
Élevage / 20.12.2019
Biphosphonates - Vers une harmonisation européenne
Par Adeline Gombaud
Les Anglais ont tiré les premiers. Depuis le 10 août 2017, une règle a fait son apparition dans le code des courses anglais. Elle stipule qu’aucun cheval ne doit avoir reçu d’administration de biphosphonates avant l’âge de 3ans et demi, et trente jours avant une course. Tout cheval ayant été traité aux biphosphonates avant l’âge de 3ans et demi est interdit de courir en Grande-Bretagne. Un règlement anglais, mais comment se positionnent les autres pays européens ?
Le docteur Paul-Marie Gadot explique : « Depuis deux ans, nous travaillons à l’échelle européenne sur le dossier des biphosphonates concernant la régularité des courses. Cette molécule ayant un effet antalgique qui peut durer deux semaines, elle peut interférer sur les performances des chevaux. Nous avons donc défini ensemble un délai d’attente, qui est de trente jours avant la course, et un dépistage par le sang de la substance. C’est, jusqu’à présent, ce qui s’appliquait en Europe et donc en France. »
Outre l’aspect « régularité des courses », un autre sujet a émergé concernant les biphosphonates et les dangers potentiels de leur utilisation sur un animal jeune. De nombreuses études ont en effet montré que les biphosphonates pouvaient entraîner des fragilités osseuses quand ils sont administrés à un animal en croissance, avec le risque de fractures graves. C’est pour éviter ce risque médical que les Anglais ont interdit leur utilisation avant l’âge de 3ans et demi.
Mais on comprend aisément que, sans uniformisation européenne, cette règle devient un vrai casse-tête. Ainsi, un cheval lambda, entraîné en France mais venant courir sur le sol anglais, non seulement peut être distancé de sa performance s’il s’avère qu’il a été traité aux biphosphonates avant l’âge de 3ans et demi et banni de course en Grande-Bretagne, mais il se peut aussi que la BHA demande l’extension de cette sanction aux autres pays… Ainsi, le cheval lambda deviendrait « inutilisable » dans les courses françaises… alors même que son entourage n’a pas violé le code des courses français. Cela pose aussi un problème au niveau des transactions, qu’elles soient à l’amiable ou en vente publique. Si le cheval est destiné à courir en Grande-Bretagne, l’acheteur doit avoir l’assurance que le cheval n’a pas été traité aux biphosphonates avant l’âge de 3ans et demi. Un casse-tête, on vous dit !
Paul-Marie Gadot poursuit : « La position des Anglais était assez radicale, et une harmonisation à l’échelle européenne devenait indispensable. Logiquement, les Anglais ont informé leurs vétérinaires, éleveurs, entraîneurs… mais l’information n’a pas été suffisamment diffusée dans le reste du monde. Depuis plusieurs mois, nous travaillons pour trouver une règle commune au niveau européen. Nous sommes tombés d’accord sur le principe suivant : pas d’utilisation sur les chevaux de moins de 4ans, tout en gardant la règle des trente jours de délai avant une course pour les chevaux de 4ans et plus. Les sanctions ont été évoquées au niveau européen, mais elles restent à l’appréciation des juridictions disciplinaires en fonction de la nature de chaque cas particulier. Cet âge critique de 4ans est plus cohérent que les 3ans et demi instaurés par les Anglais, qui auraient été ingérables au niveau des laboratoires d’analyse, particulièrement dans le cas où l’on se basait sur la date de naissance réelle du cheval. L’âge de 4ans est d’ailleurs conforme avec les indications thérapeutiques indiquées par l’AMM sur les deux produits disponibles sur le marché, le Tiludronate, qui s’adresse aux chevaux de plus de 3ans, et le Clodronate, pour les chevaux de plus de 4ans. Il faut aussi préciser qu’il n’y aura pas d’effet rétroactif, l’interdiction d’utilisation sur les chevaux de moins de 4ans s’appliquant à partir de la parution au Bulletin officiel. Les Anglais se sont alignés sur cette nouvelle règle tout en conservant la date d’application de 2017. En France, cette règle fera l’objet d’une modification du code. Elle a déjà été approuvée par la commission du code et le conseil d’administration. Elle doit être maintenant votée par le Comité avant d’être proposée au ministère de l’Agriculture. Elle sera donc vraisemblablement mise en place début 2020, sachant que nous nous donnerons un temps d’information suffisant avant qu’elle ne devienne effective. Nous avons tenu au courant les vétérinaires, par le biais de l’AVEF, les éleveurs, par le biais de la Fédération des éleveurs, ainsi que les vétérinaires référents de l’Association des entraîneurs de l’avancée des discussions. Mais la communication massive et officielle ne pourra avoir lieu qu’une fois que cette règle sera inscrite dans le code des courses. Le Comité a par exemple le droit de demander des changements. »
Les agences de ventes s’adaptent
Les agences de ventes sont particulièrement concernées par ce sujet, étant donné le nombre de chevaux qui y sont achetés avec comme destination finale l’Angleterre.
Éric Hoyeau, PDG d’Arqana, nous a expliqué : « Nous avons fait beaucoup de pédagogie auprès de nos vendeurs dès l’été dernier et nous avons modifié nos conditions de vente, pour protéger les acheteurs et éviter le french bashing ! Les vendeurs ont la possibilité de déclarer que le cheval a été traité aux biphosphonates. L’information est alors énoncée lors du passage en vente du cheval, et l’acheteur signe le bon en connaissance de cause. Sans déclaration volontaire, l’acheteur a la possibilité de demander une analyse sitôt le marteau tombé. Si l’analyse, et l’éventuelle contre-expertise demandée par le vendeur, se révèlent positives aux biphosphonates, la vente pourra être résolue de plein droit. C’est aussi le cas pour les AINS et les anabolisants, tests que nous pratiquions auparavant pour les breeze up mais que nous avons étendus cette année aux yearlings. Nous ferons évoluer nos conditions de vente en 2020 pour nous aligner sur le code des courses. S’il est entendu que les biphosphonates sont interdits avant l’âge de 4ans, le processus déclaratif du vendeur ne sera évidemment plus permis. »
Chez Osarus, les mêmes aménagements devraient avoir lieu dès la première vente de l’année 2020. Emmanuel Viaud nous a dit : « À la fois pour la protection des acheteurs, mais aussi pour le bien-être animal, nos conditions de vente incluront dès la breeze up 2020 cette possibilité d’annuler la vente s’il est avéré que le cheval a reçu un traitement aux biphosphonates avant l’âge autorisé. »
Qu’est-ce que les biphosphonates ?
Les biphosphonates sont des molécules dont la principale propriété pharmacologique est d’inhiber la résorption osseuse (processus de destruction de l’os). C’est pour cette raison qu’ils sont préconisés pour soigner les éparvins ou la maladie naviculaire, qui entraînent des lésions ostéolytiques. Les deux médicaments utilisés en France sont le Tildren (acide tiludronique) et l’Osphos (acide clodronique).
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