Au haras de Thouars, on vend 1.100 saillies par an

12.04.2022

Au haras de Thouars, on vend 1.100 saillies par an

Avec la vente de 22 poulinières Shadwell le 21 décembre, le haras de Thouars est au centre de l'attention internationale. À cette occasion, Anthony Cessac, Emmanuel Cessac et Mathieu Postis nous ont ouvert les coulisses de leur entreprise qui est un acteur essentiel pour la filière pur-sang arabe, en France et à l'international.

Les débuts du haras de Thouars sont finalement assez peu connus en dehors du microsome hippique du Sud-Ouest. Pourtant, l'histoire mérite le détour. Tout commence avec Emmanuel Cessac, un jeune agent des Haras nationaux, qui est reconnu par les éleveurs du Sud-Ouest pour ses compétences en matière de reproduction. Pas issu du sérail, il s'impose pourtant comme un inséminateur de talent dans les années 1980 et 1990 au sein de l'administration. À la fin des années 1990, on commence à voir poindre la fin des Haras nationaux, une institution de plus en plus contestée. Emmanuel Cessac, avec le soutien des éleveurs locaux, décide alors de voler de ses propres ailes. Il fonde son propre haras, à Thouars, avec des moyens limités. Mais l'insémination a ceci de particulier que le travail et l'habileté permettent de faire la différence. Et le Lot-et-Garonnais va se forger une solide réputation : capable de se lever à n'importe quelle heure, la nuit, pour inséminer, c'est lui qui arrive à faire remplir les juments délicates et celles parfois jugées infertiles par les vétérinaires. Rapidement, le haras de Thouars se crée une solide clientèle d'éleveurs de pur-sang arabes et de chevaux de sport équestres. On lui envoie même des juments de Normandie en désespoir de cause : « Si elles ne prennent pas à Thouars, elles ne prendront nulle part ». Emmanuel Cessac comprend alors qu'il est vain de chercher à faire du volume. Plutôt que brader ses services, il fait le choix de se positionner sur des tarifs qui sont ceux des éleveurs qui veulent une prestation de qualité. Et ça marche. L'entreprise se développe à grande vitesse. Clin d'œil de l'histoire, le premier étalon stationné à Thouars fut Djinn du Paon (Chéri Bibi), un élève de Sergio Raffaello, un fidèle soutien de la maison. Djinn du Paon appartenait à Shadwell qui a fait son grand retour à Thouars en 2021 - avec la vente de poulinière Auctav -, mais aussi et surtout en y stationnant certains de ses étalons les plus prometteurs.

Le passage de témoin. Au tournant des années 2010, Emmanuel Cessac s'est associé à Mathieu Postis et à son fils Anthony Cessac. Désormais, il s'est réorienté vers un rôle de conseil et de formation à l'international. Auprès la Sorec par exemple. Anthony gère de son coté l'insémination artificielle congelée profonde (I.A.C.P.) et les transferts d'embryons. Mathieu s'occupe notamment de l'insémination en frais. Ils nous ont confié : « Notre cœur de métier s'est progressivement recentré sur les juments pur-sang arabes de course, même si nous conservons une petite partie de notre activité dans l'endurance et les sports équestres. À grands traits, on peut dire que nous inséminons 350 juments de course, une centaine pour les sports équestres et une cinquantaine pour d'autres orientations. Nous avons une centaine de juments de course en pension à l'année sur le haras. Dans ces différentes activités, nous ne courons pas après le nombre. Notre priorité, c'est la qualité du service, le bien-être des chevaux et la satisfaction du client. Nous sommes vraiment proches de notre clientèle d'éleveurs. C'est une relation de confiance. Ils savent que nous faisons preuve de constance, que nous sommes fiables. » Le haras rassemble trois structures sur un total de 150 hectares et dispose d'un troupeau de 90 porteuses pour accueillir les embryons. Ils précisent : « Nous voulons des porteuses impeccables sur le plan sanitaire et avec un bon tempérament. » Mathieu Postis et Anthony Cessac réalisent eux-mêmes une centaine de poulinages annuels. Ils poursuivent : « Cette année, nous avons réalisé 150 récoltes d'embryons. La nouvelle réglementation limite le nombre de transfert par jument [les mères ont désormais droit à un produit "naturel" et un issu de transfert par an, ndlr]. La conséquence, c'est que nous réalisons moins de collectes par poulinière, mais ceci est compensé par le fait que nous recevons plus de juments. Certaines personnes contournent la règle en envoyant des juments à l'étranger. On atteint les limites de cette réglementation qui est trop vague sur certains points. L'Icsi - qui consiste à reproduire artificiellement la fécondation de l'ovocyte - est interdite par les règles de la Waho. La technique est très invasive : c'est vraiment dur pour les juments. Par ailleurs, cela favorise les lignées infertiles. »

