
Courses / 30.07.2022
Ils ont connu Étienne Pollet
Ils ont connu Étienne Pollet
Nous avons recueilli le témoignage de ceux qui ont connu de près le grand entraîneur. Leurs propos – et plus encore ! – sont disponibles (en audio) grâce à deux épisodes sur JDG Radio. Le premier ce soir. Le deuxième demain soir. Pour y accéder, cliquer ici. https://www.jourdegalop.com/podcasts Voici la synthèse de la première partie…
Par Adrien Cugnasse
Gérard Larrieu : « Pollet, c’était la sélection »
« Pendant la guerre, Étienne Pollet s’est retrouvé au sud de la Loire. Là-bas, il a commencé à entraîner toutes sortes de chevaux, y compris des anglo-arabes et des pur-sang arabes. Dans le Sud-Ouest, la personne qui lui a quasiment appris le métier, c’était monsieur Costedoat, qui était à la fois entraîneur, éleveur et conseiller d’élevage pour les éleveurs locaux. Costedoat fut aussi le père spirituel de Roger Goaille. Comme Étienne Pollet, Goaille n’avait d’ailleurs pas de background dans les courses. Et plus tard, lorsqu’il gagnait un Gr1, Pollet envoyait un chèque à Costedoat ! C’est lui aussi qui a mis le pied à l’étrier à mon père en tant qu’éleveur. Adolescent, je passais mes jeudis après-midi chez lui. Et un jour, il m’a lu une lettre de Pollet. Il parlait d’une façon dithyrambique de François Boutin, son assistant. J’ai alors absolument voulu rentrer au service de Boutin… ! Plus tard, j’ai rencontré monsieur Pollet lorsqu’il venait lui rendre visite. Mais aussi lorsque j’allais au haras de La Louvière, car il travaillait pour Lady O’Reilly. C’était la grande classe. Toujours en costume trois-pièces, le matin comme l’après-midi. Pollet, il ne connaissait que la sélection. Rien ne l’intéressait en dehors des grandes courses. Il avait très peu de chevaux et savait faire très vite le tri. J’ai retrouvé ça chez Mac Miller à New York.
C’est Étienne Pollet qui a ramené en France le sang américain, la vitesse. François Boutin a hérité de sa méthode de travail. Comme beaucoup d’entraîneurs de l’époque, il pouvait être assez froid si on ne le connaissait pas. Mais ensuite, il était très accessible. Il nous parlait plus d’élevage, de sélection que des courses elles-mêmes ! Comme Mac Miller, Pollet avait beaucoup de charisme. On buvait ce qu’il disait. J’avais la vingtaine à l’époque et à cet âge, quand un type comme Pollet vous donne un conseil… on est comme un buvard ! Pour moi, Pollet, c’est synonyme de sélection…
Pour le personnel d’écurie, surtout à l’époque, c’était une fierté de façonner un bon cheval. Les lads montaient moins de trois lots par jour. On les reconnaissait à travers la réussite des chevaux qu’on leur confiait. Chez Pollet comme chez Boutin, il y avait du génie. Ils étaient capables de déceler chez certains 2ans la capacité à encaisser le travail. Quand j’ai vu la dose de travail que François Boutin imposait à Nureyev (Northern Dancer), je me suis dit qu’il allait passer au travers. Mais lui nous disait qu’avec son potentiel, ce cheval allait devenir un champion. Et c’est ce qu’il est devenu. Comme Pollet, Boutin était capable de détecter cela. Ce n’était pas un entraînement mécanique. Les yearlings arrivaient au 1er octobre. Aujourd’hui, au même moment, ils sont au pré ou dans les centres de préentraînement. Dès cette date, ils étaient donc entraînés. Beaucoup nourris, ils sortaient au premier lot, pendant une heure au minimum. Au mois de décembre, alors qu’ils n’avaient pas encore 2ans, les poulains allaient deux par deux sur le gazon, dans leur action. Les trois semaines des vacances de Noël permettaient de s’occuper des soins après cette première période de travail… C’était une époque totalement différente. Les entraîneurs étaient très aisés, avec beaucoup de personnel. Comment réagiraient Étienne Pollet ou François Mathet s’ils devaient entraîner dans les conditions matérielles d’aujourd’hui ? Je ne sais pas. C’est une bonne question. Peut-être que ni l’un ni l’autre n’accepterait les contraintes actuelles, par exemple le fait qu’il manque parfois à l’appel des cavaliers le lundi matin. Désormais, on court après le personnel. Étienne Pollet a surfé la vague de l’après-guerre. Entre trente ans, l’évolution a été gigantesque. »
Gilles Delloye : « C’était un entraînement intensif, mais très personnalisé »
« Ce qui était exceptionnel chez Étienne Pollet, c’était son coup d’œil. Aux ventes, il dénichait de très bons chevaux à des prix raisonnables. C’est d’ailleurs lui qui a repéré mes meilleurs.
