Le pouls de la province (Jean-Claude Ravier à Lyon, Patrice Camacho à Marseille, François Forcioli-Conti à Cagnes-sur-Mer, Francis Montauban à Toulouse, Jean-Marie Plassan à La Teste)

Courses / 12.10.2016

Le pouls de la province (Jean-Claude Ravier à Lyon, Patrice Camacho à Marseille, François Forcioli-Conti à Cagnes-sur-Mer, Francis Montauban à Toulouse, Jean-Marie Plassan à La Teste)

Le pouls de la province

À l’occasion du Prix André Baboin (Gr3), le Grand Prix des Provinces, qui change de cadre tous les ans, Jour de Galop a interrogé plusieurs présidents de sociétés de courses de province sur le futur des courses, de leur région, de leur relation avec France Galop et de l’évolution sportive locale. Nous vous proposons aujourd’hui les témoignages de Jean-Claude Ravier, Patrice Camacho, François Forcioli-Conti, Jean-Marie Plassan et Francis Montauban.

Jean-Claude Ravier, président de la Société des courses lyonnaises

« On peut entraîner des chevaux de qualité dans le Centre-Est »

« Je pense que nous avons une structure globale des courses qui a prouvé son efficacité. Mais il faut abandonner le monde associatif pour passer à un mode de gestion entrepreneurial. Il y a une somme de choses à améliorer. Je reste cependant relativement optimiste, même si les derniers chiffres du PMU ne sont pas bons. Nous avons une structure qui a fait ses preuves, mais nous nous sommes endormis sur nos lauriers.

Je suis contre le fait que les dotations soient la variable d’ajustement. S’il faut diminuer les frais généraux, il faut le faire. Lorsque nous avons fusionné en une société à Lyon, nous avons fait des économies d’échelles et il y a une vraie synergie. Je ne suis pas convaincu que les sociétés mères aient fait ces économies.

Nos relations avec Paris sont étroites et globalement bonnes. Je trouve que l’on n’utilise pas assez la P.S.F éclairée de Lyon-La Soie. La piste de Parilly est reconnue parmi les meilleures en région.

Côté sportif, il y a eu beaucoup d’avancées avec l’apparition du centre de Chazey qui a créé une synergie dans le Centre-Est, mais il y a aussi celui de Moulins et deux ou trois centres privés. Par exemple celui de Saint-Cyr-les-Vignes, propriété de Jean-Pierre Gauvin, qui a fourni un gagnant du Prix du Jockey Club et une quatrième du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1). On peut entraîner des chevaux de qualité dans le Centre-Est. En revanche, nous avons un vrai problème de propriétariat qui nous pose des difficultés. Cette année, le Prix André Baboin, qui honore la mémoire d’une personnalité locale, se court à Lyon-Parilly. Nous avons eu aussi le Défi du Galop qui a un rating de qualité. »

Patrice Camacho, président de la Société hippique de Marseille

« Il faut absolument repositionner les courses à des jours fixes et à des horaires adaptés »

« Il faut reconnaître que la situation actuelle des courses en France n’est pas des plus brillantes. Pendant trop longtemps, le PMU, fort de ses résultats, s’est conforté dans une certaine aisance et n’a pas mis en place une politique d’avenir afin de pérenniser son chiffre d’affaires, et par conséquent l’avenir des courses. En imposant aux sociétés de courses des horaires et des jours inadaptés, le PMU a désertifié les hippodromes. En effet, comment faire venir du public un mardi 10 novembre à 11 h 30 ? A contrario, et nous l’avons encore vérifié cette année sur l’hippodrome de Marseille-Vivaux, si nous avons la possibilité d’organiser l’été des réunions en nocturne les vendredis, avec un début d’opérations à 20 heures, nous sommes capables de déplacer entre 3.000 et 5.000 personnes. Il faut absolument repositionner les courses à des jours fixes et à des horaires adaptés. Elles redeviendraient un spectacle. Les deux populations qui financent toute la filière hippique sont les propriétaires et les parieurs. Ce plaisir et cette passion naissent sur un hippodrome, pas dans un point de vente PMU.

J’ai l’intime conviction que la nouvelle gouvernance de France Galop a pris la mesure du problème en faisant bouger les choses et j’ai le sentiment que le dialogue, l’écoute, l’échange avec l’ensemble des socioprofessionnels y contribue largement. C’est encourageant.

Mes craintes sont liées aux enjeux PMU qui sont en constante baisse et j’ai peur qu’à l’avenir, les allocations subissent le même sort. Le contexte économique étant extrêmement tendu, une baisse des allocations induirait automatiquement une diminution du nombre des propriétaires, des effectifs, des partants, et donc des enjeux. L’édifice est très fragile, je n’ai pas la solution, mais je valide le principe que trop de jeux tue le jeu. Une idée que je soumets toutefois, pourquoi ne pas envisager la reprise du PMU par notre concurrent dynamique, la FDJ ?

La création de la Commission des régions au sein de France Galop favorise une écoute, un dialogue et des échanges entre nos sociétés de courses de province et notre société mère. J’estime que chaque région a sa spécificité, le Sud-Est par exemple n’est pas comparable au Sud-Ouest, nous n’avons ni les mêmes profils de propriétaires, ni les mêmes types d’effectifs, ni les mêmes infrastructures. Pour corroborer mes propos, France Galop avait pris la décision, il y a deux ans, de supprimer les chevaux inférieurs à 20 de valeur. Le centre d’entraînement de Calas a perdu une cinquantaine de chevaux et plusieurs propriétaires, alors que dans le même temps, le Sud-Ouest n’était pas impacté par cette mesure. Il est impératif d’aménager les programmes par région, en adaptant les conditions de courses aux effectifs, et il semble que nous sommes dans la bonne voie. »

François Forcioli-Conti, président de la Société des courses de Cagnes-sur-Mer

« L'Institution doit se garder du risque de se transformer en syndicat de défense d’intérêts catégoriels »

«  Le passé plaide pour l’avenir. Les courses de chevaux sous des formes diverses existent depuis la plus haute antiquité et sur tous les continents. Cette omniprésence témoigne de l’enracinement culturel des courses, lequel pourrait se conjuguer avec les sentiments écolo/naturalistes propres à la post modernité.

