La Pegasus World Cup, des dollars en moins, du bien-être en plus

International / 16.12.2019

La Pegasus World Cup, des dollars en moins, du bien-être en plus

Par Anne-Louise Échevin

Lorsque la Pegasus World Cup (Gr1) a été lancée en 2017, elle l’a été sous l’étiquette "la course la plus richement dotée du monde" : 12 millions de dollars d’allocation, surpassant les 10 millions de la Dubai World Cup (allocation remontée ensuite à 12 millions en 2018). En 2018, la Pegasus World Cup proposait 16 millions de dollars. En 2019, avec l’ajout de la Pegasus World Cup Turf, l’allocation de la Pegasus World Cup est passée à 9 millions de dollars, 7 millions étant dirigés vers l’équivalent sur le gazon.

Nous sommes en 2020… Et le groupe Stronach a annoncé l’allocation de ces deux courses : 3 millions de dollars pour la Pegasus World Cup, un million de dollars pour la Pegasus World Cup Turf. Entre sa création en 2017 et l’année 2020, la Pegasus World Cup perd donc 75 % de son allocation.

La fin de l’achat de slot. La Pegasus World Cup version 2017 et la Pegasus World Cup version 2020 (qui se courra le 20 janvier prochain à Gulfstream Park) n’ont plus grand-chose en commun. La "méga-course" imaginée par Franck Stronach était financée, à son origine, par l’achat de slots, entendez de places au départ, donc par un système de poule. En 2017 : douze millions de dollars, douze places au départ et chacune d’une valeur d’un million de dollars. C’est le modèle qui a depuis été transposé à l’Everest, en Australie, et nul doute que les Australiens vont suivre avec intérêt cette évolution de la Pegasus. Parce que le système a montré ses limites : à un million de dollars ou même à 500.000 $, la place est chère pour ceux qui, a priori, se présentent avec une chance d’outsiders.

En 2020, fini l’achat de places ! L’allocation n’étant plus financée via ce système de poule, le groupe Stronach pouvait difficilement maintenir une Pegasus World Cup à neuf millions et une Pegasus World Cup Turf à sept millions. Le groupe va donc prendre à son compte les allocations et redistribuer, en tout, quatre millions de dollars pour les deux courses. Trois millions de dollars pour la Pegasus World Cup : c’est toujours un montant impressionnant, mais avec une Dubai World Cup à 12 millions et une Saudi Cup à 20 millions, ce n’est plus vraiment une "méga-course". Quant à la Breeders’ Cup Classic, elle propose 6 millions de dollars.

La guerre du dollar. L’arrivée de la Saudi Cup, et de ses 20 millions de dollars, va peut-être changer le début de saison 2020. L’une des attractions de la Pegasus World Cup était Maximum Security (New Year’s Day), gagnant platonique du Kentucky Derby avant d’être rétrogradé à la 17e place. Il a depuis confirmé qu’il était le meilleur 3ans américain – dans une génération assez pauvre – en remportant notamment le Cigar Mile (Gr1). Maximum Security visait la Pegasus World Cup… Avant cette nouvelle allocation car les plans sont désormais en suspens, si l’on en croit ce qu’a dit le propriétaire Gary West à Blood Horse : « Avoir réduit l’allocation à 3 millions de dollars change tout. Je ne pensais pas à la Saudi Cup, mais pourquoi devrais-je courir pour trois millions de dollars quand j’ai vingt millions à disposition quatre semaines plus tard ? C’est un changement important et je ne sais pas ce que nous allons faire. Il y a maintenant plus de 50 % de chance pour que nous allions sur la Saudi Cup. On n’a pas souvent un cheval comme Maximum Security, et quand vous avez la chance de pouvoir être dans les favoris de la course la plus richement dotée du monde, il faut y réfléchir. »

Il y a valeur et valeur : valeur qui rime avec le prestige, et valeur qui rime avec dollars. Le problème de la Pegasus World Cup est qu’elle est certainement bien trop jeune pour séduire par le prestige, qui rime souvent avec histoire…

Adieu à la médication. Le groupe Stronach, qui gère Santa Anita, a dû faire face à un feu de critiques suite aux accidents mortels durant l’hiver sur l’hippodrome. La blessure mortelle de Mongolian Groom (Hightail) dans la Breeders’ Cup Classic, à Santa Anita, a remis de l’huile sur le feu. Le groupe Stronach, en début d’année, avait annoncé son intention d’interdire la médication et la cravache sur ses hippodromes. La réunion de la Pegasus World Cup va mettre en place une de ses mesures : adieu médication, y compris le Lasix.

D’un point de vue européen, on se réjouit de voir un Gr1 américain interdisant officiellement la médication. Aux États-Unis, c’est certainement un choc. Il faut rappeler que les entourages des chevaux étaient déjà encouragés à courir la Pegasus World Cup sans Lasix avec, en échange, une décharge. Le concept n’a séduit… personne. Sur les 36 chevaux ayant couru la Pegasus World Cup, 35 avaient eu leur dose de Lasix. Le seul à avoir couru sans Lasix était l’argentin Eragon (Offlee Wild), dernier de la première édition de la course. En 2020, le Lasix est officiellement prohibé dans la Pegasus World Cup et la Pegasus World Cup Turf. La question va donc se poser pour les Américains : quitte à courir sans Lasix, ce qui est une inconnue, vaut-il mieux tenter les 3 millions de la Pegasus, les 10 millions de la Dubai World Cup ou les 20 millions de la Saudi Cup ?

Ajoutons que les chevaux au départ de la réunion de la Pegasus seront sous haute surveillance des vétérinaires, les protocoles de tests anti-dopage seront renforcés, aucune infiltration ne pourra avoir lieu dans les quatorze jours précédant la course et aucun anti-inflammatoire (dont la "bute") ne pourra être administré dans les 48 heures précédant les courses…

Environ 80.000 $ pour la retraite des chevaux. Toujours dans une optique de bien-être, le groupe Stronach a aussi annoncé que 2 % du total des allocations des Pegasus serait reversé pour la reconversion des chevaux de course, soit environ 80.000 $. Belinda Stronach, présidente et directrice du groupe Stronach, a commenté : « Nous investissons sur le futur de notre sport en créant de nouvelles opportunités pour les socioprofessionnels et les chevaux de courir sans médication. Les Pegasus World Cup Invitational Series sont tournées vers l’innovation. Le nouveau et enthousiasmant format sans médication, allié au fait de reverser de l’argent au bien-être des chevaux, montre la volonté de notre secteur à évoluer au-delà des traditions du passé pour créer un sport plus moderne, sûr et avec un avenir. »

Reste à savoir si les professionnels américains vont trouver enthousiasmant ces courses sans médication et beaucoup moins clinquantes avec quelques millions de dollars. Car, malgré les nombreux débats aux États-Unis, la médication reste la norme et il est difficile de savoir si les Pegasus World Cup Medication Free vont vraiment recevoir le soutien des socioprofessionnels… Des socio-professionnels qui, en revanche, feraient bien de guetter et écouter les prochaines réactions du grand public sur ces annonces.

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