Courses / 28.05.2018

Laurens peut-elle vraiment gagner le Prix de Diane Longines ?

Si elle a mené à bien sa mission en remportant son deuxième Gr1 ce dimanche, Laurens a aussi prouvé qu’elle savait lutter. À présent, son avenir est au niveau classique. Pour cette sculpturale fille de Siyouni, comment l'échéance se présente-t-elle ? Son entourage annonce par ailleurs qu’elle ira un jour sur 2.400m. Or, sur cette distance, les Japonais ont certainement la meilleure 3ans au monde.

Par Bruno Barbereau, éditorialiste à Jour de Galop et animateur de Horse Racing Chrono

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Sur un terrain bon-souple (3,4), les Grs1 de ce dimanche ont rassemblé peu de partants. Si bien qu’on se demande où placer le The Gurkha Coolmore Prix Saint-Alary (Gr1) dans le calendrier. Cette épreuve souffre pour l’instant d’être un peu considérée comme le Diane bis sans avoir la renommée ou l’attractivité du classique. On peut aussi se demander si la présence de l’open-stretch, avec sa décorde constante de six mètres, ne perturbe pas les distances des épreuves, donc les temps enregistrés au final.

Que vaut sa performance de dimanche ? Gagnante de Gr1 à 2ans, deuxième des 1.000 Guinées, Laurens (Siyouni) était la favorite logique. Elle a dû assumer sa position de favorite en prenant immédiatement la tête de l’épreuve, en tête à la corde. La course s’est déroulée dans un train assez modéré : la marque des 1.400m de ce Gr1 sur 2.000m a été atteinte en 1’33’’46, soit trois secondes plus lentement que les 1.400 premiers mètres du Prix du Lys (Gr3, 2.400m). La logique voudrait que les concurrents du Gr1 sur 2.000m aient parcouru la distance de 1.400m plus rapidement que ceux du Gr3 sur 2.400m. Or ce n’est pas le cas. Dans la phase finale, Laurens a courageusement résisté à With You** (Dansili). Elle s’impose en 2’08’’39, un temps total très moyen. Il est quasiment semblable à celui du maiden des mâles qui était la deuxième course du programme de dimanche. Le record du Saint-Alary, en bon terrain, est de 2’00’’87. Il avait été établi par Queen’s Jewel (Pivotal) en 2005. Mais les 400 derniers mètres de Laurens, en 22’’78, correspondent à une très bonne accélération. La future lauréate a dû s’employer jusqu’au bout pour décrocher la victoire. Les 600 derniers mètres ont été parcourus en moins de 35 secondes, soit une accélération très acceptable à ce niveau.

Quid du Diane ? Laurens est assurément une très bonne pouliche, mais le Prix de Diane Longines s’annonce comme un challenge difficile. Sa victoire de dimanche à ParisLongchamp est inférieure de deux points (109 contre 111 de Racing Post rating) à sa deuxième place dans les Guinées. Il va falloir qu’elle redresse la barre en l’espace de deux semaines, tout en en encaissant un deuxième aller-retour entre la France et l’Angleterre. Dès lors, il paraît difficile de l’installer dans la position de favorite pour le Prix de Diane Longines 2018. À ce jour, la meilleure performance de sa carrière reste son succès dans le Bet365 Fillies' Mile (Gr1) au mois d’octobre de ses 2ans. Karl Burke, entraîneur de la gagnante, a annoncé : « Nous aimerions tellement remporter un premier classique et nous espérons que cela arrivera dans le Prix de Diane Longines. Laurens est engagée dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe et je ne vois pas pourquoi elle ne tiendrait pas les 2.400m dans le futur. » Or, justement, sur cette distance, la meilleure pouliche au monde est japonaise.  

Une pouliche absolument exceptionnelle. Une semaine avant le Derby, les Oaks du Japon ont été remportés par une pouliche d’un niveau exceptionnel : Almond Eye (Lord Kanaloa). Elle boucle les 2.400m en 2’23’’80, soit deux secondes plus lentement que la très bonne Gentildonna (Deep Impact) en 2012. Mais ses 600 derniers mètres sont les plus rapides des quinze dernières années, en 33’’20. C’est une seconde de mieux que Gentildonna. Il s'agit de la meilleure performance, selon ce critère, de l’histoire de la course. Elle fait encore mieux que Gentildonna et Soul Stirring (Frankel). Ces trois pouliches constituent le top-trois des performances enregistrées dans cette épreuve. Si Almond Eye avait couru le Derby face aux mâles, elle aurait gagné de trois quarts de longueur. C’est probablement la meilleure pouliche de gazon au monde chez les 3ans sur 2.400m, en sachant qu’elle avait déjà remporté la Poule d’Essai locale.  Son rating, à 115, est timide, car équivalent à celui de Gentildonna et Soul Stirring. Elle mérite certainement 117 ou 118, ce qui correspondrait aux attentes de nombreux commentateurs avisés.

