Tribune libre : en réponse à Gilles Barbarin

Courses / 06.10.2020

Tribune libre : en réponse à Gilles Barbarin

Par Cédric Boutin, vice-président de l’AEP, membre du Comité et du Conseil du plat de France Galop

C’est avec un grand intérêt que nous avons lu les tribunes de Jean-Claude Rouget et de Gilles Barbarin sur le manque de compétitivité des chevaux français et sur les distorsions du programme.

Néanmoins ces écrits méritent quelques remarques.

Lorsque Gilles Barbarin indique qu’un entraîneur ne devrait pas être propriétaire, ni associé, pourquoi ne pas appliquer cette règle à lui-même ? Parmi son effectif de chevaux à l’entraînement (12), 7 sont en association avec ses entraîneurs !

Ensuite, sur les distributions d’encouragements, les cinq petits tableaux (données 2019) ci-dessous sont plus parlants qu’un long discours.

Afin d’être parfaitement clair, les encouragements distribués regroupent les prix, les primes propriétaires et les primes éleveurs.

La marge brute est la différence entre ce que rapportent les enjeux et les encouragements (primes propriétaires et éleveurs incluses) distribués.

2019 Courses Moyenne partants Moyenne encouragements (K€) Marge brute (K€)
2ans      
Groupes 20 6,9 176,79 -2 693
Listeds 18 7,7 90,06 -889
C 2 79 7 49,83 -1 724
Handicaps 16 11,8 36,5 200
maiden-inédit 250 10 33,38 1 075
Réclamers 104 10 27,49 855
3ans - 3ans et plus  
Groupes 66 8,2 329,73 -15 443
Listeds 271 8,6 78,82 -1 542
Handicaps TQ+ 35 15,9 91,07 19 710
Classe 1 82 7 51,98 -1 494
Classe 2 127 7,9 37,42 -599
Handicaps 337 11,8 35,29 3 911
maiden-inédit 329 10 31,23 2 688
Classe 3 - Classe 4 21 8,9 27,22 180
Réclamers 198 10 26,71 1 725
4ans et plus  
Groupes 29 7,6 167,72 -3 317
Handicaps TQ + 97 15,9 75,15 58 752
Listeds 34 9,4 70,68 -698
Listeds  TQ+ 2 14,5 69,4 1 311
Conditions 302 9,6 28,5 2 320
Handicaps 943 13,7 25,4 23 615
Réclamers 199 10 20,33 3 223

Répartition des chevaux en fonction des valeurs (2019)

2019 Nb chvx Valeur moy. >=50 >=45 et <50 >=40 et <45 >=35 et <40 >=30 et <35 >=25 et <30 >=20 et <25 >=15 et <20
2ans 700 34,5 7 30 95 164 242 162
3ans 1899 32,1 27 111 152 293 515 527 261 13
4ans 1229 28,6 20 44 81 118 203 294 338 131
5ans et + 1799 25,5 16 28 75 119 249 365 459 488
Total 5627 29,5 70 213 403 694 1209 1348 1058 632

On constate que 88 % des chevaux ont une valeur inférieure à 40.

Répartition des gains moyens (primes incluses) en fonction des valeurs en 2019

2019 Nb chvx Gain moy. >=50 >=45 et <50 >=40 et <45 >=35 et <40 >=30 et <35 >=25 et <30 >=20 et <25 >=15 et <20
2ans 700 22 758 € 115 128 € 73 975 € 48 323 € 25 788 € 13 139 € 5 591 €
3ans 1899 27 794 € 299 296 € 77 973 € 45 574 € 35 754 € 21 938 € 10 735 € 6 217 € 4 920 €
4ans 1229 22 105 € 205 733 € 67 030 € 43 448 € 32 136 € 22 333 € 16 320 € 8 500 € 4 477 €
5ans et + 1799 18 047 € 186 860 € 57 042 € 43 241 € 31 415 € 28 142 € 17 312 € 11 410 € 4 784 €
Total 5627 22 809 € 228 447 € 72 398 € 45 360 € 32 040 € 21 521 € 13 116 € 9 199 € 4 723 €

On constate également que plus les chevaux ont une valeur élevée, plus les gains sont importants.

Au total, ces différents tableaux montrent bien que les espoirs de gains sont proportionnels non seulement aux valeurs des chevaux, mais encore aux catégories de courses. L’esprit de la sélection est donc parfaitement respecté.

Les chiffres (source France Galop) parlent d’eux-mêmes, inversement à l’exemple de Gilles Barbarin un cheval de 42 de valeur a un espoir de gain 3.5 fois plus important qu’un cheval en 27. Ne pas l’accepter relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Contrairement aux affirmations de MM. Rouget et Barbarin, les réclamers ont la plus faible moyenne d’allocation distribuée, bien loin des Classes 2 et autres courses à conditions.

En revanche, ils n’ont pas encore compris (ou feignent de ne pas comprendre) que ce sont les "mauvais" chevaux de handicap qui financent quasiment à eux seuls tout le système de sélection qui, lui, est déficitaire de 28,4 M€.

Heureusement que l’on n’applique pas à notre système un principe de base de toute économie qui est de réduire ce qui coûte et de développer ce qui rapporte. On aurait de grosses surprises !

Les brillants résultats du week-end de l’Arc ne sauraient nous empêcher de nous pencher sur les raisons du manque de compétitivité des chevaux entraînés en France sur le reste de l’année.

Rappelons tout d’abord qu’en Angleterre, plus de 60 % des courses sont des handicaps qui forgent les chevaux à être de vrais lutteurs et qui permettent à de nombreux propriétaires d’avoir un espoir de gagner une course, avec les jeunes chevaux notamment.

Le principe même de la sélection, c’est de faire se rencontrer les chevaux en course afin de déterminer qui sont les meilleurs de chaque catégorie. Malheureusement, en France, la sélection se fait le matin, au milieu des effectifs de quelques entraîneurs, qui ensuite cherchent à préparer les Grs1 sans jamais avoir rencontré d’adversaires sérieux. On fait passer des chevaux tendres pour des cracks et on tombe de haut quand on est confronté aux chevaux étrangers très endurcis.

Le récent Critérium de Vitesse en est l’exemple parfait puisque le vainqueur avait gagné deux handicaps avant de faire sienne cette belle épreuve. Il appartient à un membre de la famille Maktoum. Il y a là matière à réflexion.

Alors Messieurs, ne méprisez pas ceux grâce à qui nous pouvons encore offrir les plus belles allocations d’Europe. Bien au contraire, vous devriez participer beaucoup plus à la recette en n’ayant pas peur de courir des handicaps avec vos chevaux, peut-être franchiront-ils un cap qui leur permettra d’obtenir du black type.

Il serait plus constructif de se pencher sur la construction du programme sans idéologie préalable et en considérant qu’un cheval qui court est utile à l’institution. C’est une "victoire" en soi, quand on sait qu’un grand nombre de poulains ne voient jamais un champ de courses.

Nous vous rappelons une fois de plus que notre discours a toujours été de protéger notre programme de sélection que le monde entier nous envie en en assurant un financement pérenne.

[L'intégralité des tableaux et figures se trouve dans la version électronique pdf de JDG.]