
Courses / 05.05.2021
Le propriétaire de la semaine : Grégory Vayre, pile et face
Grégory Vayre vient de vivre l’ascenseur émotionnel propre aux courses d’obstacle. Mardi dernier, sa pouliche Illicite se blessait gravement. Deux jours après, Gold Tweet lui offrait son premier Groupe ! Ce jeune trentenaire illustre parfaitement la nouvelle vague de propriétaires français : résolument optimiste et ambitieux !
Par Salomé Lellouche
Jour de Galop. – Si on vous dit que les courses sont un sport d’avenir, que répondez-vous ?
Grégory Vayre. – Je réponds qu’elles ont même un bel avenir ! Je pense que sommes à un tournant assez compliqué, notamment avec le bien-être animal. Mais heureusement, de ce côté-là, le tri est en train d’être fait et c’est tant mieux pour notre sport ! Certaines personnes voient notre monde d’un mauvais œil. Il faut réussir à leur faire changer d’avis via de belles histoires, comme celle d’Illicite. J’ai été étonné qu’elle soit suivie par les parieurs et je les remercie pour cela. Je reçois beaucoup de messages avant et après ses courses. Les parieurs s’attachent aux chevaux et prennent le même plaisir que nous, propriétaires. J’espère que toutes ces personnes vont pouvoir en amener d’autres à voir les courses de la même manière.
Que pensez-vous de la collaboration entre le PMU et Antoine Griezmann ?
C’est magnifique. Nous voyons de plus en plus de sportifs de haut niveau arriver dans notre monde. Antoine Griezmann, mais aussi Tony Parker, Javier Pastore... Quand les hippodromes vont rouvrir et qu’Antoine Griezmann va venir, il risque d’y avoir foule ! C’est une très bonne vitrine. Antoine Griezmann est un grand passionné de course et amoureux de chevaux. D’ailleurs, il le montre bien sur ses réseaux sociaux. C’est une décision intelligente du PMU d’avoir pris une personne comme lui comme ambassadeur.
Quel est votre point de vue sur l’évolution du programme des courses ?
Le programme est plutôt bon. Je siège au conseil du plat de France Galop, donc je regarde cela de près. Nous voyons beaucoup d’étrangers venir en France. C’est plutôt bon signe. Bien sûr, il y a des améliorations à faire sur certains points comme les maidens. Mais une très bonne équipe est en train de travailler dessus à France Galop. Le programme soutient énormément les éleveurs : c’est très positif. Dans les années à venir, j’espère que nous aurons une bonne réputation par rapport à cela.
Comment êtes-vous devenu propriétaire de chevaux de course ? Et d’où vient cette passion pour les courses ?
Je suis devenu propriétaire après un long parcours dans l’élevage. J’ai été responsable du haras des Senora pendant plusieurs années. Ensuite, j’ai rejoint ma terre natale : le Sud-Ouest. J’y ai travaillé pour la famille Watrigant, au haras de Mandore. Là-bas, j’ai beaucoup appris et je me suis pris de passion pour les chevaux de course. Aujourd’hui, avec ma femme, nous avons des restaurants. Et lorsque nous avons décidé de nous marier, je l’ai rejointe à Bordeaux. À ce moment-là, je lui ai dit qu’il fallait qu’on prenne nos couleurs, franchir le pas, devenir propriétaire de chevaux et se faire plaisir.
Quels liens existent-ils entre les courses et les sports équestres, dans lesquels vous êtes aussi très impliqué ?
Nous sommes installés au haras de la Bécassière, juste à côté de l’hippodrome de La Teste-de-Buch, où nous avons nos chevaux de sport. Depuis des années, avec ma femme, nous faisons beaucoup de concours. Les sports équestres et les courses sont deux milieux qui se rejoignent beaucoup au niveau du dressage. Il y a beaucoup de choses à prendre, chez l’un et chez l’autre. Nous travaillons aussi en prenant des chevaux au repos qu’il faut remettre en condition. Ce sont vraiment deux méthodes qui se ressemblent et c’est une force, cela amène une autre vision des choses. Nous voyons de plus en plus de préentraîneurs et débourreurs qui arrivent du milieu du sport, et souvent du concours complet. Je pense notamment à Matthieu Nadot et d’autres.
Comment est né AGV Karwin Stud ?
AGV Karwin Stud est né à la suite de mon passage dans les élevages. Comme nous faisions déjà un peu de commerce au niveau des chevaux de sport avec ma femme, nous avons décidé de créer notre société. Maintenant nous faisons du commerce dans les chevaux de concours hippique et dans les courses. AGV, ce sont les initiales du prénom de ma femme, du mien et de notre nom de famille. Karwin Stud est l’élevage de mes parents. Pendant douze ans, nous avons fait de l’élevage de poney et de chevaux de sport. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai commencé dans ce domaine. L’élevage s’appelait Karwin. Nous avons donc récupéré l’affixe.
