La formidable épopée des AQPS : l'interview d'Hervé d’Armaillé

Élevage / 27.06.2022

La formidable épopée des AQPS : l'interview d'Hervé d’Armaillé

Jour de Galop. – En ce qui concerne le nombre de naissances chez les AQPS, un baromètre très important, où en sommes-nous ?

Hervé d’Armaillé. – Nous avons dépassé les 1.000 naissances à l’heure où l’on se parle. Mais ce n’est pas fini car tout le monde n’a pas encore déclaré ses poulains. Nous allons peut-être approcher des 1.100 naissances. C’est très, très bien car il y a une quinzaine d’années, nous étions tombés à 800 naissances… Depuis quelques années, nous sommes au-dessus des 1.000 naissances. Comme quoi, les éleveurs d’AQPS sont passionnés et très confiants en l’avenir. Notre élevage s’est beaucoup professionnalisé. Nous voyons à Decize, par exemple, qu’un vrai marché est reparti.

Justement, par rapport au marché des chevaux AQPS et, plus généralement, des sauteurs, des efforts pourraient être effectués pour conserver plus souvent les pouliches, notamment, dans l’Hexagone ?

L’effort de France Galop avec les primes pour les femelles est formidable. C’est très bien car l’éleveur qui garde sa pouliche touche 25 % de plus. Personnellement, je sais que nous avons conservé une bonne pouliche grâce à ces primes. Un éleveur doit garder ses bonnes femelles sinon, il ne va pas durer longtemps. De temps en temps, il peut en vendre une lorsqu’il a par exemple trois ou quatre femelles de suite.

Avec le temps, les sauteurs français semblent être victimes de leur succès avec le sentiment d’un nécessaire retour en arrière. Il faut accentuer l’effort sur l’exploitation des chevaux en France !

Les clients anglais et irlandais, nous sommes contents de les avoir car ils achètent bien, et les éleveurs peuvent sécuriser leur trésorerie. Mais il n’y a quasiment plus de primes à l’éleveur à l’étranger désormais : uniquement pour le gagnant ou le deuxième dans les courses de Gr1 ou de Gr2. Nous sommes toujours un peu embêtés que les poulains partent. Je constate que beaucoup d’éleveurs préfèrent vendre moins cher à un professionnel français qu’à un client anglais ou irlandais. Dans le même temps, des entraîneurs français me disent que des propriétaires britanniques leur confient des chevaux, grâce notamment à nos allocations. Les Anglais et Irlandais trouvent que le système français est bon. Il est aussi possible pour les éleveurs français de mettre en place des redevances lorsque les chevaux sont vendus à l’étranger : ce ne sont pas toujours les éleveurs qui vendent à l’étranger, mais plutôt le propriétaire ou l’entraîneur qui a acheté le cheval à l’éleveur. Je me bats pour que l’on conserve ne serait-ce qu'une petite prime à l’éleveur pour l’étranger pour les Grs1 et les Grs2 car ça reste une petite récompense pour l’éleveur si son cheval brille à ce niveau. C’est l’intérêt de nous tous que l’éleveur touche cette récompense.

On a l’impression également que pour garder des jeunes chevaux de qualité à l’entraînement en France, des associations se mettent en place…

C’est vrai. Il y a beaucoup de professionnels, du trot notamment, qui se regroupent pour exploiter un cheval. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui s’associent pour participer à la carrière de course des chevaux. Par exemple, cinq trentenaires se sont associés sur mon poulain qui a gagné à Decize [Kop de Boulogne, ndlr]. Ce sont de jeunes propriétaires d’Augustin Adeline de Boisbrunet, de vrais mordus !

Il y a les éleveurs qui vendent facilement un cheval en France ou à l’étranger. Mais il y a aussi ceux qui n’arrivent pas à le placer, notamment quand il s’agit d’une pouliche. D’ailleurs, lors de l’AQPS Foal Show de Moulins, des pouliches de 2ans seront présentées au canter dans le but de les placer à l’entraînement. Que pensez-vous de cette initiative ?

