HISTOIRE, HISTOIRES… Le Fabuleux, le bien-nommé

Courses / 06.10.2016

HISTOIRE, HISTOIRES… Le Fabuleux, le bien-nommé

 

Xavier Bougon a consacré toute sa vie aux courses, cultivant sa passion pour l’histoire de notre sport, en complément de ses activités professionnelles dans le cadre de l’Institution. Depuis le mois de janvier 2016, il vous propose une rubrique régulière consacrée à l’histoire des courses.

 

Ce vendredi, l’hippodrome de Maisons-Laffitte accueille le Prix Le Fabuleux, qui est une Listed-Race depuis 1987. Cette épreuve honore la mémoire d’un gagnant du Prix du Jockey Club des années 1960, sous les couleurs de madame Guy Weisweiller, la grand-mère de Philippe Bouchara.

 

La marque de l’élevage Strassburger. La mère de Le Fabuleux, Anguar, provenait du fameux élevage Strassburger, à la fois américain (Normandy Farm en Pennsylvanie) puis normand (haras des Monceaux), créé entre les deux guerres.

Née en 1950 et fille de Verso II (gagnant d’Arc) et de La Rochelle, Anguar a débuté sous la houlette de George Bridgland. À 2ans, elle se classe troisième de Miss Barberie (future grand-mère de Detroit), puis quitte l’effectif Strassburger en juillet de ses 3ans après avoir été réclamée (651.000 F) à l’issue d’une victoire à Longchamp. Pour son acheteur, Domingo Perea, elle s’impose en août à Clairefontaine, puis il lui fait même gagner, à 3 et 4ans, une dizaine de courses au Maroc dont le Grand Prix d’Automne, le Grand Prix de Rabat et le Grand Prix de Casablanca. De retour en France, elle est ensuite achetée comme poulinière par Louis Champion qui ne la conservera que peu de temps et la revendit au frère aîné d’Alec, Guy Weisweiller. Celui-ci fut heureusement inspiré en l’envoyant à Wild Risk, réalisant de la sorte le même croisement qu’un certain Worden : le résultat fut un puissant poulain alezan qu’il appela Le Fabuleux. La Rochelle, la deuxième mère du "Fabuleux", était une fille d’Easton, deuxième des 2.000 Guinées et du Derby d’Epsom mais aussi troisième du Grand Prix de Paris pour Ralph Strassburger. Elle était née aux États-Unis en 1945, avant de traverser l’Atlantique avec sa mère, Sans Tares, qui avait passé la période de guerre dans le haras américain de son propriétaire. La Rochelle restera inédite et sera envoyée au haras dès l’âge de 3ans. Ses trois premiers produits furent trois pouliches, dont seule Anguar a tracé. Sans Tares (Sind, petit-fils de Gainsborough), fut l’une des juments-base de l’élevage Strassburger, mère, entre autres, de Worden. Elle était également la demi-sœur de Norseman (par Umidwar, fils d'Uganda, gagnante du Prix de Diane), qui fut un bon cheval de course mais aussi un bon étalon.

 

Le meilleur cheval de sa génération. Né en 1961, Le Fabuleux était un fils de Wild Risk (étalon depuis 1946, retraité en 1965). Il fut le leader incontestable de sa génération à 3ans. Il a pratiquement fait un cavalier seul tout au long de sa carrière, engrangeant huit succès à 2 et 3ans dont le Prix de Condé, le Critérium de Saint-Cloud, le Prix Noailles, le Lupin, le Prix du Jockey Club et le Prince d’Orange (de 4 longueurs).

Le Fabuleux a débuté par une victoire le 24 septembre, au Tremblay, sur 1.600m, face à des poulains plus expérimentés que lui. Il s’est ensuite dirigé vers le Grand Critérium, mi-octobre, dans lequel il a honorablement tenu sa partie, après avoir figuré en bonne place jusqu’au pavillon. La victoire était revenue à Neptunus (un élève de madame Jean Couturié) devant La Bamba et Kirkland Lake. Le Fabuleux reprend le chemin du succès fin octobre, sur 2.000m, en s’imposant de six longueurs dans le Prix de Condé (comme son grand-père, Verso II). Il confirme sur la même distance, de bout en bout, dans le Critérium de Saint-Cloud. Il devance alors un demi-frère de Match et Relko, Bing, qui lui-même laisse le troisième à dix longueurs.

 

Le dernier grand gagnant de William Head à Maisons-Laffitte. Poulain doté d’une grande action, Le Fabuleux impose son train lors de sa rentrée dans le Prix Greffulhe. Mais, pris de vitesse, il doit se contenter de la deuxième place derrière un "Rothschild", Free Ride (petit-fils de Wild Risk). Il prend malgré tout le meilleur, d’une encolure, sur un "Stern", Sigebert (futur deuxième du Prix de l’Arc de Triomphe).

Le Fabuleux s’impose ensuite dans le Prix Noailles en prenant les devants dès la descente pour éviter les pièges. Son entourage lui fournit un leader (Mercure, monté par Jacky Taillard) dans le Prix Lupin qu’il s’adjuge après avoir paru en difficulté face à Barbieri et Sigebert. Défait dans le Prix Lupin, Neptunus renonce à courir le Prix du Jockey Club. De ce fait, Free Ride (Prix Greffulhe et Hocquart) devient le principal adversaire de Le Fabuleux. Ce dernier est accompagné de deux leaders, Mercure et What Is It (propriété de Jacques Bouchara, gendre de madame Guy Weisweiller) qui mènent bon train et assurent la victoire au protégé de William Head. L’entraîneur, encore installé dans le Parc de Maisons-Laffitte, au 8 avenue Marengo, déménage ensuite à Chantilly.

Une défaite inexpliquée dans l’Arc. C’est ensuite une ballade de santé lors de sa rentrée automnale. Accompagné de son fidèle pacemaker, Mercure, il domine le Prix Prince d’Orange, une dernière préparatoire au Prix de l’Arc de Triomphe. Le Fabuleux en est le favori, suivi de l’Irish Derby winner, Ragusa (Ribot), entraîné par Paddy Prendergast. C’est une totale contre-performance que ne s’explique pas son jockey habituel, Jean Massard, associé à toutes ses sorties. Pour l’anecdote, le franco-italien Prince Royal II enlève, à la surprise générale, cet Arc marqué par la chute du jockey de Mercure, Albert-Paul Laborde. Il n’a pu éviter la chute dont est tenu responsable l’Australien Garnet Bougoure (le beau-frère de George Moore), en selle sur Ragusa. Accidenté en début d’année suivante, Le Fabuleux n'effectue sa rentrée qu’en septembre, à Longchamp, dans le Prix du Pin (rien à voir avec le Gr3 d’aujourd’hui) qu’il domine. Il laisse son dauphin à quatre longueurs. Ce sera la fin de sa carrière en piste.

Des débuts au Quesnay avant les États-Unis. Il entre au haras du Quesnay, où il sera le premier étalon de l’ère Head. Le Fabuleux sera vendu quelques années plus tard, au printemps 1972, à la famille Hancock, dont le haras est l’un des plus performants aux USA, Claiborne Farm dans le Kentucky. Il prendra pension aux côtés d’un certain Secretariat. Âgé de 23 ans, Le Fabuleux est mort en juillet 1984, à Clairborne Farm, dans le Kentucky, où il a effectué avec succès les deux tiers de sa carrière d’étalon. Aux États-Unis, 10 % de sa production s’est imposée au niveau Stakes. Il est notamment le père de mère d’Unbridled.