La confiance des meilleurs. Le haras compte parmi ses clients pour la reproduction certains des meilleurs éleveurs internationaux. C'est le cas de la famille Watrigant, d'Hassan Mousli, de Renée-Laure Koch, d'Umm Qarn Farm, de Bruno Bellaud, de Marie-Claude Biaudis, des époux Bourdette, d'Al Asayl, d'ITC, d'Al Shaqab Racing… liste non exhaustive ! Au fil des années, la liste des très bons chevaux conçus à Thouars, en insémination et/ou en transfert d'embryon, est très longue. C'est par exemple le cas de quatre des cinq chevaux les plus chers de la vente Arqana, mais aussi de Yazeed (Munjiz), Mister Ginoux (Amer), Lady Princess (General), Al Mamun Monlau (Munjiz), Abbes (Tm Fred Texas), Al Shamoos (No Risk Al Maury), Sahabba (Nizam), Manark (Mahabb), Nalink (Amer), Bel'izam (Nizam), Ahzar (Munjiz), Farh (Nizam), Natalma Al Maury (Dahess), Hakeem (Sir Bani Yas), Alawsj (Dahor de Brugere), Marid (Tm Fred Texas), Melabi (Dahess), Lahib (Kairouan de Jos), Battash de Faust (Af Albahar)…

Une offre extrêmement large. Les trois associés poursuivent : « Le haras de Thouars propose une offre exceptionnellement large d'étalons pur-sang arabes en semence congelée. C'est probablement le plus large panel disponible. Avec le temps, Thouars a développé deux activités nouvelles. La première, c'est le fait de gérer les étalons au quotidien. Cependant, nous n'avons pas un nombre de places illimitées. Il faut donc faire des choix et nous devons malheureusement décliner certaines propositions d'étalons. La deuxième activité, c'est celle du courtage de semence. Beaucoup de propriétaires d'étalons ont pris l'habitude de travailler avec nous pour stocker, vendre et distribuer la semence de leurs étalons. Nous avons une équipe 15 personnes, avec de l'expérience, qui suit des protocoles stricts. Ceci nous a permis de vendre 1.100 saillies de pur-sang arabes en 2022 aux quatre coins du monde. » Concernant les étalon stationnés au haras, ils expliquent : « Il y a tout un travail d'éducation. Cela permet de récolter la semence sans utiliser de chifney par exemple. Les chevaux sont manipulés en licol. Il faut qu'ils se sentent en confiance, en sécurité. Nous avons 16 étalons stationnés sur place.» Le septuple gagnant de Gr1 PA Muraaqib (Munjiz) va débuter la monte au haras de Thouars aux côtés du gagnant du Dubai Kahayla Classic (Gr1 PA) AF Mathmoon (AF Albahar). On peut penser que Muraaqib sera l'un des étalons les plus populaires l'année prochaine en France. C'était un champion et il a un physique exceptionnel, à la hauteur de ses performances. Thouars propose aussi des étalons qui permettent d'apporter des sangs nouveaux, à l'image d'Aim South (Burning Sand) pour Daniel Stud, d'Hilal Al Zaman (Mencour) pour Al Nujaifi Racing, ou encore de Séraphin du Paon (Akbar) pour Al Asayl. Al Shahania Stud a confié Jaafer (Amer) au haras de Thouars. C'est un étalon remarquablement confirmé à haut niveau. Parmi les jeunes sires stationnés sur place, il faut citer Yazeed (Munjiz) qui présente un modèle vraiment spectaculaire, de la vitesse et un grand pedigree. Sir Bani Yas (Amer) a eu une réussite statistique remarquable au niveau Groupe en 2021, malgré des premières générations peu fournies. Il sera assurément très demandé en 2022. Mister Ginoux (Amer) a sailli 143 juments en 2021, en France, et c'est amplement mérité car sa production a réalisé une saison hors normes. Également pour Al Shaqab Racing, Al Mourtajez (Dahess) passe un test en 2022 avec ses premiers 3ans en piste. Il a sailli plus de 90 juments lors de chacune de ses trois premières saisons de monte.

