Un Fanfaron très Spécial

Élevage / 09.05.2021

Un Fanfaron très Spécial

Le 25 avril dernier, Fanfaron Spécial (Gentlewave) est devenu le troisième cheval de l’histoire à réaliser le doublé Prix Lutteur III & Prix du Président de la République, après Rambranlt (Reasonable Choice) et Kelthomas (Keltos). Cet AQPS a été élevé dans le Maine-et-Loire par Georges et Lucette Oré-Nouteau, en association avec Annick et Benoît Chevalier. 

Par Alice Baudrelle

Jour de Galop. – Douze ans après la victoire d’Objectif Spécial dans le Prix du Président de la République, vous remportez de nouveau cette course avec son neveu, Fanfaron Spécial. Que cela vous inspire-t-il ?

Lucette Oré-Nouteau. – C’est formidable pour nous, petits éleveurs, d’avoir fait naître deux gagnants de Président issus de la même famille ! D’autant que Fanfaron Spécial l’a fait avec la manière. C’est un excellent sauteur, comme Objectif Spécial (Ungaro), qui était entraîné par Guy Cherel. Ce dernier avait d’ailleurs dit à l’époque qu’Objectif Spécial était le meilleur sauteur de son écurie. Objectif Spécial nous a apporté d’autres joies à bon niveau, terminant deuxième du Prix Robert de Clermont-Tonnerre (Gr3) et troisième du Prix Murat (Gr2), entre autres. Il a même pris part deux fois consécutivement au Grand Steeple-chase de Paris (Gr1), se classant septième puis sixième.

Comment avez-vous introduit cette souche dans votre élevage ?

Mon mari avait acheté la troisième mère de Fanfaron Spécial, Kaidora (Faldor), lorsqu’elle était yearling, aux ventes de Deauville. C’était une jument issue de l’élevage Couétil. Notre fille, qui était étudiante à Rouen à l’époque, est venue retrouver son père le jour des ventes. Il voulait acheter une autre jument, mais notre fille était emballée par Kaidora, donc son choix s’est finalement porté sur elle ! Kaidora était très sauvage, et nous avons mis beaucoup de temps à la domestiquer. Après un début de carrière un peu compliqué, elle a fini par gagner neuf courses en cross, sous l’entraînement de Marc de Montfort. Au haras, Kaidora nous a notamment donné Édition Spéciale (Useful), la deuxième mère de Fanfaron Spécial, mais aussi Friandise II (Mistigri)… laquelle est devenue la deuxième mère d’Élixir de Nutz (Al Namix), vainqueur de Gr1 sur les claies anglaises !

D’où vous est venue l’idée de croiser la mère de Fanfaron Spécial, Ultra Spéciale, avec Gentlewave ?

Ultra Spéciale (Robin des Prés) était à l’entraînement à Pau chez Loïc Manceau. Elle a pris un peu d’argent en province, sans faire une brillante carrière, et Loïc Manceau nous a conseillé de la reprendre à l’élevage. À l’époque, Gentlewave (Monsun) faisait la monte à Pau. La famille d’Ultra Spéciale avait bien croisé avec le sang de Königsstuhl (Dschingis Khan) ; Gentlewave étant un petit-fils de Königsstuhl, nous avons décidé de faire saillir la jument sur place avant de la ramener à la maison. Son premier produit est donc Fanfaron Spécial ! Nous l’avons vendu à Guy Cherel, qui achetait la plupart de nos poulains. Mais en fin d’année 2018, Guy Cherel a eu les ennuis que l’on sait et il a dû se séparer de plusieurs éléments. Il a donc inscrit Fanfaron Spécial à la vente d’automne Arqana. Nous étions inquiets car nous avions peur que le cheval parte à l’étranger, mais il a heureusement été acheté 62.000 € par Guy Petit pour le compte de l’écurie du haras d’Érable, qui l’a placé à l’entraînement chez Patrice Quinton. Quelque temps après, il a été question de le vendre en Angleterre, mais le cheval n’a pas donné entière satisfaction à l’examen vétérinaire. Nous sommes ravis, car son entourage l’a très, très bien exploité. Fanfaron Spécial a débuté en début d’année de 4ans et la sagesse a payé, puisqu’il s’est imposé d’emblée à Pau… Et deux ans plus tard, le voilà gagnant de Groupe à Auteuil !

