Titleholder, un nom et un statut à justifier

Courses / 21.09.2022

Titleholder, un nom et un statut à justifier

Quatrième favori de l’Arc chez les bookmakers, Titleholder – traduisez le" tenant du titre" – est le dernier japonais à avoir posé le sabot en France. Le 4ans, invaincu en 2022, est arrivé le vendredi 16 septembre au soir chez Satoshi Kobayashi et prend doucement ses marques.

Par Anne-Louise Échevin

Galop dans la brume

L’automne a fait son apparition, les brumes matinales aussi dans la forêt de Chantilly. Mercredi matin, vers 7 h 15 du matin, Titleholder (Duramente) a fait un travail sur le gazon de Coye-la-Forêt. Le travail n’était pas impressionnant mais difficile à juger dans le brouillard ! Pour les entourages japonais, ce changement d’environnement doit être un vrai casse-tête, eux qui sont habitués à des centres d’entraînement où tout est filmé et chronométré. Toru Kurita, l’entraîneur, a analysé : « Ce n’était qu’un travail léger aujourd’hui. Il faut qu’il s’habitue au terrain et il fera un galop plus poussé la semaine prochaine. Tout va très bien. Il a bien travaillé au Japon avant de partir. »

Titleholder va se produire pour la première fois hors du Japon, là où ses trois autres compatriotes au départ de l’Arc ont tous déjà couru à l’international et notamment en France. Son entraîneur se lance lui aussi pour la première fois hors de la scène hippique japonaise.  Toru Kurita, 44 ans, a eu ses premiers partants en 2011 et Titleholder est son premier cheval de Gr1. Le déplacement en France a été préparé avec attention. Le professionnel est venu en repérage au mois d’août, visitant le centre d’entraînement de Deauville et de Chantilly. Kazuo Yokoyama, le jockey, est venu monter à Longchamp le jeudi 15 septembre, marchant aussi la piste. Il est reparti sans victoire, avec des observations des commissaires sur la cravache et une expérience précieuse. Toru Kurita explique : « Depuis le Takarazuka Kinen, avec le propriétaire de Titleholder, nous avons mis un plan en place et nous le suivons. Tout se passe comme prévu. »

Le meilleur cheval d’âge au Japon

À 3ans, Titleholder n’était pas le leader de sa promotion mais il a tout de même gagné le Kikuka Sho (Gr1), le St Leger japonais. Et, au Japon, le St Leger – sur 3.000m ! – est encore recherché. Le poulain a passé un cap à 4ans. Invaincu en trois sorties cette année, il a laissé Deep Bond (Kizuna) à sept longueurs dans le Tenno Sho Printemps (Gr1, 3.200m) en sifflotant, puis a remporté le Takarazuka Kinen (Gr1, 2.200m) – équivalent japonais du Grand Prix de Saint-Cloud – en un temps record.

Toru Kurita explique : « Titleholder a pris de la maturité. Il arrive à se gérer désormais. Il fait une rentrée mais cela ne m’inquiète pas : il a de la préparation derrière lui. Le terrain est un point d’interrogation, le poids aussi [le poids de base est moins élevé au Japon qu’en Europe : Titleholder n’a jamais porté plus de 58 kilos en course et en aura 59,5 dans l’Arc, ndlr]. Notre travail est de faire en sorte qu’il arrive en pleine possession de ses moyens sur l’Arc. Nous ne maîtrisons pas le terrain ni la météo et cela ne nous inquiète pas trop. Titleholder est par Duramente et une jument européenne, peut-être que les origines parleront ! C’est un poulain très calme et proche de l’homme. Mais, dès qu’il est sur un hippodrome, il se donne à 100 %. Il a de la vitesse et sait garder le rythme jusqu’au bout. Il aime aller devant, le numéro de corde sera important. »

