Son (Whipper), un pensionnaire de Jirí Michal acheté chez Arqana, ne court qu’en France. Il reste d’ailleurs sur une victoire dans le Prix La Moskowa (Listed) à Chantilly. »

JEAN-MICHEL LEFEBVRE : « CE SONT DE TRÈS BONS PROPRIÉTAIRES. ILS SONT PATIENTS. »

 « C’est par l’intermédiaire de Chris Richner que j’ai commencé à recevoir des chevaux appartenant à des propriétaires des pays de l’Est. Lorsqu’ils ont couru ce qu’il y avait à courir dans leurs pays, les propriétaires me les envoient. Ce sont de très bons propriétaires. Ils sont patients. Le dialogue est relativement facile car je me débrouille en anglais. De plus, je bénéficie de l’aide de Chris Richner, qui parle quatre langues, dont le français. Cela représente jusqu’à sept ou huit chevaux dans mon effectif. Trois viennent d’ailleurs d’arriver récemment. J’ai par exemple eu My Old Husband pour M. Charvat. Actuellement, j’entraîne Poet’s Rock (Poet’s Voice) pour lui. J’ai également Oratory Davis(Oratorio) qui appartient à la famille Mikulecky. »

Les lauréats des Derbys des pays de l’Est en 2016 issus des ventes Arqana

PRAGUE (CZ), 23 JUIN - DERBY TCHÈQUE

GONTCHAR (M3)

Champs Élysées et Gontcharova, par Zafonic

Éleveur : Haras du Mézeray

Entraîneur : Arslangirey Shavuyev

Propriétaire : Valentin Bukhtoyarov

Deauville, août 2014, yearling, La Motteraye Consignment à F.B.A., 100 000 €

Deauville, décembre 2013, foal, Haras du Mézeray à Agb Agency, 44.000 €

BUDAPEST (HU), 3 JUILLET - DERBY HONGROIS

MERION (M3)

Soldier of Fortune & Museum Piece, par Rainbow Quest

Éleveur : Dayton Investments

Entraîneur : Gabor Maronka

Propriétaire : Bor-Export Sumarstvo/Ungarn

Deauville, novembre 2014, yearling, haras d’Etreham à Chris Richner Bloodstock, 3.500 €

VARSOVIE (PL), 3 JUILLET - DERBY POLONAIS

CACCINI (M3)

American Post & Courances, par Simon du Désert

Éleveurs : Melchior-François Mathet & Bloodstock Agency

Entraîneur : Adam Wyrzyk

Propriétaires : A. Zielinski, R. Zielinski & A. Wyrzyk

Deauville, novembre 2014, yearling, haras de Grandcamp à Chris Richner, 7.000 €