QATAR PRIX DE L’ARC DE TRIOMPHE - J-3 - Les grands voyages de Katsuhiko Sumii

International / 02.10.2019

QATAR PRIX DE L’ARC DE TRIOMPHE - J-3 - Les grands voyages de Katsuhiko Sumii

Il n’est pas grand mais, assis bien droit sur sa chaise, il en impose. La voix est posée, quasiment un murmure, mais elle est assurée. Katsuhiko Sumii, l’entraîneur de Kiseki, est l’une des légendes des courses du Japon. La première victoire d’un cheval japonais dans un Gr1 aux États-Unis ? C’est lui. La première victoire du Japon dans la Melbourne Cup ? Lui, aussi. La première victoire d’un japonais dans la Dubai World Cup ? Lui, encore… Il a répondu à nos questions.

Par Anne-Louise Échevin

Jour de Galop. – Vous avez déjà eu un partant dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) avec Victoire Pisa (Neo Universe), qui s’est enlisé dans le terrain très souple. Que vous a appris cette première expérience ?

Katsuhiko Sumii. – Quand je suis venu en France pour la première fois, avec Victoire Pisa, j’étais en quelque sorte supervisé : je demandais beaucoup de conseils aux spécialistes, à ceux qui étaient sur place à Chantilly. Mais depuis trois ans, je vis beaucoup en France : je passe trois mois par an ici. La vie y est très agréable et la nourriture très bonne ! J’ai l’impression d’être de plus en plus autonome pour entraîner un cheval ici. J’aime les courses françaises : je trouve qu’on y respecte le cheval, que les chevaux passent en priorité. Je trouve cela très beau.

Pour la première fois, il y a deux chevaux japonais qui préparent l’Arc depuis Newmarket, leurs entourages estimant notamment que Warren Hill pourrait être un plus. Vous avez fait le choix de rester à Chantilly. Pensez-vous que les concurrents japonais sont beaucoup pénalisés pour l’Arc par le fait de changer de lieu d’entraînement et, par contrecoup, de façon de travailler ?

Pour des questions de réglementation douanière, de quarantaine et la réglementation de la Japan Racing Association, les chevaux japonais n’ont droit qu’à deux mois de préparation sur place. Il faut ajouter que le cheval part d’une région du Japon qui est assez humide et chaude au moment du départ et il se retrouve, en Europe, dans un climat totalement différent. En plus de cela, comme vous l’avez dit, la façon de travailler devient différente et c’est donc assez difficile pour le cheval.

Ne faudrait-il donc pas retenter ce qui avait été fait avec El Condor Pasa, en restant toute une année en Europe avec le Prix de l’Arc de Triomphe en vue ?

Effectivement… Nous l’avons vu avec Deirdre (Harbinger) cette année : elle s’entraîne en Angleterre et elle a eu de bons résultats dans les Grs1 outre-Manche. S’il était possible de rester autour de six mois en Europe, ce serait l’idéal, je pense.

Courir l’Arc, un honneur

Lorsqu’il lui est demandé ce que le Prix de l’Arc de Triomphe représente pour lui, Katsuhiko Sumii répond : « C’est avant tout un grand honneur pour moi que de participer au Prix de l’Arc de Triomphe. Quand on est en France, on ressent toute l’histoire de cette course, tout son relief. C’est une grande joie de relever le défi dans cette épreuve : c’est la plus grande course du monde et elle désigne le meilleur cheval du monde. Il faudra battre Enable qui, peut-être, entrera dans l’histoire avec un troisième succès dans l’épreuve. »

Vous avez été un pionnier pour les courses japonaises à l’international, de l’Australie aux États-Unis, en passant par Dubaï. Pourquoi un tel attrait pour les courses internationales ?