Avec qui travaillez-vous et comment fonctionnez-vous ?
Nous avons une majorité de chevaux d’obstacle car nous adorons cela. Nous apprécions aussi le plat, mais le plus important, c'est de travailler avec des gens que nous aimons. Nous avons envie d’investir et de prendre du plaisir avec nos amis, et aussi de rencontrer des gens. C’est pour cela que nous avons beaucoup de chevaux en association. Nous voulons aller voir les chevaux à l’entraînement, aller aux courses, parler de chevaux et dîner entre copains. C’est notre priorité. Nous travaillons aussi avec des entraîneurs de plat et d’obstacle qui ont le même état d’esprit que nous. Et nous ne sommes pas du tout fermés à l’idée de rencontrer d’autres entraîneurs. Je pense qu’aujourd’hui, si nous voulons faire aimer les courses aux gens, il faut rester dans cette idée d’amitié et de plaisir.
Vous êtes donc un grand passionné d’obstacle…
Oui ! Si je pouvais n’avoir que des chevaux d’obstacle, je le ferais ! Mais je pense quand même qu’il faut être ouvert aux deux disciplines. Il y a des chevaux de plat qu’on peut dresser sur les obstacles s’ils sont un peu limités. Je travaille avec des éleveurs comme Jacques Cyprès, qui est un vrai passionné. Rencontrer ce genre de personnes ne peut faire qu’aimer l’obstacle. Cette passion pour l’obstacle vient aussi du concours hippique. Ce n’est pas que je ne prends pas de plaisir avec mes chevaux de plat, mais ce n’est pas la même émotion. Les chevaux d’obstacle sont vraiment incroyables. Même s’il y a des risques, c’est un grand plaisir de les voir courir.
Vous êtes souvent associés dans la propriété de vos chevaux. Est-ce l'avenir du propriétariat ?
C’est une évidence pour moi. Aujourd’hui, nous ne sommes pas forcément capables d’aller sur des chevaux à un certain prix, donc forcément, c’est une force d’être plusieurs investisseurs, comme Didier Krainc et son écurie de groupe par exemple. Nous avons beaucoup travaillé les deux premières années avec Nicolas de Watrigant et son agence, Mandore International Agency. Il nous a acheté beaucoup de chevaux parce que nous n’avions pas le temps de nous en occuper et parce qu’au début, nous ne connaissions pas grand-chose. Nicolas nous a justement fait rencontrer Didier Krainc lorsque nous avons acheté Kraquante. Depuis, nous l’avons vendue en Australie. Il a aussi créé la même chose dans le concours hippique, l’écurie Vivaldi Jumping. Aujourd’hui, à notre niveau, personne n’est capable de rivaliser avec les grandes maisons. Mais à plusieurs, on peut aller chercher la qualité au-dessus.
Mardi dernier, votre pouliche Illicite s’est blessée sévèrement à Bordeaux. Comment va-t-elle ?
Illicite a rejoint nos écuries à La Teste. Elle est restée une semaine chez mon vétérinaire. Nous avons attendu trois jours pour éviter toute infection articulaire. C’est vrai que les sutures sont très mal placées car elles sont au niveau du grasset et ce n’est pas évident car les points ne tiennent pas. La jument est sauvée pour l’instant mais nous ne savons pas si elle va pouvoir retrouver le chemin des hippodromes. Elle garde le moral mais ce n’est pas facile de faire du box et d’être enfermée. Nous en saurons plus dans quelques semaines.
Vous pouvez nous raconter le déroulé de cette journée ?
Tout le monde connaît Illicite : elle est assez fougueuse et stressée. En piste, elle est partie devant comme d’habitude. Après le premier obstacle, il y a eu une défaillance de l’écran géant, donc dans les tribunes, nous n’avons pas vu grand-chose. Elle a sauté le troisième obstacle de très loin et elle est retombée sur le fence avec ses postérieurs. Avec le choc, elle a cassé la structure métallique de l’obstacle. Le métal est remonté et lui a tranché les deux postérieurs. La jument a continué son parcours. Elle est passée devant les tribunes une première fois et là, nous nous sommes rendu compte que les postérieurs n’étaient pas de la bonne couleur. Elle a quand même terminé deuxième... Après la course, elle est tout de suite partie chez mon vétérinaire. Je suis forcément en colère contre l’hippodrome de Bordeaux mais cela aurait pu être sur n’importe quel hippodrome. La structure n’était pas protégée par du caoutchouc et du plastique. Une enquête est en cours et la procédure déterminera le problème. Mais cela ne doit pas arriver. Il faut impérativement remplacer tous les obstacles où il y a un doute sur les structures pour protéger les chevaux et les jockeys. Nous avons contacté France Galop, qui va s’assurer que les obstacles soient assez sécurisés.