Comme mon père était un de ses clients, j’ai très vite eu envie de passer des vacances chez lui pour monter à l’entraînement. J’y allais tous les ans pendant à peu près un mois. Cela a duré plusieurs années. Ça m’a donné le virus et j’ai eu envie d’entraîner. Mais mon père m’a dit qu’il fallait d’abord que je termine mes études... Ma chance, ou plus exactement ma malchance, a été que lorsque j’ai fini mes études et mon service militaire, il m’a averti qu’il arrêterait l’année suivante. Il avait voulu continuer une année de plus pour Gyr (Sea Bird), qui était assez impressionnant. Finalement, mon stage pour devenir entraîneur, je n’ai pas pu le faire chez lui car il m’a déconseillé d’entrer dans une écurie sans yearling. C’est pour ça que je suis allé chez Maurice Zilber pendant un an et demi. Lorsque monsieur Pollet a arrêté, j’ai récupéré du très bon personnel et une partie de sa clientèle.
Étienne Pollet, c’était un entraînement intensif, mais très personnalisé. Avec le recul, le plus impressionnant, c’est qu’en rentrant une trentaine de yearlings au maximum, il avait régulièrement des chevaux classiques. Il gagnait des Groupes à tour de bras. C’est absolument incroyable, c’est fascinant.
Il y a deux explications à cette réussite. Quand il y avait un bon, c’était sûr qu’il ne le loupait pas. Alors que quand on rentre cent cinquante yearlings, c’est plus facile de passer au travers de certains. Chez lui, ça ne pouvait pas arriver. Ensuite, il avait un coup d’œil exceptionnel pour les dénicher. Y compris parmi ceux qu’une agence de vente n’aurait pas sélectionnés tant leur pedigree était moyen. Idem lorsqu’il allait chez ses clients pour choisir les poulains. Chez madame Couturié, il avait repéré Right Royal (Owen Tudor)... Jean Ternynck n’avait tout de même pas un élevage extraordinaire du point de vue des origines. Mais il avait su repérer Sea Bird (Dan Cupid) et Sanctus (Fine Top)… Ce qui l’a beaucoup aidé également, ce sont ses clients américains qui sont arrivés grâce au réseau de madame Couturié.
Grâce à eux, il a eu des chevaux nés et élevés aux États-Unis qui étaient très précoces. Il a donc, à partir de cet instant, trusté les Groupes réservés aux 2ans. C’était l’époque de Hula Dancer (Native Dancer), Prudent (My Babu)… Mais parmi ces chevaux américains, certains tenaient aussi. Étienne Pollet s’intéressait beaucoup à l’élevage. Le seul business, à l’époque, c’était de sortir un bon cheval pour en faire un étalon. Et je ne l’ai pas vu vendre beaucoup : sa clientèle avait des chevaux pour s’amuser et n’avait pas besoin d’argent.
Étienne Pollet a arrêté très jeune. Je ne veux pas trahir de secrets, mais je pense que c’est quelqu’un qui a eu du mal à accepter les évolutions sociales de sa profession. Il était perfectionniste et à son époque les lads travaillaient presque sept jours sur sept. Au mieux, ils avaient un dimanche sur deux de libre. Quand les choses ont commencé à évoluer, Étienne Pollet a trouvé cela plus dur. C’était cependant un bon employeur, qui a su fidéliser son personnel. Il voyait les choses un petit peu évoluer, mais pas dans le bon sens selon lui. Il éprouvait certainement moins de plaisir à faire son travail. Il a manqué un peu de motivation pour continuer, même s’il a eu de bons chevaux jusqu’à la fin. Il a eu quelques problèmes de santé aussi. C’était un personnage assez intimidant, très froid. Assez distant. Son cercle d’amis était assez restreint.