Le Japon est une île… Nous y avons construit nos propres courses, elles ont leur identité. Ce que j’apprécie, en allant à l’étranger, c’est le fait d’apprendre. Chaque pays a sa propre culture hippique. Les courses ont, dans chaque pays, évolué de manière différente. J’aime découvrir tout cela, connaître toutes ces différences. J’apprends tous les jours et ce que j’ai appris à l’étranger, dans un pays en particulier, je peux tenter de l’adapter pour que cela me soit utile dans un autre pays. C’est un grand défi que je veux relever : connaître les cultures hippiques du monde.

Espérer une bonne course de Kiseki

Katsuhiko Sumii n’a pas été très loquace sur son pensionnaire Kiseki et ses chances dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe. L’entraîneur a commenté : « Le cheval est en bonne forme, il est souple, se déplace bien. J’espère qu’il fera une bonne course. J’ignore si le terrain souple va l’aider ou non : il a gagné le St Leger en terrain très lourd au Japon, mais il a réalisé une grande performance dans la Japan Cup l’an dernier, sur une piste rapide. Dans l’idéal, j’aimerais qu’il puisse se placer dans le sillage de l’un de ses adversaires : je sais qu'en Europe particulièrement, vous êtes une cible dès lors que vous êtes en tête de la course. Mieux vaut éviter cela. Si un cheval veut mener, comme Ghaiyyath éventuellement, nous serions heureux de prendre son sillage. »

Votre première grande victoire à l’étranger remonte à 2005, quand la championne Cesario (Special Week) a remporté les American Oaks (Gr1). Outre l’aspect historique de cette victoire, Cesario est devenue la mère des vainqueurs de Gr1 Epiphaneia (Japan Cup, St Leger), Leontes (Futurity Stakes) et Saturnalia (Hopeful Stakes, 2.000 Guinées), que vous avez ou aviez eu sous votre responsabilité. Peut-on dire de Cesario qu’elle est le cheval de votre vie ?

Cesario a été en effet une jument de très grande importance pour notre écurie, en course comme avec ses descendants. Oui, je l’aime beaucoup ! J’espère que Saturnalia sera capable de briller cet automne.

Et de venir courir l’Arc l’an prochain ?

(Rires) Ce n’est pas mon cheval et je ne suis pas le seul à décider ! C’est celui de l’écurie de groupe U. Carrot Farm. Il a beaucoup de valeur et a aussi une carrière d’étalon en vue. Je dirais simplement que cela est possible…

Outre vos voyages à l’étranger, vous aviez relevé un autre défi en courant une femelle dans le Derby japonais plutôt que dans les Oaks. Il s’agissait de Vodka et elle s’était imposée. Pourquoi avoir fait cela ?

En réalité, le fait que Vodka ait été une femelle était simplement un hasard. Elle appartenait à Yuzo Tanimizu, lequel était aussi son éleveur. Il rêvait de remporter le Derby japonais et l’idée était aussi de respecter son rêve en tentant de relever ce challenge. Il avait eu deux partants dans le Derby l’année précédente. Quelque part, courir Vodka dans le Derby devenait donc une évidence.

Vous vous êtes investi dans la reconversion et l’après-carrière des chevaux de course au Japon. Pourquoi est-ce important pour vous et est-ce un sujet important au Japon ?

Je pense que ce thème ne touche pas que le Japon. C’est un thème qui est mondial. J’essaye d’être actif sur ce sujet-là : il ne faut pas prendre trop de retard par rapport au reste du monde. Et c’est un sujet très important, simplement.

Les grandes victoires à l’étranger de Katsuhiko Sumii

Année Cheval Course Particularité
2005 Cesario American Oaks 1er gagnant de Gr1 aux USA entraîné au Japon
2005 Hat Trick Hong Kong Mile -
2006 Delta Blues Melbourne Cup 1re victoire japonaise dans l’épreuve. L’entraîneur signe le jumelé gagnant avec Pop Rock
2011 Victoire Pisa Dubai World Cup 1re victoire japonaise dans l’épreuve. « J’ai senti tout le pays derrière moi », a dit l’entraîneur : le Japon avait subi le tsunami meurtrier quelques semaines auparavant.
2012 Rulership Queen Elizabeth II Cup -