LES OAKS ET LE DERBY DU JAPON

Au Japon, personne n’arrive à égaler Deep Impact. Dimanche à Tokyo, sur 2.400m,  Wagnerian (Deep Impact) a remporté le Derby nippon d’une demi-longueur, en 2’23’’60. Il a parcouru les 600 derniers mètres en 34’’30.  C’est une performance solide, mais qui reste en deçà de celle de son père Deep Impact (Sunday Silence). Celui qui fut un champion en piste a produit beaucoup de bons chevaux, mais au Japon, aucun d’entre eux n’a atteint le niveau d’excellence de cet illustre géniteur. En 2005, dans le Derby, il s’imposait en 2’23’’30, avec les 600 derniers mètres en 33’’40. C’est toujours la référence absolue du Derby japonais. Le pace speed rating de Deep Impact était de 112. Wagnerian est crédité de 107, la valeur d’un très bon cheval. C’est la quatrième performance, selon le pace speed rating, sur les quinze dernières éditions.

Recoletos, une performance solide. Recoletos (Whipper) réalise un début d’année sans faute. Après sa victoire dans le Prix du Muguet (Gr2), il confirme en décrochant un premier Gr1, le Churchill Coolmore Prix d'Ispahan. Il était bien sûr largement favori d’un lot qui comptait très peu de partants. Sous l’impulsion de son leader, Oriental (Smart Strike), qui a imprimé un train très régulier, nous avons assisté à une vraie course. Le futur lauréat a évolué en dernière position, à cinq ou six longueurs de l’animateur, et il a attendu la marque des 400 derniers mètres pour passer à l’offensive. Recoletos s’impose facilement, en 1’52’’80, avec une longueur trois quarts d’avance. C’est un temps brut très correct sur ce type de terrain. Il franchit les 400 derniers mètres en 23’’15 et les 600 en 34’’85. Nous avons donc assisté à la victoire d’un bon cheval qui a trouvé la distance idéale pour ses aptitudes. Recoletos réalise d’ailleurs la meilleure valeur de sa carrière ce dimanche. Il est en pleine progression. Son Racing Post rating du Prix du Muguet, à 188, était le plus élevé depuis ses débuts. Et dimanche, il a décroché 119 dans l’Ispahan. Mais il lui faudra hausser encore d’un cran son niveau de jeu pour s’imposer dans les Queen Anne Stakes (Gr1). Ses deux premières sorties de la saison étaient des tours de chauffe. Le Gr1 anglais sera le grand test.

Les grands progrès de Neufbosc. Neufbosc (Mastercraftsman) a débuté au mois de janvier 2018, et depuis, il n’a pas cessé de progresser. Il compte trois victoires en six courses. Avant sa première tentative au niveau Groupe, il restait sur une victoire dans le Prix de l'Avre (L) sur le même parcours, c’est-à-dire 2.400m à ParisLongchamp. Ce dimanche, il s’est imposé dans le Prix du Lys en 2’32’’55, avec une longueur trois quarts d’avance. C’est un temps global très correct pour une course de ce niveau en terrain bon-souple.

L’épreuve s’est déroulée dans un train régulier sous l’impulsion de Solesili (Dansili), le futur lauréat patientant en cinquième et sixième position. Neufbosc réalise la meilleure valeur de sa carrière, soit 5 kg de mieux que lors de son succès au niveau Listed. Son Racing Post rating passe de 100 à 110. Ce poulain qui progresse de course en course peut nourrir de légitimes ambitions pour le Juddmonte Grand Prix de Paris (Gr1). Bien sûr, le Prix Hocquart Longines (Gr2) est aussi une possibilité si sa forme est constante. Les prétentions de ce pensionnaire de Pia Brandt ont été revues à la hausse au fil des courses et il ne laissait pas présager un tel destin à la fin de son année de 2ans.