Le rêve d’Arc

Titleholder est pris en 124 de rating. Sur 2.400m turf, il est le meilleur au monde à égalité avec Pyledriver (Harbour Watch), l’un des absents de l’Arc. Ce sera une question de marge : la sienne et celle des autres, notamment des 3ans. Titleholder emmène la coalition nippone : quatre japonais au départ de l’Arc, c’est un record. Toru Kurita analyse : « Au Japon, on parle beaucoup de l’Arc actuellement, avec quatre partants. Plusieurs chevaux japonais ont déjà tenté leur chance et nous n’avons pas encore gagné la course. C’est notre souhait le plus cher. Le niveau des chevaux japonais n’a fait que progresser, j’espère que nous aurons le meilleur résultat possible ! J’ai été marqué par la tentative de Deep Impact (Sunday Silence). C’était le plus grand cheval du Japon et même lui n’a pas réussi à gagner cette course. Ce souvenir m’a marqué. Gagner l’Arc… c’est le sommet, c’est tout en haut, plus haut que les nuages ! J’essaye de rester calme, comme je le suis au Japon. Ne serait-ce que pour le bien de mon cheval. » Du côté des autres japonais, Do Deuce (Heart’s Cry) a travaillé sur la piste des Lions vers 8 h 30, étant très sollicité. Deep Bond et Stay Foolish (Stay Gold) font quant à eux un travail sérieux jeudi matin.

Si ce n’est la mère et si ce n’est la sœur…

Titleholder appartient à Hiroshi Mayada. Cet homme d’affaires âgé de 76 ans a fait fortune dans l’immobilier. C’est le meilleur cheval qu’il ait eu pleine propriété, lui qui a aussi eu Sound True (French Deputy) sous ses couleurs, un gagnant de la Champion Cup (Gr1, l’équivalent sur le dirt de la Japan Cup). Son histoire avec Titleholder est celle de rendez-vous manqués. Il a expliqué en début d’année à la presse japonaise : « Il y a environ dix ans, Makio Okada (Okada Stud) m’a présenté Mowen (Motivator) et m’a demandé ce que j’en pensais. J’ai regardé le catalogue : Motivator (Montjeu) comme étalon et Shirley Heights (Mill Reef) en père de mère. Il y avait aussi Be my Guest (Northern Dancer) plus haut : c’était solide mais je ne pensais pas que le pedigree était idéal pour les courses japonaises. »

Mowen a finalement couru et gagné six courses, de 1.200m à 2.600m, dont trois épreuves de Stakes ! Au haras, tout s’est avéré beaucoup plus compliqué pour la jument. Elle donne naissance à son premier produit en 2016. C’est une pouliche par Orfèvre (Stay Gold) et Makio Okada recontacte Hiroshi Mayada pour savoir s’il est intéressé : « Je suis allée voir la pouliche yearling... Quand on me l’a présentée, j’ai dit que ce n’était pas elle que j’étais venu voir mais une yearling. Mais c’était bien elle : elle était toute petite ! Et j’ai refusé de l’acheter. » Cette pouliche s’appelle Melody Lane et l’adjectif petite est bien mérité. À 3ans, elle a été pesée à 338 kilos : c'est le poids le plus léger pour un cheval gagnant jamais enregistré sur le circuit de la Japan Racing Association. Petite certes, mais loin d’être mauvaise : Melody Lane est double lauréate de Stakes (L), sur 2.600 et 3.000m, cinquième du St Leger, et elle a même couru trois fois face à son frère Titleholder dans les Grs1.

Le deuxième produit de Mowen est Titleholder. Cette fois, Hiroshi Mayada n’a pas laissé filer le poulain : « Quand j’ai jeté mon dévolu sur Titleholder, Melody Lane n’avait pas couru. À cette époque, les produits de Duramente (King Kamehameha), sur lequel j’étais un propriétaire associé, se vendaient assez cher. Mais j’ai réussi à obtenir Titleholder aux ventes moyennant un bon prix [l’équivalent de 140.000 € alors qu'en 2018, les foals de Duramente ont enregistré un prix moyen de 387.500 €, ndlr]. Il n’y avait personne face à moi, j’étais assez inquiet (rires) ! Je me souviens d’être allé le voir au haras quand il avait 2ans. Makio Okada m’a alors dit : il va gagner le St Leger ! » Le reste fait partie de l’histoire.

Depuis Titleholder, Mowen a rencontré Gold Ship, Victoire Pisa (Neo Universe), de nouveau Duramente et Kizuna (Deep Impact). Sans succès.

 

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