
Magazine / 02.10.2022
Sir Mark Prescott en dix citations
LE MAGAZINE
Sir Mark Prescott en dix citations
Doté d’une éloquence rare, Sir Mark Prescott est l’un des entraîneurs les plus doués lorsqu’il s’agit de parler aux journalistes. Voici dix interventions remarquables qu’il a accordées au cours des deux dernières décennies
Par Adrien Cugnasse.
Au sujet de son refus d’entraîner pour le cheikh Mohammed
Interview accordée au Racing Post (2003)
« Certaines personnes sont capables de gérer une multinationale. D’autres un magasin sur la grand-rue. L’important, c’est de savoir à quel niveau on se sent vraiment efficace. Et combien de chevaux on peut entraîner en même temps. Avec ma manière de faire, on ne peut pas dépasser les cinquante chevaux. Il y a très longtemps, j’ai eu un appel du cheikh Mohammed. Je me suis mis sur mon trente-et-un, et je suis allé le voir. Et je lui ai dit non. S’il m’avait envoyé vingt chevaux la première année, j’aurais dû en prendre vingt de plus la saison suivante. Et mon indépendance aurait disparu. Je n’ai jamais regretté ce choix. Je chéris la diversité des propriétaires pour lesquels je travaille. C’est une grande force. »
Au sujet de sa motivation pour entraîner
Interview accordée au Daily Mail (2007)
« Dans le communisme, vous ne pouvez pas transmettre à vos enfants les bénéfices de votre labeur. Or, le plus grand facteur de motivation dans la société capitaliste – et la raison de l’échec du communisme – réside dans le fait que les parents espèrent que leurs enfants auront une vie meilleure que la leur. C’est l’aiguillon de l’humanité (…) La plupart des gens sont motivés par ce désir. Mais pas moi. Alors pourquoi est-ce que je travaille aussi dur à ce passe-temps futile qui consiste à essayer de façonner des gagnants ? Je ne sais pas ! Je pense que c’est une bataille avec moi-même. Une bataille intellectuelle pour essayer de faire mieux. Monsieur Waugh m’a pratiquement donné Heath House [son écurie, ndlr], et comme beaucoup de gens, je suis devenu l’esclave de cette propriété. Mais je veux transmettre cela à quelqu’un qui le mérite. Un jour. Et j’espère qu’il en prendra soin et qu’il en tirera autant de plaisir que moi. Je n’ai pas la moindre ambition de devenir tête de liste. Mais j’aimerais être le meilleur des entraîneurs, même si c’est bien difficile à définir. Pour moi, le grand challenge, c’est d’essayer d’obtenir de plus en plus de gagnants chaque année avec le même nombre de partants. »
Au sujet des 2ans
Interview accordée au Racing Post (2003)
« Quand vous avez de bons 2ans, c’est terriblement facile. Et je n’ai pas le sentiment de beaucoup avoir pesé sur leur réussite. Ils ont assez de vitesse. Ou pas assez. Et je dois avouer que lorsque je gagne un Cambridgeshire [soit l’un des grands handicaps du programme anglais, ndlr], j’ai le sentiment de pouvoir m’autoriser un peu plus de satisfaction. »
Au sujet des ventes et de la sélection
Intervention au Beaufort Cottage Educational Trust (2020)
« Je ne suis pas un grand fan des breeze-ups, car je sais que, sur 400m, je suis tout à fait capable de faire galoper correctement mon pire 2ans. Et je ne vois pas pourquoi des Irlandais, qui sont des gens de chevaux hors normes, ne seraient pas capables de faire la même chose… voire mieux ! L’an dernier, leurs 2ans étaient des splendeurs, alors qu’au même moment les miens toussaient et avaient mauvais poil. J’ai dit à l’un des Irlandais : "Heureusement que vous n’avez pas de licence, car nous les entraîneurs serions tous au chômage." Et il m’a répondu avec beaucoup d’humour : "Ah, Sir Mark, si vous saviez ce qu’on leur fait, je ne garderais pas ma licence bien longtemps !" Et puis, aux ventes, il y a cette femme terrifiante qui vient vous voir en disant : "Vous savez la pouliche que vous n’avez pas voulu m’acheter l’an dernier… eh bien, elle a gagné les Oaks marocaines !" L’entraîneur doit survivre à tout cela. Les ventes sont une question d’opinion et de goûts personnels. Mais pas que. Quand je travaillais pour Jack Waugh – dans les années 1960 –, il m’avait demandé une étude sur l’évolution du terrain dans les courses anglaises. À l’époque, 76 % des courses se disputaient en terrain bon ou léger. Au vu des résultats, mon mentor m’avait dit : "La première question est donc : ce yearling ira-t-il dans le bon terrain ?" Aujourd’hui, avec l’arrosage des hippodromes et les PSF, on peut être moins strict sur certains points au moment de choisir un poulain. Enfin, dans ce contexte, on est en droit de se demander si Sadler’s Wells (Northern Dancer) aurait été un si grand étalon il y a cinquante ans… Qui sait ? Le pur-sang s’adapte à tout. Et nous devons faire de même. Beaucoup de choses ont changé. Pour le meilleur. »
Au sujet des handicapeurs
Interview accordée au Racing Post (2003)
