Jean-Pierre Deroubaix : « Nous voulons un calendrier international à l’image de ce qui se fait dans le pur-sang anglais »

29.10.2019

Jean-Pierre Deroubaix : « Nous voulons un calendrier international à l’image de ce qui se fait dans le pur-sang anglais »

Le 7 octobre, Paris accueillait la 21e Assemblée générale de l’Ifahr. La Fédération internationale des courses de chevaux arabes a notamment élu un tout nouveau Comité exécutif. Jean-Pierre Deroubaix, l’un des quatre élus, nous a présenté le contexte et les objectifs d’une telle réunion.

The French Purebred Arabian. – On imagine que c’est une grande satisfaction pour vous d’avoir été élu à l’unanimité ?

Jean-Pierre Deroubaix. –  Ce n’est pas une fin en soi. Je pense surtout à la nouvelle mission qui m’a été confiée par l’Ifahr, tout en inscrivant mon action dans le prolongement de celui de l’Afac. L’association française a beaucoup évolué ces dernières années.

Quelles ont été ces évolutions ?

L’Afac a besoin d’une représentation moderne, avec un président capable de se faire entendre au niveau des instances nationales et internationales, qui parle anglais et possède un bon réseau de connaissances au sein de France Galop. Et c’est Axelle Nègre de Watrigant qui a été choisie car elle correspond à ce profil.

Nous avons aussi essayé d’affirmer la présence de l’Afac au sein de l’ACA. Stéphane Chazel a été élu président de cette association et il a l’énorme avantage d’avoir des chevaux de course et d’endurance. Il fait donc une transition parfaite. Il sera le représentant de l’ACA auprès du stud-book et de la Waho. Je vais d’ailleurs moi-même essayer d’entrer au sein du stud-book français. 

IFAHR EXECUTIVE BOARD

Faisal Al Rahmani (Emirats Arabes Unis) - président

Mats Genberg (Suède) - vice-président

Jean-Pierre Deroubaix (France) - trésorier (tâche partagée avec Hicham Debbagh)

Hicham Debbagh (Maroc) - secrétaire (tâche partagée avec Jean-Pierre Deroubaix)

Nelly Philippot (Belgique) - membre

Sami Al Boenain (Qatar) - membre

Mohammed Al Nujaifi (Iraq) - membre

Mohammed Al Hashimi (Oman) - membre

Neil Abrahams (Emirats arabes unis) - chargé du contact entre les différents membres du board.

Dans quel contexte vous êtes-vous présentés à l’Ifahr ?

L’Afac m’a suggéré de me présenter. J’ai alors rencontré monsieur Gadot, l’autre représentant français, afin de nous mettre sur la même longueur d’onde. Si j’ai été élu à l’unanimité, c’est que j’ai aussi l’énorme avantage de connaître toutes les personnes qui ont pris part au vote, grâce à mon activité professionnelle.

Je vais partager la tâche de secrétaire et de trésorier avec Hicham Debbagh, lequel représente le Maroc. Cela me permettra de prendre le temps d’apprendre à connaître l’Ifahr. Pour moi, c’est encore un puzzle.

Le but est de faire oublier tout problème politique pour établir un programme sur les prochaines années. Il faut tendre vers quelque chose de cohérent, mais il y a un vrai travail de fond à faire. 

Quels sont les projets concernant le site internet ?

Il faut avoir les résultats des courses en temps réel ou presque. Le plus simple est de mettre en place, pour chaque épreuve, un lien vers le site référent, France Galop pour la France par exemple. Et nous pourrions faire la même pour les stud-books. Je pense qu’on va y arriver. 

Justement, en ce qui concerne les stud-books, n’y-a-t-il pas besoin d’une harmonisation ?

Au cours de l’Assemblée générale, nous avons fait intervenir Weatherbys. C’est-à-dire les prestataires de service responsables du stud-book anglais. Un peu comme l’Ifce (Institut français du cheval et de l’équitation) en France. Je souhaite que nous offrions un catalogue des étalons digne de ce nom. Le but est de proposer sur le site de l’Ifahr, un endroit où l’on peut trouver les performances, le pedigree, la production et une photo de tous les étalons existants. De plus, avoir un format uniforme, quel que soit l’éleveur. Weatherbys a l’avantage d’avoir déjà fait cela pour les pur-sang anglais. Il faut aussi, pour les étalons, permettre les mises à jour en direct de leur descendance.

Et quid du programme international ?

Cela me tient à cœur. Mais cela va prendre plus de temps car il va falloir expliquer aux organisateurs et aux sponsors qu’il n’est pas possible d’avoir Goodwood, Doncaster et Windsor à une semaine d’intervalle, pour les mêmes chevaux. Je suis bien conscient qu’on ne peut pas changer les dates, mais les conditions de course, si. C’est juste une question de volonté. Parmi les victimes, il y a la course préparatoire à la Qatar Arabian World Cup (Gr1 PA). Elle s’est réduite à trois partants… Ce n’est pas possible. Il faut sortir un calendrier international à l’image de ce qui se fait dans le pur-sang anglais, avec un classement par mois, âge et sexe. Beaucoup de pays, qui organisent des courses black types, n’ont pas de vision à long terme. Il est donc nécessaire leur expliquer qu’il faut harmoniser les conditions de course. 