Mes craintes principales sont le "court-termisme" et le repliement sur soi. L'Institution doit se garder du risque de se transformer en syndicat de défense d’intérêts catégoriels.

Comme toujours en France, les relations entre Paris et la province sont teintées de jacobinisme. Mais il faut reconnaître que les sociétés mères sont beaucoup plus conscientes que par le passé des difficultés de la province.

La multiplication et la diffusion sur l’ensemble du territoire de réunions à vocation nationale compliquent objectivement l’établissement des programmes et surtout du calendrier, mais il faut reconnaître que les responsables s’efforcent de prendre en compte les impératifs locaux.

S’agissant du partage de la ressource financière, les sociétés de province sont désormais "au taquet".

L'Institution souffre aujourd'hui de ce qui a fait sa fortune hier. À s’être trop reposée sur la manne procurée par le jeu en ville, on a oublié que les courses sont avant tout un spectacle vivant et un sport. Nombre d’initiatives ont contribué à vider les hippodromes sans que l’on s’en soucie, or ce sont les lieux de l'éveil des vocations, de l’initiation et de la formation, tant du propriétariat que des turfistes. Enfin comment ne pas regretter l’erreur d’avoir quitté la chaîne nationale qui diffusât pendant si longtemps, et avec quel bonheur, le Quinté, pour un diffuseur privé bien vite en déconfiture ! Plus de vingt ans de communication perdue ! Notons avec satisfaction et espérance les initiatives nouvelles. À l'époque récente, deux points noirs sont dans tous les esprits : l'ouverture des jeux et la T.V.A. L'État n'a peut-être plus pour nous les yeux de Chimène. »

Francis Montauban, président de la Société des courses de Toulouse

« L’équation n’est pas facile à résoudre »

« Nous avons des raisons sérieuses de nous inquiéter quant à l’avenir des courses. Les enjeux connaissent une baisse significative, le nombre de partants également… Chacun cherche les moyens d’y remédier mais l’équation n’est pas facile à résoudre. Je suis en revanche moins inquiet en ce qui concerne le propriétariat. Nous avons toujours beaucoup de gens passionnés, pour qui avoir un cheval de course est avant tout un plaisir et qui ne cherchent pas la rentabilité à tout prix…

Concernant les relations que j’entretiens avec les sociétés mères, je dirais très honnêtement que je me sens écouté et pas du tout discriminé. Ce n’est pas pour autant que l’on accède à tous mes souhaits évidemment !

D’un point de vue sportif, je ne vois absolument aucune différence entre la qualité des chevaux entraînés à Paris et ceux entraînés dans la région qui me concerne, c’est-à-dire le Sud-Ouest, entre la qualité des entraîneurs installés à Paris et ceux en province, idem pour les jockeys ! Grâce à la décentralisation, la qualité des hippodromes de province a aussi beaucoup progressé. Cette décentralisation a permis à des personnes compétentes de venir s’installer en province, ces personnes ont fait progresser la qualité des chevaux et hissé le niveau général. C’est particulièrement spectaculaire dans le Sud-Ouest, aussi bien en plat qu’en obstacle. »

Jean-Marie Plassan, président de la Société des courses de La Teste

« Il faut réagir et vite »

« Malheureusement, nous vivons la fin d’une époque et les petits hippodromes vont disparaître. Nous ne pouvons pas garder des réunions de courses qui enlèvent des chevaux aux réunions premium. C’est malheureux à dire mais il faut supprimer des hippodromes pour l’avenir des courses. Il faudra trouver des courses pour les "petits chevaux" sur les grands hippodromes. Dire que les petits hippodromes de province ne coûtent rien, c’est faux, même s’ils fonctionnent avec des bénévoles. Il faut être conscient qu’on ne peut plus vivre comme avant.

Si nous ne bougeons pas, nous risquons de nous asphyxier. Nous allons finir par baisser de plus en plus les allocations et nous aurons donc de moins en moins de propriétaires. Il va falloir taper dans la fourmilière sans plus attendre, sinon ce sont aussi les grands hippodromes que nous allons devoir fermer. Il faut réagir et vite. J’ai beaucoup travaillé dans l’industrie et dans la papeterie notamment. Ils n’ont pas hésité à fermer quand ça allait mal, il y a eu des conflits, mais c’était inévitable. Pour nous c’est pareil, il faut dire "stop" et tout remettre à plat.

À La Teste, les relations sont très bonnes avec Paris. Nous n’avons pas de soucis particuliers. Nous ne pouvons pas non plus dire qu’ils ne s’intéressent pas à nous. Je les remercie d’ailleurs, car ils nous ont toujours soutenus.

Je trouve que l’on ne devrait pas tout mettre à Deauville l’été. Il existe d’autres hippodromes en sommeil sur lesquels on aurait pu distribuer les courses. Cela éviterait une saturation des réunions de courses à Deauville. Ne parlons pas du gazon ! Ne serait-ce que pour la santé des chevaux, nous aurions dû délocaliser certaines courses. »