C’est une très bonne idée qu’il faut encourager. C’est vrai que les éleveurs n’ont pas toujours les moyens de basculer dans les rangs des propriétaires. Mais ils peuvent participer au pré-entraînement dans le but de placer leurs élèves. J’ai participé au séminaire de l’obstacle organisé par Jacques Détré et nous avons échangé sur le sujet : il faut vraiment expliquer aux jeunes propriétaires qu’il y a une façon simple d’entrer dans les courses, la location. On ne sort pas de capital et on participe à la carrière de course des chevaux. C’est très ouvert. Lorsque j’étais jeune, je me suis souvent associé avec des amis sur la carrière d’un cheval. Et c’est comme cela que certains de mes amis ont aussi commencé dans le monde du propriétariat. C’est aussi ainsi que des éleveurs peuvent placer des chevaux.

Parlons de jeunesse : on sent un vent de renouveau dans le monde de l’obstacle, et en particulier chez les AQPS, notamment lors des concours…

C’est très encourageant. On croit toujours que notre activité est un peu ringarde, mais lorsque l’on voit le nombre de jeunes lors des concours, ou aux réunions d’Auteuil ou de Longchamp, c’est encourageant. L’autre point positif, c’est que, lorsque France Galop a fait l’appel d’offres pour la restauration, ce sont les deux groupes les plus branchés qui ont répondu. C’est quand même un signe.

En ce qui concerne la race AQPS en elle-même, elle a considérablement évolué. Les AQPS sont plus précoces et sont présents en nombre dans les bonnes courses. Qu’en pensez-vous ?

La race a certainement évolué. Je pense aussi que les éleveurs préparent mieux leurs chevaux, ils les manipulent plus, les mettent au pré-entraînement… Mais il y a vingt, vingt-cinq ans, on gagnait déjà les Finot. Je ne suis pas sûr cependant qu’il faille beaucoup insister sur ce programme de 3ans pour les AQPS. En effet, notre objectif est plutôt d’avoir des chevaux de steeple et l’objectif suprême est quand même le Grand Steeple-Chase de Paris. Nous avons fait le plein de partants dans cette course et il faut continuer ainsi. J’ai lu que Guillaume Macaire incitait à aller un peu moins vite avec les 3ans et peut-être les débuter plus tard… Il a tout à fait raison ! C’est totalement notre objectif. À 3ans, on peut les courir une ou deux fois à l’automne, peut-être même en plat, avant de les faire progresser avec le temps. Il y a quelques années, nous avons créé le Prix Isopani pour les 3ans AQPS. Cette option existe, elle marche très bien, mais il faut vraiment garder notre spécificité, avec le programme pour les 4ans et 5ans dans le but de faire venir aussi des chevaux de province. Il y a quarante ans, les chevaux de province ne venaient pas à Auteuil, ce qui n’est plus le cas. L’évolution est là ! Je me souviens qu’il y a trente ans, l’objectif dans la région du Centre-Est était la première épreuve pour AQPS de 3ans à Paray, puis nous allions à Lyon et ensuite à Vichy où le Critérium du Centre était un Graal. Mais le programme a évolué, comme tout le monde. Ensuite, nombre de personnes ont visé Auteuil. Puis il y a eu la formidable aventure de François Doumen avec Nupsala dans le King George (Gr1) qui avait fait la première page du Figaro lors de sa victoire. Ce cheval a été le déclic. Les Anglais étaient des gens curieux, ils sont venus voir ce qu’il se passait et tout est parti de là. Nous étions contents d’avoir du commerce avec les étrangers.

Parmi les festivités du centenaire de l’Association AQPS, il y a eu la promotion du Prix Xavier de Chevigny en Listed. Ce statut est-il voué à perdurer dans le temps ?

Tout va dépendre du rating de la course. Nous avons cofinancé cette épreuve sur nos fonds propres. Nous verrons l’année prochaine ce qu’il en est de cette promotion. Si le niveau est bon, ce statut de Listed pourrait être conservé. Mais c’était sympathique d’avoir cette catégorisation pour le Prix Xavier de Chevigny. C’est notre plus belle épreuve pour les 5ans et 6ans. Nous avions souhaité l’ouvrir aux chevaux d’âge mais la course aurait alors pu prendre des vieux chevaux dans les Quintés…

Quels sont les autres faits marquants de ce centenaire ?

Nous allons publier un livre sur les 100 ans de l’association. Céline Gualde est chargée de le rédiger. Elle m’a dit que le sujet était passionnant et elle est allée voir beaucoup d’éleveurs, pour profiter des "anciens" également. Elle a interviewé par exemple Bernard Le Gentil et Michel de Gigou, elle est allée voir des éleveurs, des entraîneurs… Le livre devrait sortir en fin d’année.

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