Étienne Pollet a ensuite pu s’installer au haras de La Louvière, où une maison a été mise à sa disposition. Il partageait son temps entre ce haras et son appartement à Paris. Il continuait quand même à venir à l’entraînement, chez François Boutin notamment. Cela l’amusait beaucoup de voir les chevaux de ses anciens clients. Chez François Boutin, les canters se faisaient toujours bien dans l’action. De vrais canters donc. Et je me souviens qu’Étienne Pollet s’étonnait toujours auprès de François Boutin, en lui disant : "C’est votre canter de tous les jours ça, François ?" Et Boutin, un peu gêné, lui répondait : "Non, non, c’est parce que vous êtes là…" Car chez Étienne Pollet, il y avait des jours où les chevaux allaient très lentement, presque au galop de chasse. On accélérait la veille des galops pour voir si tout allait bien. C’était du sur-mesure. Peut-être de l’intensif, mais pas excessif du tout. C’est comme cela qu’il a eu des chevaux comme Right Royal, ou d’autres, qui ont couru à 2ans sur 1.100m et que l’on retrouvait l’année suivante dans l’Arc. L’élevage était sans doute moins catégorisé que maintenant aussi. Aujourd’hui, on a de vrais 2ans de 1.100m qui ne vont plus sur le Grand Prix de Paris l’année suivante…
Comme il avait un effectif très réduit, sa méthode d’entraînement c’était du sur-mesure. Chaque cheval avait un programme particulier. Il ne laissait rien au hasard. Je me souviens que le lundi soir, il partait sur les Aigles afin de voir l’état de la piste pour le lendemain matin. Et je me rappelle aussi que le lendemain, on arrivait à 4 h 45 à l’écurie. Sur une feuille, il avait marqué le poids de chaque cheval, exactement comme dans une course. Les écarts de poids entre les uns et les autres lui permettaient de bien apprécier les galops. Peu d’entraîneurs ont le temps de faire ça… »
LES PRINCIPALES COURSES REMPORTÉES PAR ÉTIENNE POLLET
FRANCE (chez les 2ans)
- Grand Critérium
1956 Tyrone
1958 Tiepoletto
1960 Right Royal
1962 Hula Dancer
1963 Neptunus
1964 Grey Dawn
1966 Silver Cloud
- Prix de la Salamandre
1952 Kypris
1955 Ténarèze
1956 Little Pan
1957 Anne d’Anjou
1958 Lovely Rose
1959 Never Too Late
1960 Right Royal
1961 Prudent
1962 Hula Dancer
1964 Grey Dawn
1965 Canadel
1966 Blue Tom
- Prix Morny
1957 Neptune II
1961 Prudent
1964 Grey Dawn
- Prix Robert Papin
1957 Netptune II
1959 Sly Pola
1960 High Bulk
FRANCE (chez les 3ans)
- Prix du Jockey Club
1961 Right Royal
1963 Sanctus
- Prix de Diane
1953 La Sorellina
1954 Tahiti
- Poule d’Essai des Poulains
1954 Côte d’Or II
1957 Tyrone
1961 Right Royal
1964 Neptunus
1967 Blue Tom
- Poule d’Essai des Pouliches
1966 Right Away
-Grand Prix de Paris
1957 Altipan
1963 Sanctus
-Prix Royal Oak
1950 Pan
1952 Feu du Diable
- Prix Lupin
1961 Right Royal
1965 Sea Bird
1967 Roi Dagobert
FRANCE (chez les 3ans & plus)
- Prix de l’Arc de Triomphe
1953 La Sorellina
1965 Sea Bird
1968 Vaguely Noble
- Grand Prix de Saint-Cloud
1953 Magnific
1965 Sea Bird
1966 Sea Hawk
1970 Gyr
ANGLETERRE
- Derby
1965 Sea Bird
- Oaks
1960 Never Too Late
- 2000 Guinées
1952 Thunderhead II
- 1000 Guinées
1960 Never Too Late
1963 Hula Dancer
- King George VI & Queen Elizabeth Stakes
1961 Right Royal
- Champion Stakes
1963 Hula Dancer
- Ascot Gold Cup
1951 Pan
IRLANDE
- Irish Derby
1962 Tambourine
1969 Prince Régent
Vous aimerez aussi :

Prix du Premier Pas (Inédits) : Marie Mancini, une bonne tête de vainqueur
Lyon Parilly, dimanche Trois juniors séparés d’une tête à peine, et ce dans la toute dernière foulée… Tel est le verdict du Prix du Premier...
19 mars 2023
Prix d’Indy (Gr3, Haies) : Losange Bleu impérial dans une grande édition
Auteuil, dimanche 1er LOSANGE BLEU 2e LA HAUTE COUTURE 3e ISALINE DE CHANDOU Le Prix d’Indy (Gr3) 2023 présentait un plateau homogène et très élevé. Il...
19 mars 2023