
International / 16.10.2019
Lanfranco et Enable, à cœur ouvert
Par Franco Raimondi
« Merci de continuer à écourter ma vie avec une autre saison de souffrance ! Fait la bise à la championne. » Quelques minutes après avoir envoyé ce sms, le nom de Lanfranco Dettori apparaît sur mon portable. Je décroche. Et c’est la voix d’un homme qui a retrouvé le sourire qui m’accueille, après des jours et des jours de désarroi. La championne en question, c’est Enable (Nathaniel). Celle qui nous fera encore rêver en 2020.
Photo : Dettori n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il s’apprête à se mettre en selle sur Enable
Battue… mais pas abattue. Lanfranco Dettori est heureux comme un gamin le jour de Noël suite à la décision du prince Abdullah. Et c’est à cœur ouvert qu’il nous annonce : « Je n’ai cessé de pleurer depuis le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe. J’étais déprimé à l’idée même de ne plus jamais monter Enable. De ne plus la voir à l’écurie. Je suis passé la voir tous les jours, avec des bonbons à la menthe. J’avais envie de demander à John Gosden de la monter. Tous les jours. Quitte à remplacer moi-même Imran, son cavalier du matin. La simple idée de lui dire au revoir me faisait mal au cœur. Quand la décision du prince Abdullah est tombée… j’ai exulté ! J’étais fou de joie. »
Enable repart donc pour un tour, avec l’opportunité d’écrire un chapitre supplémentaire à son odyssée hippique le premier dimanche d’octobre à ParisLongchamp. Lanfranco parle de sa championne avec les mêmes mots que si elle était l’une de ses filles : « Ascolta [« écoute » en italien, ndlr], elle est déjà entrée dans la légende des courses grâce à tout ce qu’elle a accompli. Même avec cette maudite défaite. Elle a tout gagné, elle a remporté deux fois l’Arc de Triomphe sur deux hippodromes différents. Avant de se classer deuxième. Aucun cheval n’a réalisé cela ! En outre, lorsqu’elle a été battue, c’est par l’accumulation de circonstances négatives. »
Où l’on refait l’Arc de Triomphe 2019. Lanfranco a vu et revu dans sa tête le Prix de l’Arc de Triomphe 2019. Des centaines de fois. Il m’a confié : « Ascolta, le train de course a été tout simplement fou. Je l’avais compris immédiatement. Et dans le tournant, puis dans la fausse ligne droite, j’ai même laissé souffler la jument en rendant un peu de terrain à Magical (Galileo). L’open stretch a aussi joué un rôle très important : je connais assez bien ParisLongchamp, j’ai monté un certain nombre de fois le Prix de l’Arc de Triomphe. Le gazon dans l’open stretch, surtout en terrain lourd, n’est pas meilleur qu’ailleurs sur la piste. Mais le couloir incite les jockeys à anticiper l’effort. Moi j’aurais encore attendu, mais Cristian Demuro a attaqué tôt avec Sottsass (Siyouni) et Ryan Moore aussi avec Japan (Galileo). J’ai dû répondre et nous avons gaspillé du carburant… Enable était fatiguée après ce premier effort, mais elle a quand même repoussé les 3ans. Il a fallu un Waldgeist (Galileo), qui réalise la valeur de sa vie, pour parvenir à la battre. Surtout que Pierre-Charles Boudot l’a économisé durant le parcours. Le cheval a parcouru les 600 derniers mètres en 12’’ alors que nous avons terminé en 13’’. »
C’est l’Arc, on ne peut pas se cacher… Pour consoler mon ami jockey, je lui ai raconté un vieux souvenir. Celui d’un Prix d’Amérique dans lequel Sergio Brighenti, au sulky de l’américain Crown’s Pride (Lindys Pride), était parti en chasse d’Idéal du Gazeau (Alexis III) dans la vieille montée de Vincennes. Un effort désespéré. Le grand driver avait dit après la course : « C’est le Prix d’Amérique, si on vient le courir on ne peut pas se cacher, il faut avoir du courage. » Lanfranco éclate de rire : « Ascolta. Il avait raison. C’est dommage de ne l’avoir pas connu ce Brighenti. C’est exactement comme ça, avec un cheval à 20/1 on peut courir battu, attendre et venir ramasser les autres. Mais l’Arc de Triomphe c’est l’Arc de Triomphe, qui plus est avec une jument attendue par l’histoire. »
Photo : Boudot exulte, Dettori baisse la tête.
Pour l’empêcher de gagner, il faudra un nouveau Sea the Stars. C’est donc partie remise en 2020. Mais quelle Enable verra-t-on l’année prochaine ? C’est la question que tous les turfistes se posent, surtout les moins intrépides, ceux qui vivent dans la crainte des défaites et qui ne savent pas savourer les victoires. Lanfranco Dettori a les idées très claires : « Ascolta, le premier point, c’est le fait que son entraîneur est un génie. Et il aime la jument encore plus que moi et son propriétaire. La deuxième chose à savoir, c’est qu’elle est bien rentrée, après un effort qui a été très dur. Et je pense qu’elle n’a pas laissé son cœur sur la piste, il lui reste de belles courses dans les jambes. Enable est une jument qui affiche 128 de rating. Pour la battre il faudra un mâle de 131. Actuellement, je ne vois pas un poulain capable d’arriver à ce niveau. Sottsass et Japan n’ont pas réussi à battre Enable, dans une course qui s’est pourtant déroulée de manière très désavantageuse pour elle. Pour la dominer, ils vont être obligés d’avoir énormément progressé. Le danger peut arriver des 2ans de cette année. Nous en avons vu plusieurs qui sont prometteurs. Mais il faudra attendre le mois de juin et de juillet pour découvrir si le nouveau Sea the Stars (Cape Cross) se cache parmi eux… »
Le tour du monde. Lanfranco Dettori, après le Champions Day, préparera ses bagages pour un tour du monde qui l’amènera sur trois continents différents : « Ascolta, avant tout, il y a la Breeders’ Cup. Je n’ai pas Enable cette année. Mais c’est un meeting que j’aime beaucoup, surtout sur un hippodrome comme Santa Anita qui m’est très cher. On ne sait jamais, Fanny Logan (Sea the Stars) peut surprendre dans le Filly & Mare Turf (Gr1). Mais je n’ai pas de favoris parmi mes montes. Après, direction la Melbourne Cup (Gr1). Lloyd Williams m’a proposé de monter Master of Reality (Frankel) il y a deux mois. C’est un bon cheval de tenue. Il a une bonne chance. Tout de suite après, je prendrai mon avion pour le Japon. Je resterai là-bas quatre semaines, chez Mirco Demuro, je ne sais pas à quoi m’attendre. Cela fait longtemps que je n’ai pas monté au Japon. Si pendant le séjour, je trouve un bon cheval pour l’Arima Kinen (Gr1), j’y retournerai. Sinon, après le challenge des jockeys à Hongkong, je passerai Noël en famille avant de reprendre le chemin de l’Australie. » Qu’il soit en Angleterre, en Italie ou au Japon, Lanfranco a déjà placé sous son sapin de Noël le meilleur des cadeaux : Enable !
Photo : Hervé Naggar, Lanfranco Dettori et John Gosden avant l’Arc 2019
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