Comment a produit Ultra Spéciale ensuite ?

Après Fanfaron Spécial, sa mère nous a donné Gazette Spéciale (Sommerabend), qui a pris cinq places en six sorties avant de s’accidenter à l’entraînement. Elle a ensuite produit Histoire Spéciale (Scalo), que nous avions vendue à Guy Cherel et qui n’a jamais couru. Ultra Spéciale a un 2ans, Je suis Spécial (Doctor Dino), que nous avons vendu foal au propriétaire du haras de Tiercé, Nicolas Taudon. Elle a aussi une yearling, Kronic Spéciale (Manduro), qui a été achetée par Annick et Benoît Chevalier dans le but de la garder à l’élevage. Nous avons donné Ultra Spéciale à notre fils et à ses enfants. Elle va pouliner dans les jours à venir de Buck’s Boum (Cadoudal). C’est une drôle d’histoire : l’année dernière, elle a pouliné tard de Kronic Spéciale, qui est née début mai. Ultra Spéciale a été saillie le 2 juin par Buck’s Boum, mais le vétérinaire nous avait dit qu’elle était vide. Finalement, elle était bien pleine ! Il se peut qu’elle ait ovulé un jour ou deux après la saillie, et par conséquent, qu’elle ait été diagnostiquée trop tôt. Évidemment, cette année, il sera trop tard pour la faire saillir. Ce serait bien qu’elle fasse une femelle !

Justement, vous reste-t-il une femelle de cette souche ?

Non car nous vendons systématiquement tous nos poulains, lorsqu’ils sont yearlings ou foals. L’élevage est pour nous une passion, mais faire courir, c’est autre chose. Et désormais, mon mari et moi n’élevons plus. Mon mari a 90 ans et je le suis d’assez près, donc ça commence à devenir difficile de faire les boxes ou de distribuer la nourriture !

D’où vient ce suffixe "Spécial" ?

En 1991, nous avons fait saillir Kaidora par Useful (Vorias), qui était un AQPS. Kaidora étant elle aussi une AQPS, j’ai trouvé cela amusant d’appeler le produit Édition Spéciale ! Elle est devenue la deuxième mère de Fanfaron. Nous avons laissé ce suffixe par la suite, afin de bien suivre toute la généalogie.

Comment vous êtes-vous lancés dans l’élevage ?

Mon mari était cadre chez Socopa, dont la direction était assurée par le comte Pierre de Montesson. Nous avions des bovins à l’époque, mais mon mari s’étant rendu compte qu’il n’y avait pas d’avenir dans ce secteur. Nous avons tout liquidé. Pendant qu’il était au travail toute la journée à Saumur, à 35 km de la maison, je me retrouvais seule avec ces bâtiments immenses et ces prairies. J’adore les animaux, et je me suis dit que ça serait bien d’avoir des chevaux. Le comte de Montesson, qui était ami avec mon mari, nous a encouragés dans cette voie et nous avons commencé par élever des trotteurs, en 1975. Nous nous sommes rendu compte que c’était difficile de vendre les poulains et nous sommes ensuite passés aux galopeurs, au début des années 1980. Au départ, nous avions six poulinières et nous vendions les produits yearlings. Puis nous avons commencé à prendre de l’âge et nous les vendions alors foals à Guy Cherel, qui a de très bonnes prairies d’élevage. Ce sont des prairies en coteaux, où les poulains apprennent à s’équilibrer : ça les met en condition ! Je me suis lancée dans l’élevage en sachant simplement qu’un cheval avait quatre jambes. Et finalement, j’ai fait mes poulinages moi-même ainsi que les piqûres, les soins, etc… C’est tellement intéressant ! Avant le Covid, nous allions systématiquement aux courses pour voir nos produits courir ou juste par passion, pour voir les chevaux des autres. Dès que nous aurons le droit de nous rendre sur les hippodromes, nous comptons bien y retourner ! Nous avons réussi à transmettre cette passion à nos enfants et nos petits-enfants, ce qui nous rapproche encore plus. Notre petite-fille Émérencie monte à l’entraînement chez Capucine Nicot et se rend régulièrement sur les hippodromes. Elle fait aussi partie de l’association Aux Courses Les Jeunes. Quant à notre petit-fils, Alban, il est employé chez Niarchos à Londres, où il s’occupe du bureau ingénieur agronome.

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