RAIMONDISSIMO !  Les sept confidences de l’Arc

Courses / 01.10.2016

RAIMONDISSIMO ! Les sept confidences de l’Arc

 

Italien et citoyen du monde, Franco Raimondi est l’un des plus célèbres journalistes hippiques en activité. Grand voyageur et curieux de tout, il offre à plusieurs gazettes de renom international ses connaissances encyclopédiques et ses analyses décalées. Il vous donne rendez-vous chaque semaine dans Jour de Galop.

 

Après une soirée arrosée au cœur de Paris, Franco Raimondi est allé s'asseoir près de l’Arc de Triomphe. Il en a profité pour poser quelques questions au vénérable monument auquel la course est dédiée. Il a réussi à noter certaines réponses, au cœur de cette nuit agitée. Les voici…

Franco Raimondi. - Mon cher Arc, à l’âge de 96 ans, vous êtes bien plus sage et savant que moi. Puis-je vous poser quelques questions? Disons sept, car que je ne veux pas abuser de votre gentillesse. N’ayez crainte, je ne demande pas de tuyaux, car je préfère jouer ce qui me passe par la tête…

L’Arc de Triomphe. - Allez-y mon enfant, je vous écoute.

Je viens de passer au peigne fin votre palmarès et les performances de l’édition 2016. Le favori, Postponed, a débuté sa saison en gagnant à Meydan le 5 mars et il a remporté trois semaines après le Dubai Sheema Classic. Aucun cheval gagnant des grandes courses nubiennes, le World Cup et le Sheema Classic, n’a confirmé le premier dimanche d’octobre. Ce n’est pas bon signe, n’est-ce pas ?

Remarquable découverte jeune homme. Mais avez-vous également remarqué qu’aucun gagnant de World Cup et Sheema Classic n’a couru dans l’Arc la même saison ? Ceci explique cela. Et pourtant un gagnant du Sheema Classic avait tous les titres pour dominer l’Arc, sauf qu’il était hongre. Souvenez-vous de Cirrus des Aigles. En 2012, il avait battu St Nicholas Abbey à Meydan. La veille de l’Arc, il avait dominé ses adversaires de neuf longueurs dans le Prix Dollar (Gr2), décrochant ainsi un Racing Post Rating de 132. Il aurait sans doute battu Solemia et Orfèvre et il l’a démontré quand il a fait trembler Frankel dans les Champions Stakes.

De plus, j’ai trouvé un gagnant d’Arc qui avait couru à Dubaï. Marienbard s’est en effet classé quatrième chez le cheikh Mohammed, en 2002. Et il ne faut pas oublier le bon Youmzain qui a disputé le Sheema Classic chaque année avant de s’incliner à Longchamp face à Dylan Thomas, Zarkava et Sea the Stars. Vous savez, pour battre des rivaux de cette classe, il faut passer par Lourdes, pas pour Dubaï. Flintshire fut deuxième du Sheema Classic l’année dernière, avant de tomber sur un super Golden Horn.

Postponed sera associé à un jockey de 25 ans, qui n’a monté que 39 courses en France pour quatre victoires. Cela ne vous inquiète-t-il pas un peu ?

Vous connaissez Andrea Atzeni mieux que moi. Il n’a pas trouvé la monte de Postponed sous le sabot d’un cheval ! Il a gagné 45 courses de Groupe, dont 15 Grs1 en cinq saisons. Je me souviens d’un certain Lester Piggott. Il avait décroché son premier Arc lors de son dix-septième essai. C’était avec Rheingold en 1973, alors qu’il avait 37 ans. L’Anglais avait débuté dans la course en 1952 sur l’italien Oise.

C’était une autre époque, où les jockeys voyageaient moins que maintenant. Monter dans un autre pays était un exercice nouveau pour beaucoup et la malice était un atout majeur. Les jockeys d’aujourd’hui ne sont pas des saints mais les courses sont plus limpides. Il y a bien moins de pièges et c’est le meilleur qui gagne.

Harzand a gagné le Derby d’Epsom et le Derby d’Irlande. Et pourtant il est un peu délaissé par les parieurs anglais. Qu’en pensez-vous ?