Il est prévu que vous gardiez Illicite pour l’élevage. Comptez-vous développer cette activité ?
Oui nous avons prévu de la garder à l’élevage. En ce moment, nous sommes en train de vendre nos restaurants, car l’activité est compliquée actuellement. Nous allons reprendre notre métier qui, à la base, est l’élevage. Nous sommes en train d’essayer d’acheter une propriété dans le Sud-Ouest et nous avons déjà quelques poulinières dans différents haras. L’idée est de récupérer Illicite comme poulinière et d’augmenter le nombre de nos poulinières. Nous sommes d’ailleurs en cours d'association sur des juments.
Deux jours après l’accident d’Illicite, vous avez eu la joie de gagner votre premier Gr3 dans le Prix Hopper avec Gold Tweet. Comment avez-vous vécu cette victoire ?
J’étais en pleurs ! Je suis assez ému à chaque fois que je gagne car n’importe quelle victoire est belle. Remporter son premier Groupe avec un entraîneur avec lequel je travaille depuis le début, Gabriel Leenders, c’est extraordinaire. Lui, il était dans son tracteur en train de s’occuper de ses pistes et nous étions comme des gamins. Nous avions déjà gagné une Listed en plat et en obstacle mais un Groupe, ce n’est pas rien. Nous avons toujours estimé Gold Tweet bien qu’il se soit montré très compliqué au départ. Il a d’ailleurs gagné en étant très fougueux et presque ingérable. Gabriel Leenders a travaillé le matin avec un bonnet et différent mors pour essayer de le canaliser. Nous sommes allés à Paris avec lui : il a terminé huitième du Prix Aguado (Gr3), mais il a très bien couru car il est resté derrière tout le temps en ayant un bon comportement. Ce travail a payé pour la suite. Il a quand même cinq victoires sur neuf sorties.
Quels sont vos objectifs avec Gold Tweet ?
Si tout va bien, il sera dans quinze jours au départ du Prix Ferdinand Dufaure. Je suis très content pour tous les associés du cheval car c’est une belle bande de copains. C’était un peu l’objectif de son entraîneur. Nous pensions que Compiègne allait mieux lui convenir pour continuer à le faire évoluer. Le cheval s’adapte tellement bien à tous les hippodromes que nous ne nous en faisons pas du tout par rapport à ça. Il sera beaucoup plus attentif en arrivant sur Auteuil et l’objectif est aussi de se faire plaisir et de pouvoir boire un coup après !
Qu'est-ce qui vous a poussé à acheter Gold Tweet ?
Nous avons acheté Gold Tweet à la breeze up d’Osarus il y a deux ans. À cette époque, nous étions vraiment dans l’optique d’acheter des chevaux de course. Gold Tweet était assez efféminé mais il avait très bien breezé. Il était droit, et dans une attitude très professionnelle. Il était bien présenté par l'écurie de la Fresnée. Je me suis dit que ce serait un bon cheval de course mais sans plus. J’en ai parlé avec Sébastien Desmontils car il avait son propre frère. Il n’y avait pas de chevaux qui sortaient du lot dans sa famille, mais il m'a dit qu’il aimait beaucoup son cheval. De plus, nous avons payé très peu cher pour la qualité finale de Gold Tweet.
Comment avez-vous décidé de faire le concours sur Twitter pour nommer le poulain ?
Avec Gabriel Leenders, nous en avions discuté mais nous avions du mal à nous décider. Nous avons donc décidé de laisser les gens choisir sur Twitter en demandant à Charly Milpied de faire la proposition. Beaucoup de personnes ont joué le jeu. Le premier nom qui a été validé a été refusé par France Galop. C’est le deuxième qui a été retenu : Gold Tweet. Tweet pour Twitter et Gold par rapport au nom de sa mère : Goldance.
Mardi, vous avez acheté trois chevaux à la breeze up Osarus. Où préférez-vous acheter vos chevaux ?
Je n’ai pas de préférence. C’est vraiment au coup de cœur et à l’occasion. Je vais à toutes les ventes et je regarde les chevaux. J’ai des gens qui m'appellent pour me demander d’acheter pour eux et nous essayons toujours de garder un bout dans les chevaux. Cependant, nous n’aimons pas acheter des surpréparés. C’est d’ailleurs pour cela que nous travaillons beaucoup avec Yann Creff. C’est quelqu’un qui respecte beaucoup ses chevaux. Ils ont d’ailleurs une marge de progression énorme. Hier, Damien de Watrigant est venu me voir. Il m’a dit qu’il avait des clients qui cherchaient à s’associer. Nous avons donc acheté deux pouliches. J’ai aussi acheté un petit cheval que j’aime beaucoup, qui est très sympa et qui avait très peu de travail. Il a breezé gentiment, toujours chez Yann Creff. Il ira chez Gabriel Leenders. Nous allons essayer de faire la même association que Gold Tweet.
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