Débarrassons-nous du syndrome britannique !

Courses / 22.08.2022

Débarrassons-nous du syndrome britannique !

Dans le tourisme, il existe le syndrome de Paris : une dépression liée à la déception ressentie lors de la visite de la ville, pour cause d’attentes trop élevées. Dans les courses, Bruno Barbereau, notre expert des chronos, a identifié le "syndrome britannique" : s’il y a des britanniques au départ, cela va forcément rouler ! Mais le Darley Prix Jean Romanet est la parfaite illustration de cette grande désillusion…

Le gagnant du Quinté sur la même ligne qu’Aristia au passage du poteau

Aristia (Starspangledbanner) s’est imposée de bout en bout dans le Darley Prix Jean Romanet (Gr1). Sa dauphine, Rosscarbery (Sea the Stars), a été vue à son extérieur dans le parcours. Ebaiyra (Distorted Humor), troisième, était derrière les animatrices… Il n’a pas été possible de refaire du terrain pour finir et c’est logique : la course, disputée sur 2.000m, s’est résumée à un sprint de 600m ! Et à ce niveau-là, tous les chevaux savent accélérer. « Il va falloir que les entraîneurs et propriétaires français, à un moment, sortent de ce que j’appelle "le syndrome britannique". Il y a moins de chevaux en nombre et en qualité en France qu’en Grande-Bretagne, peut-être, mais il faut arrêter de se dire que s’il y a des chevaux britanniques au départ, ils vont forcément imprimer du rythme ou avoir un complexe d’infériorité et se dire que nous serons forcément battus. Le Romanet en est la plus belle explication de texte. Le Quinté, dimanche, s’est aussi disputé sur les 2.000m de Deauville et ces handicaps sont désormais les rares courses en France où l’on trouve du rythme. Have Dancer, le gagnant du Quinté, a réalisé quasiment le même temps qu’Aristia : un centième de seconde les sépare, en sa faveur, alors que leur écart en valeur handicap est de 12 kilos ! Have Dancer a gagné une course raisonnablement rythmée et rehausse son accélération de 2 % dans les 600 derniers mètres : il était à fond. Or, dans le Romanet, six des sept partantes ont rehaussé leur vitesse de 6 % à 8 % dans les 600 derniers mètres, tout simplement parce que cela a été un sprint ! Quand une course n’avance pas, les chevaux ont des réserves pour finir, surtout à ce niveau de compétition. »

Rumi aurait gagné sur 600m

« Prenons les partiels des 600 derniers mètres et imaginons donc que le Romanet se soit disputé sur cette distance, avec toutes les participantes sur la même ligne au départ. C’est Rumi (Frankel) qui aurait gagné par 0,8 longueur. La troisième aurait été à 0,2 longueur de la deuxième et les quatre premières se seraient tenues en une longueur et une courte encolure ! Rumi a été la grande victime de la tactique de course. L’enseignement est simple : oui, les Britanniques ont de bons chevaux, oui ils sont capables de mener… Mais ils sont capables de mener en n’imprimant aucun rythme à une course ! Il faut arrêter de les laisser faire et de leur offrir des courses sur un plateau. Le Romanet 2022 ne restera pas dans les annales et l’édition 2022 n’a pas réalisé une valeur de Gr1. »

Verry Elleegant à revoir

Pour sa rentrée et ses débuts européens, Verry Elleegant (Zed) a conclu dernière du Darley Prix Jean Romanet. Faut-il condamner pour autant la star australienne ? « Il y a un mystère autour de la performance de Verry Elleegant : en Australie, elle a couru sur de courtes distances, dans des épreuves où cela va vite. Je ne m’explique pas qu’elle n’arrive pas à coller au peloton dans les 400 premiers mètres, étant donné le peu de rythme de l’épreuve. Elle réalise une course vraiment étrange. Pour finir, elle fait un petit bout : ses 600 derniers mètres sont du même acabit que ceux d’Ebaiyra : Verry Elleegant est en 34’’74 et Ebaiyra en 34’’70. À la sortie du tournant, Verry Elleegant ne pouvait pas gagner : il aurait fallu le crack de tous les temps pour réussir cela ! Elle est complétement victime de la tactique de course. De mon point de vue, il ne faut pas la condamner sur cette rentrée et il faut la revoir. »

Un Morny qui n’a pas foncé… mais un beau Morny !

Blackbeard (No Nay Never) a remporté le Darley Prix Morny en 1’09’’91 : c’est un bon chrono mais, avec les conditions de terrain (bon, 3,2), les 2ans n’ont pas non plus fait exploser le chronomètre. « Blackbeard aime la France ! Il avait déjà réalisé une démonstration dans le Prix Robert Papin : il s’imposait comme un potentiel gagnant de Morny et il l’a confirmé dimanche. La course a été à une vitesse normale, sans plus, et tout s’est joué des 400m aux 200m : tous les poulains sont en-dessous des 11’’ et les deux premiers, Blackbeard et Persian Force, sont autour des 10’’70 : ils ont envoyé un véritable uppercut. Le gagnant est très solide et les trois premiers sont de vrais chevaux de course. Quand Persian Force (Mehmas) s’est imposé pour ses débuts à Doncaster, il courait déjà comme un poulain de Morny : reste à savoir si ce n’était pas une erreur de le courir quinze jours auparavant, au Curragh, dans les Phoenix Stakes… Sur ce qu’il réalise dimanche, Blackbeard a tout à fait le potentiel pour être rallongé sur 1.400m et aller vers le Lagardère, je n’ai pas de doute là-dessus. »

Après la victoire de Blackbeard dans le Morny, la question sur toutes les lèvres était : à quel point Little Big Bear (No Nay Never), le gagnant des Phoenix Stakes (Gr1), est-il meilleur ? Aidan O’Brien est resté évasif. Il y a une ligne indirecte entre les deux juniors et Persian Force. Blackbeard l’a battu d’une demi-longueur, Little Big Bear de sept longueurs ! Bruno Barbereau nous a indiqué : « Il est difficile d’établir des comparaisons avec exactitude car les 1.200m du Curragh sont vraiment très différents de ceux de Deauville. Mais on note que les deux poulains ont, dans leur course respective, parcouru les 600 derniers mètres en 33’’40. Il n’est pas possible de définir un écart précis les séparant mais, clairement, il n’y a pas sept longueurs entre les deux : c’est bien moins ! »