Son père, l'ultra confirmé Dahess (Amer) est lui aussi à Thouars. Sa production est toujours d'actualité au meilleur niveau. Âgé de 22ans, il est pourtant dans un état superbe de conservation : en le voyant évoluer, on lui donnerait sept ans de moins. Très signé par son père Azadi (qui saillit à Thouars), Al Mouwaffak (Azadi) était un cheval précoce, avec beaucoup de sang et un véritable changement de vitesse. Deux qualités qui font qu'il pourrait tout à fait créer la surprise au haras comme l'a fait Mister Ginoux. Surtout qu'il est issu d'un grand pedigree.

L'avenir. Les associés détaillent : « Nous voulons stabiliser le niveau de l'activité de reproduction et développer tout ce qui concerne les jeunes chevaux. Nous avons investi dans des bâtiments et dans la qualité des parcelles avec un agronome. » D'une manière plus générale, sur la filière du pur-sang arabe, ils poursuivent : « L'endurance connaît un ralentissement important de son activité. Dans les courses, il y a quelques années, le marché des embryons était euphorique. C'est plus calme désormais. L'immense challenge, c'est le renouvellement des générations d'éleveurs français. Nos leaders, bien connus de tous, ne sont pas éternels. Beaucoup de très bons élevages français ne seront pas repris par la génération suivante. Et comparativement, on voit peu de jeunes se lancer dans l'activité, ce qui est inquiétant. Il faut certainement aussi imaginer des mesures et incitations supplémentaires pour élever en France à partir d'étalons stationnés dans l'Hexagone. » Emmanuel Cessac conclut : « Assurément, la filière du pur-sang arabe de course prend de l'ampleur à l'international. Nous vendons par exemple de la semence à un nombre de pays sans cesse supérieur et certaines nations hippiques montent clairement en puissance. En France, il y a une formidable tradition d'élevage et des savoir-faire. Mais force est de constater que nos éleveurs ont vendu une grande partie de leurs très bonnes juments. Ils n'ont pas su conserver ces souches qui faisaient leur force. Par ailleurs, les casaques françaises sont quasi-absentes : l'activité d'entraînement en France dépend presque entièrement du propriétariat international. Ceci est une autre source d'inquiétude. Il est essentiel de continuer à développer les opportunités pour tous les niveaux de chevaux dans le programme français. C'est essentiel pour inciter plus de monde à élever et faire courir, première étape à un renouvellement des générations d'éleveurs. Le label français à une réputation d'excellence qui est justifiée par d'excellents résultats. Mais la filière française du pur-sang arabe se doit d'être plus active en termes de prospection à l'international. De nouveaux horizons s'ouvrent et nous - en tant que filière - ne sommes pas assez présents sur ces derniers. Et pourtant, c'est certainement là que se trouvent de nouvelles personnes souhaitant investir dans notre pays afin d'y nourrir leurs ambitions hippiques, à l'élevage comme en piste. »

22 poulinières de Shadwell en vente le 21 décembre sur auctav.com

Shadwell vendra 22 poulinières pur-sang arabes en ligne sur auctav.com, le mardi 21 décembre de 15 h à 16 h. Marion Lachat (Shadwell), la coordinatrice de la vente, a déclaré : « Ce sont des familles jamais vues sur le marché français. Elles vont permettre des croisements très faciles et l'introduction de souches exceptionnelles. » Les juments seront visibles sur rendez-vous au haras de Thouars et Emmanuel Cessac a dit : « La qualité des juments Shadwell a tout simplement relancé les courses de pur-sang arabes il y a une quarantaine d'années et cette qualité est toujours d'actualité. Elles ont toutes du black type au papier et sont très faciles à croiser, Shadwell s'étant passé du sang d'Amer (Wafi) jusqu'à très récemment. Ce sont des souches modernes et des souches françaises qui reviennent sur le sol français avec des saillies très intéressantes aussi, comme Muraaqib (Munjiz) qui n'a pas été commercialisé jusque-là ainsi que d'autres étalons de grande qualité. » Le haras de Thouars accepte des visites du lundi 13 au dimanche 20 décembre, mais sur rendez-vous uniquement. Pour découvrir le catalogue, cliquez ici https://auctav.com/fr/ventes.php