Savez-vous combien de doubles gagnants de Derby ont couru l’Arc ? Neuf. Et combien ont réussi le coup de trois ? Un seul, Sinndar, en 2000. Oui, il portait la même casaque que Harzand, je sais. D’ailleurs, en ce qui concerne ce dernier, je ne suis pas inquiet de sa course sans étincelle à Leopardstown, sur une distance trop courte. Je considère Sinndar comme un grand gagnant. Mais savez-vous que Son Altesse a couru à Longchamp deux autres doubles gagnants de Derby ? Kahyasi et Shahrastani. Je trouve Harzand plutôt dans la ligne de Kahyasi et Shahrastani que dans celle de Sinndar. Donc je m’attends plus à une quatrième tentative bien courue, un peu pris de vitesse, qu’à une victoire. C’est dommage car j’aimerais bien voir Sea the Stars intégrer le club des gagnants ayant produit un gagnant, avec Biribi, Djebel, Ribot, Sea Bird, Rainbow Quest et Montjeu. Cela permettrait à Urban Sea, la seule gagnante mère d’un gagnant, avec Detroit, de devenir également la deuxième mère d’un lauréat par l’intermédiaire de Sea the Stars.

Les turfistes japonais auront pour la première fois le droit de jouer depuis le Japon. Cela coïncidera-t-il avec leur première victoire?

Les pauvres ! Vous vous souvenez, il y dix ans déjà, de la catastrophe Deep Impact ? Ils méritent vraiment de gagner. Son fils Makahiki sera le vingtième japonais au départ. En plus de l’échec de Deep Impact, ils sont déjà passés à côté de la victoire trois fois. Orfèvre a perdu une course de folie en 2012. Nakayama Festa fut battu par Workforce et un Ryan Moore déchaîné. Mais la défaite la plus amère fut celle d’El Condor Pasa en 1999. En bon terrain, il aurait gagné à coup sûr. Mais à Longchamp, il a trouvé sur sa route le terrain lourd et il est tombé sur un avion avec Montjeu. On ne trouve pas tous les ans un gagnant capable de livrer une performance créditée 136 au Racing Post Rating. Mais c’est du passé, et revenons à votre question. Makahiki n’est pas El Condor Pasa et encore moins Orfèvre. C’est un bon gagnant du Derby japonais, issu d’une génération sans étoiles mais très solide, avec des lignes en béton. Son profil se rapproche un peu de celui de Kizuna. Lui aussi s’est classé quatrième, comme Shahrastani. D’ailleurs, il y a beaucoup de monde autour de cette quatrième place… Mais avec un jockey français, Christophe Lemaire, qui s’est beaucoup impliqué dans la préparation de la course, Makahiki aura un petit avantage. S’il suffit d’un Racing Post Rating à 125 et d’un bon parcours pour gagner, le Japon fera la fête dimanche soir. Sinon, il leur faudra revenir l’année prochaine…

Cher Arc, regardez-vous les pedigrees ? Avez-vous noté que cinq des restants aux seconds forfaits étaient des fils de Dubawi, un cheval qui n’arrivait pas à tenir 2.400m. ? De plus, cinq sont des petits-fils d’Urban Sea, trois par l’intermédiaire de Galileo et deux par Sea the Stars. Ils n’ont pas beaucoup de créativité, les éleveurs…

Ne jouez pas au professeur ! Je peux rajouter que deux des cinq Dubawi sont issus des filles de Zamindar (New Bay et Zarak). C’était bien vous, l’auteur du papier qui remarquait l’absence de réussite des Galileo dans l’Arc ? Les trois O’Brien – Highland Reel, Order of St George et Found – sont des produits de cet étalon. Ce ne sont pas des phénomènes, mais de toute manière, cette année, je ne vois pas un véritable crack au départ. Par le passé, l’élevage était une forme d’art, mais le monde n’appartient plus aux artistes. Je trouve tout à fait logique que plus de la moitié des candidats soient issus de trois étalons parmi les plus recherchés : Galileo, Dubawi et Sea the Stars

 

Vous avez dit qu’il n’y avait pas un vrai crack dans la course. En êtes-vous sûr ? Que direz-vous si un cheval part tout seul à la Mère Marie et gagne de cinq longueurs ?

