Le tour des haras - septembre 2020 : Thierry de La Héronnière : « Nous sommes un petit peu des architectes »

Élevage / 06.09.2020

Le tour des haras - septembre 2020 : Thierry de La Héronnière : « Nous sommes un petit peu des architectes »

Comme chaque année, les journalistes de JDG visitent les haras qui présenteront des yearlings en septembre chez Arqana. Thierry de La Héronnière nous a ouvert les portes du haras d’Ellon !

Par Anne-Louise Échevin

Deux partants dans les classiques en 2020. Dire que l’année 2020 est bizarre est un euphémisme. Mais l’adjectif peut s’appliquer à l’année du haras d’Ellon. Tout avait bien commencé : San Fabrizio (Siyouni) a remporté d’une classe le Prix Pimpim (Classe 2) au mois de mai, victoire qui lui a permis d’obtenir son ticket pour le Prix de Guiche (Gr3). Il a vécu une course cauchemardesque à Chantilly, se retrouvant bloqué côté corde dans la ligne droite, bien que bourré de gaz. Shinning Ocean (Dabirsim) a quant à lui gagné sa place au départ de l’Emirates Poule d’Essai des Poulains (Gr1) en remportant le Prix d’Escoville (Classe 2) à ParisLongchamp, battant Speak of the Devil (Wootton Bassett), deuxième d’un nez ensuite dans la Poule d’Essai des Pouliches. Septième du classique, Shinning Ocean n’a pas vraiment rebondi depuis mais l’automne pourrait l’aider.

Thierry de La Héronnière a analysé : « Dans l’ensemble, cela aurait pu être une belle année mais elle s’est avérée assez bizarre. Le haras a eu deux partants dans les classiques. Nous avons eu San Fabrizio (Siyouni) qui a montré des promesses. Il a été, je crois, le gagnant moral du Prix de Guiche (Gr3), où il s’est retrouvé complétement bloqué alors qu’il avait énormément de ressources. Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé dans le Prix du Jockey Club. Depuis, il a été vendu et il est parti en Australie : j’espère qu’il va s’y plaire ! Nous avons aussi eu un poulain comme Shinning Ocean (Dabirsim) qui s’annonçait amusant en début d’année. Il a pris la septième place de la Poule d’Essai des Poulains. Je crois aussi qu’il peut bien faire à l’automne, sur des pistes plus assouplies. J’espère que la fin d’année sera sympa ! »

Vivement l’automne ! La fin d’année peut être sympa, et même le mois de septembre ! Deux jours après la fin des ventes de sélection Arqana, le haras d’Ellon aura un élève dans le Grand Prix de Paris (Gr1) : Hayzum (Anodin), auteur d’une bonne rentrée – deuxième – dans le Grand Prix de Clairefontaine (L). Elias Mikahlides, son entraîneur, a indiqué après la course : « Aujourd'hui, il était à 80 %. Il n'avait pas couru depuis deux mois, ayant eu un contretemps dans sa préparation. Le but était de lui donner une course assez facile, en vue de le préparer pour le Grand Prix de Paris (Gr1) qui se court dans quelques semaines. »

Hayzum a été coélevé par Jedburgh Stud (Alec Waugh) et le haras d’Ellon. Thierry de La Héronnière nous a dit sur ce partenariat : « Hayzum a été élevé avec Jedburgh Stud, tout comme Abama (Alhebayeb). Sauf que la pouliche a grandi chez moi et Hayzum a grandi à Jedburgh. J’ai acheté sa mère, Sheema (Teofilo), à Newmarket [Marc-Antoine Berghgracht signant le bon à 5.000 Gns, ndlr]. Le partenariat avec Jedburgh s’est fait assez naturellement, au fil du temps. Nous avons environ le même nombre de juments en partenariat chacun chez nous, nous faisons les croisements ensemble et chacun élève chez lui. C’est un partenariat qui marche bien et qui devrait être fructueux. Nous avons quelques juments sympas et elles sont jeunes. Ce n’est que le début de l’histoire. L’élevage, c’est long, c’est l’école de la patience. »

La confiance au feeling. Thierry de La Héronnière fait confiance au feeling. Abama, par exemple, est une fille d’Alhebayeb (Dark Angel). Entraînée par Yann Barberot, elle a remporté le Prix Zeddaan (L) à la fin 2019 et, pour sa rentrée en 2020, elle a pris la deuxième place du Prix Ronde de Nuit (L). Ensuite, la sécheresse et les terrains rapides n’ont pas été pour lui plaire mais l’arrivée de l’automne et de la pluie devraient lui permettre de réaliser une belle fin de saison. Pourquoi Alhebayeb ? Thierry de La Héronnière nous a expliqué : « Alhebayeb m’avait bien plu lorsque je suis allé faire ma visite annuelle en Irlande. J’ai d’ailleurs été porteur de part donc je l’ai soutenu. Nous avons donc eu Abama, laquelle est une bonne pouliche et nous avons le droit d’avoir encore des espoirs avec elle à l’automne : elle est bien sur piste assouplie… Or, nous avons eu une vraie période de sécheresse cette année. »