Quels sont vos autres axes de travail ?

C’est l’aide aux petits éleveurs. Chez nous, ils se raréfient. Tout le monde vend et plus personne ne réinvestit. C’est un vrai problème. Il est normal de vendre une jument quand on vous propose 200.000 € mais quand vous voulez en acheter une autre, soit il n’y en a pas sur le marché, soit vous devez lutter avec une concurrence du Moyen-Orient qui a un autre portefeuille. C’est impossible. Parmi les solutions possibles, on peut envisager d’organiser des courses chez nous ou ailleurs en Europe, d’octobre à mars-avril, lorsque l’activité hippique est en sommeil dans le golfe Persique, afin d’avoir moins de concurrence. Ces courses auraient des conditions spécifiques, comme par exemple d’être réservées aux éleveurs du pays… Ces gagnantes, plus faciles à commercialiser, pourront aussi servir de jumenterie aux éleveurs français. Autre solution, comme cela se fait en Belgique, c’est d’organiser des courses pour des chevaux n’ayant pas gagné 10.000 € par exemple. Il y a bien des courses pour "non cheikhs" dans le Golfe. D’ailleurs, un hippodrome se construit au nord du Qatar pour ce type de courses. Bref, il faut réfléchir à des solutions permettant aux éleveurs français de garder leurs juments. Enfin, nous nous pourrions aussi démarcher de grands haras français, afin qu’ils investissent dans des poulinières arabes. D’ailleurs, certains l’ont fait. Je pense à la casaque Niarchos. Il y a un potentiel.

Pouvez-vous nous parler de vos autres chevaux de bataille ?

Cela concerne le bien-être animal. Il faut en parler et s’en occuper avant qu’on nous reproche un certain nombre de choses. Dans les courses de chevaux arabes en Europe, on n’a pas à rougir car les chevaux sont choyés. Ils sont très beaux et ne sont pas roués de coups… car cela ne sert à rien. Ce sont des animaux qui marchent au feeling, au moral. Si on les contrarie, ils ont plutôt tendance à s’arrêter. Enfin, ils appartiennent à des gens amoureux de leurs chevaux. Pour autant, il ne faut pas attendre les critiques. Communiquons sur les bonnes pratiques.

Cela paraît ambitieux ?

Oui, c’est beaucoup de choses en même temps mais cela me tient à cœur car je suis tombé amoureux du cheval arabe. C’est un milieu qui me plaît. Tout le monde se connaît, s’envoie des messages, s’échange des photos. On se voit lors de la journée de l’Arc. Ce n’est pas le cas dans l’univers du pur-sang anglais dans lequel je suis également introduit. En fait, les propriétaires, les entraîneurs de chevaux arabes, sont tous amis. On a accès à des gens incroyables comme le cheikh Hamdan lors de la grande journée de Newbury, au mois de juillet. Des gens de tous les pays du Golfe sont rassemblés ce jour-là. Tout le monde est ensemble et discute, c’est assez extraordinaire.

L’élection de Faisal Al Rahmani à la tête de l’Ifahr a-t-elle changé la donne ?

Le grand avantage de Faisal, c’est qu’il a le soutien du cheikh Mansour et du président des Émirats Arabes Unis, des gens qui ont de l’argent et qui adorent les chevaux, aussi bien dans l’endurance, le show et les courses. On peut donc obtenir des sponsors. C’est un homme qui a des idées et si on peut lui construire une petite équipe qui fonctionne, il est possible de faire avancer les choses. 

Une dernière réflexion ?

Je pense au travail fait par Lara Sawaya et le Festival du cheikh Mansour pour sponsoriser des courses à travers le monde. Cela nous a permis de découvrir que certains pays avaient des chevaux arabes, comme le Brésil, l’Uruguay, l’Afrique du Sud…  Son enthousiasme est très utile, même si elle devrait ouvrir sa conférence annuelle à de nouveaux visages. Je voudrais revenir sur une dernière chose. L’idée principale est de regarder tous les pays où il y a des chevaux arabes et de se dire : « Que pouvons-nous faire pour améliorer les choses, pour stimuler la filière locale ? » Je pense en particulier à l’Afrique du Sud, où j’ai découvert qu’il y avait beaucoup de chevaux, et à l’inverse, l’Arabie Saoudite, où deux personnes concentrent l’essentiel du peu de chevaux en organisant des courses avec des millions de dollars. Ces derniers vont sans doute investir massivement dans la race. Enfin, j’ai écrit au Jockey Club turc, en leur expliquant que si leur candidate avait terminé dernière lors de l’élection des membres du Comité exécutif, c’est surtout parce qu’on ne la connaissait pas. La Turquie est le pays qui organise le plus de courses de chevaux arabes au monde mais elles sont fermées à la concurrence internationale, tout comme l’accès à leurs étalons. Tant que la Turquie sera fermée, elle sera dernière sur la liste… Il leur faut organiser plus de courses pour l’international, aider leurs meilleurs chevaux à courir à l’étranger, nous autoriser à acheter la semence de leurs étalons et laisser les éleveurs turcs acheter ce qu’ils veulent.