Je serai heureux d’avoir vu éclore un nouveau champion ! Mais pour le moment, je m’attache aux repères que nous donnent les valeurs. Le Racing Post Rating moyen des gagnants des dix dernières éditions, dont la moitié a été remportée par des femelles, est de 128,2. Les mâles avec les valeurs les plus basses de la décennie furent Golden Horn et Dylan Thomas, à 127. Postponed est un métronome mais il n’a jamais fait plus de 126. S’il répète, il gagne, sinon…

Je me répète. Pas de tuyau. Mais vous êtes l’Arc ! Vous devez forcément avoir des informations supplémentaires. Ne vous cachez pas derrière votre petit doigt !

Vous êtes un peu arrogant mon jeune ami. Je vais vous poser une question. Pourriez-vous me donner le nom du dernier lauréat du Prix Jockey Club qui a répété dans l’Arc? C’était Dalakhani, en 2003, quand le Derby français était encore sur 2.400m. Je ne vous donne pas un tuyau mais je vous fais plutôt une suggestion. Cette année, la course est à Chantilly. Alors pourquoi pas un lauréat du Jockey Club ? Il y en a deux : The Grey Gatsby et New Bay. Je suis pour le deuxième. Avez-vous noté le nom de son entraîneur ? André Fabre. C’est un génie, qui compte sept victoires, y compris avec des chevaux d’un niveau inférieur à celui de New Bay. Un peu comme tous les Cantiliens, ses chevaux ont été malades au premier semestre. New Bay est venu progressivement et à Leopardstown, il n’a pas si mal couru.

Vous avez touché deux cordes sensibles en évoquant le Prix du Jockey Club et le déplacement de la course à Chantilly. Le lauréat du Derby français ne sera pas au départ et le premier Arc cantilien reste un point d’interrogation pour beaucoup…

Vous m’avez demandé de répondre à sept questions et vous m’en posez huit. Vous abusez de ma gentillesse… Ma réponse va être très simple. Si vous vouliez absolument voir courir Almanzor ce dimanche, il vous suffisait de casser votre tirelire et de proposer un prix à ses propriétaires. J’ai beau être l’Arc, j’apprécie beaucoup qu’un entraîneur français ait assez de c……. pour dire non à la course que tous les Tricolores veulent gagner. Jean-Claude Rouget connaît Almanzor mieux que vous et moi réunis. S’il voit plus en lui un cheval de Champion Stakes, il a certainement raison. Il pourrait peut-être nous donner rendez-vous l’année prochaine, qui sait ? En ce qui concerne Chantilly, j’habite dans le bois de Boulogne, à Longchamp, depuis près d’un siècle. Mais pendant la guerre, j’ai déménagé au Tremblay. Deux années à Chantilly, ce n’est pas la fin du monde. N’écoutez pas les Anglais : ils se plaignaient déjà Longchamp, qu’ils décrivent comme une piste assez spéciale, où les places à la corde jouent un rôle fondamental. Maintenant ils trouvent que Chantilly est aussi une piste particulière, où les places à la corde jouent encore un rôle tout aussi fondamental. Ils me fatiguent. Les rugbymen disent que l’arbitre pèse sur un match comme le vent et la pluie. La piste, c’est pareil. Tous les chevaux galopent sur la même.

Merci monsieur l’Arc, vous m’avez donné quelques bonnes idées. On se retrouve dans douze mois.

Avec plaisir, jeune homme. Mais, s’il vous plaît, ne répétez pas vos bêtises habituelles au guichet. Cette année, ne jouez pas Bruni, Duncan, Dar Ré Mi ou Harp Star. Combien de chevaux sans aucune espèce de chance avez-vous joués ? Réfléchissez bien avant d’envoyer votre argent. Avec un brin d’imagination, vous avez réussi à toucher Solemia, Dylan Thomas, Marienbard, Sakhee, Peintre Célèbre, Tony Bin et Trempolino. À la prochaine, le centenaire approche...

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