Des architectes. Lorsque l’on demande à Thierry de La Héronnière ce qu’il cherche chez une poulinière, la base de tout élevage, il nous répond : « Je cherche des gagnantes de Gr1, qui sont belles, avec un beau pedigree et que je puisse envoyer à de bons étalons (rires) ! Idéalement, c’est ce que je cherche mais je n’ai pas un budget illimité donc il faut réduire certains critères. Au final, c’est une équation à plusieurs inconnues… »

L’homme aime les mathématiques et les sciences… D’ailleurs, il a élevé Volta (Siyouni), gagnante du Prix de Sandringham (Gr2), troisième du Prix de Diane et deuxième du Prix Rothschild (Gr1). Volta, nommée ainsi en hommage au savant Alessandro Volta. Alors l’équation à plusieurs inconnues qu’implique l’élevage ne peut que plaire à Thierry de La Héronnière : « On trouve des juments que l’on aime bien, des physiques que l’on aime bien, des familles que l’on aime bien. J’adore la génétique, je crois beaucoup en cela. Il y a des familles comme cela, qui ressortent : et tout notre travail est de chercher et trouver l’étalon qui ira bien avec. Nous sommes un petit peu des architectes. D’ailleurs, j’ai vendu, in utero, le gagnant des Solario Stakes (Gr3) 2020, Etonian (Olympic Glory). J’avais la mère, j’ai fait le croisement : cela veut dire que ce n’est pas idiot, ce que l’on fait ! »

Trouver les nouveaux Wootton Bassett et Siyouni. Dans les onze lots présentés par le haras d’Ellon lors de la vente de sélection Arqana, on trouve trois produits de Wootton Bassett (Iffraaj), récemment parti pour l’Irlande et Coolmore. Le haras d’Ellon a fait appel à l’étalon, tout comme il a fait appel à Siyouni, d’où notamment Volta. « Wootton Bassett a été une bonne pioche. C’est un étalon que j’aimais bien, mes partenaires et clients aussi, et nous y sommes donc allés. Nous avons aussi pas mal utilisé Siyouni, avec lequel nous avons eu de la chance. Toutefois, il est certain que c'est plus difficile pour nous de les utiliser : il faut trouver la relève ! »

Deux familles de cœur. Au haras d’Ellon, il y a deux familles en particulier qui se démarquent : celle de Persian Belle (Machiavellian), laquelle a donné Calvados Blues (Lando), lauréat du Prix des Chênes et du Prix de Guiche (Grs3), Volta, qui est aussi à l’origine de Vespera (Teofilo), deuxième en 2019 du Prix Fille de l’Air (Gr3), et No Needs Never (No Nay Never), gagnant des Star Appeal Stakes (l) et deuxième des Gladness Stakes (Gr3). Thierry de La Héronnière nous a dit : « Persian Belle ne nous a apporté que du bonheur. Elle a un foal de Wootton Bassett. Ce qui est extraordinaire dans cette famille, c’est qu’elle continue de produire. Des updates, il y a en a tout le temps ! C’est formidable d’avoir une telle souche qui produit constamment, sans passage à vide. J’ai réussi à conserver de ses filles au haras, comme Ponentina (Lando) ou Vernie (Kendargent). C’est le futur. Et il y a aussi une autre famille qui me tient à cœur : celle de Porlezza (Sicyos). Là-aussi, on parle d’une famille vivante, amenée à se développer dans le futur, du moins je l’espère. San Fabrizio est issu de cette souche. » Porlezza, élevée au haras d’Ellon pour Paul Hilger, a remporté le Prix Maurice de Gheest (Gr1) et le Prix du Gros-Chêne (Gr2). Au haras, on lui doit la rapide Ponte Nuovo (Green Tune), gagnante du Prix de Cabourg (Gr3) et troisième du Prix Morny (Gr1), Ponte Vespucci (Anabaa), elle aussi avec de la vitesse, deuxième du Prix La Flèche (L). Mais c’est aussi une famille capable de produire avec de la tenue, comme avec Ponte Tresa (Sicyos), lauréate du Prix Kergorlay (Gr2). Et une famille qui s’exporte : Pornichet (Vespone), troisième de la Poule d’Essai des Poulains (Gr1), est ensuite devenu un excellent cheval en Australie, remportant la Doomben Cup (Gr1). Souhaitons à San Fabrizio de se plaire autant que lui dans son nouveau pays !

LES YEARLINGS DE LA VENTE DE SÉLECTION

Lot Père Mère
86 Wootton Bassett Ettu
116 Dabirsim Iffraja
186 Wootton Bassett Persian Belle
236 Wootton Bassett Shasta Daisy
324 Olympic Glory Cape Talks
362 Kodi Bear Fridoline
394 Adaay Leeward
412 Zarak Mazayyen
430 Territories Pam Pam
434 Territories Pin Un Girl
439 New Approach Ponte Vespucci