« Avec les handicapeurs, j’ai toujours fait preuve de prudence. Comme lorsque je leur envoyais une carte postale, à tous, avec Isaac Newton, pour leur rappeler ce principe communément admis qui dit "tout ce qui monte doit redescendre un jour !" À peu près tous m’ont répondu. Et parfois, c’était vraiment très marrant. »
Au sujet d’Alleluia, meilleure pouliche de sa génération dans les handicaps anglais
Interview accordée à Goffs Magazine (2017)
« Après la victoire d’Alleluia (Caerleon) dans la Doncaster Cup (Gr3), madame Rogers voulait essayer de viser des courses avec des allocations importantes. Alors que madame Rausing aurait préféré du black type. Il fallait donc choisir entre le Cesarewitch Handicap ou la Jockey Club Cup. Sonia n’arrêtait pas de me dire : "Touchez en un mot à Kirsten et parlez-lui de l’allocation du Cesarewitch." Et mademoiselle Rausing me disait : "Je pense que vous devriez essayer de convaincre Sonia." Cela n’en finissait pas. Au point que je leur dise : "J’ai vu assez de combats dans ma vie. Et je ne veux pas rester entre deux boxeurs. À vous de me dire ce que nous allons courir." Nous avons donc engagé Alleluia dans le Cesarewitch. C’était un penalty. Dans la course, elle faisait un canter… avant de se fracturer le bassin. Sonia et moi-même sommes revenus au rond en premier. Puis mademoiselle Rausing est arrivée. Nous avions forcément très peur de sa réaction. Mais elle nous a simplement regardés avant de dire : "Un commentaire serait, je pense, tout à fait superflu." »
Au sujet de Josephine Abercrombie
Interview accordée au Bloodstock Notebook (2020)
« Un matin, peu après l’arrivée des chevaux de madame Abercrombie dans l’effectif, je mangeais un toast d’une main, tout en mettant ma cravate pour aller aux courses et en donnant des instructions à un jockey qui devait partir monter dans le Nord. J’étais déjà en retard et le fax a commencé à crépiter. En pleine nuit dans le Kentucky, madame Abercrombie me disait : "Est-ce que One Voice court à York samedi ? Ma fille, Baby, est là pour quelques semaines. Peut-elle voir les chevaux mardi matin ?" J’ai alors lancé à ma secrétaire, qui était complètement sous l’eau : "Prenez note et envoyez ça rapidement. Chère Madame. Elle court samedi à 14 h 30 comme prévu. Baby – quel nom à la con pour sa ***** de fille – sera la bienvenue." Le fax est parti. La nuit suivante, de retour des courses, je regarde les messages envoyés dans la journée. Et là, horreur, je vois que la secrétaire a aussi tapé "quel nom à la con pour sa ***** de fille" dans le message. Pendant 24 heures, je m’attendais à recevoir un message disant que ses chevaux allaient quitter ma cour. Vers midi, le fax a commencé à crépiter. Et le message est apparu : "Mark. Bonne chance avec la pouliche. Par ailleurs, "ma ***** de fille avec un nom à la con" sera chez vous mardi ! Joséphine." J’ai alors compris que je n’entraînais pas pour un propriétaire comme les autres. C’était une femme remarquable. »
Au sujet de la reconversion et du talent
Interview accordée au Racing Post (2003)
« Tout le monde parle de la reconversion. Et certaines personnes réalisent un travail formidable dans ce domaine. Mais si les entraîneurs faisaient tous leur travail correctement, il n’y aurait pas besoin de reconvertir les chevaux. Si vous les débourrez correctement, ils sont gentils, volontaires et peuvent facilement faire un grand nombre de choses. C’est comme élever des enfants. Si vous en avez un très intelligent, mais brutal, fainéant, violent et égoïste… il va sombrer. Mais si l’autre est droit, rangé, poli et sociable, il aura de l’avenir. Même sans être un génie. »
Au sujet de sa passion pour la corrida et la chasse à vue au lièvre
Interview accordée au Daily Mail (2007)
« Je crois qu’il est du devoir de l’homme de s’occuper des animaux aussi bien que possible. Et de répondre à tous leurs besoins. Quand ils meurent, ils doivent mourir aussi naturellement ou de manière aussi indolore que possible. Je n’ai aucun scrupule à tuer car j’ai été élevé dans une ferme et chaque animal de cette ferme était destiné à mourir un jour. Ce qui me préoccupe plus, c’est la souffrance. J’ai d’énormes scrupules à faire souffrir un animal.
Quand je mourrai, il y aura beaucoup de gens que je ne voudrai pas revoir dans l’au-delà. Mais il n’y aura pas un lièvre, un renard ou un cheval que je craindrai de rencontrer. »
Au sujet des propriétaires
Interview accordée au Racing Post (2003)
« Je préfère entraîner un mauvais cheval pour une personne que j’aime, plutôt qu’un bon pour un propriétaire que je n’aime pas. Parce que dans quelques années, le bon cheval ne sera plus là. Et je serai coincé avec une personne que je ne peux pas supporter. »
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