Comment réduire les aléas du tirage au sort des places à la corde ?

Courses / 11.10.2022

Comment réduire les aléas du tirage au sort des places à la corde ?

Par Éric Blaisse, membre du Bureau de l’Association nationale des turfistes

« Torquator Tasso aurait-il remporté l’Arc pour la deuxième fois s’il n’avait dû couvrir une dizaine de mètres de plus que le vainqueur du fait de son numéro à la corde tout à l’extérieur (le 18) ? Onesto n’a-t-il pas été empêché de donner sa pleine mesure par son numéro à la corde tout à l’extérieur (le 14) dans le Prix du Jockey Club, dans lequel il n’a terminé que cinquième, alors qu’il a ensuite remporté le Grand Prix de Paris et terminé deuxième des Irish Champion Stakes ? Au départ de chaque grande épreuve très fournie en partants, le même débat resurgit : la course n’est-elle pas déjà en partie jouée avant même le départ pour certains chevaux relégués à l’extérieur par le tirage au sort ? Ne peut-on vraiment pas réduire les aléas de l’attribution des places à la corde ?

Il serait pourtant possible d’attribuer les places à la corde, non pas selon le hasard du tirage au sort, mais selon les classements internationaux. En tennis, Federer, Nadal et Djokovic ne se rencontrent jamais dans les premiers tours d’un tournoi. Au contraire, leur parcours est protégé en vertu de leur classement ATP, et personne ne remet en cause ce système des "têtes de série". Au trot, à l’étranger, quand il y a deux batteries qualificatives avant la finale, ce sont les drivers des chevaux les mieux classés dans les batteries qui choisissent leur numéro de corde pour la finale, et tout le monde accepte cette règle sans problème. Au football, c’est le système des "chapeaux" qui a été mis en place pour que la compétition ne soit pas décapitée trop tôt si les meilleurs se rencontrent dès le début. Ainsi, pour la Coupe du monde, les plus grandes nations commencent le tournoi dans des groupes séparés. Au niveau européen, en Ligue des Champions, c’est le même système qui est adopté, et, même si, forcément, il y a des groupes plus difficiles que d’autres, personne ne voudrait s’en remettre au hasard pur, avec le risque que les favoris s’affrontent d’entrée.

On pourrait adapter ces systèmes aux courses, ne serait-ce que pour les grandes épreuves, en décidant de privilégier de la même façon les chevaux qui, tout au long des douze mois précédents, se sont montrés les meilleurs et ont le plus mérité d’être au départ dans de bonnes conditions. Une fois ce principe adopté, il faudrait se mettre d’accord sur ses modalités d’application. Se conformera-t-on rigoureusement aux classements nationaux et internationaux pour attribuer les places à la corde en commençant par le cheval le mieux classé pour la corde n°1, ou laissera-t-on un peu de part au hasard (mais pas trop) en désignant des zones à l’intérieur desquelles on maintiendrait un tirage au sort ? Par exemple, les 4 chevaux les mieux classés seraient placés d’autorité dans le premier groupe des places à la corde (cordes 1 à 4), mais on procéderait à un tirage au sort pour préciser les places des uns et des autres à l’intérieur de ce groupe, et ainsi de suite pour les groupes suivants, les chevaux classés de la 5e à la 8e place seraient versés dans le groupe n° 2 (cordes 5 à 8), avec tirage au sort à l’intérieur de ce groupe, etc.

Il y aurait bien une autre solution, certes plus difficile à réaliser, mais rien n’interdit d’y penser. C’est une solution qui s’inspirerait de ce qui se fait depuis des lustres en athlétisme. Quel est l’athlète de haut niveau qui aujourd’hui accepterait de couvrir plus de distance que ses concurrents parce qu’il serait placé au départ à l’extérieur des autres, sans compensation aucune ? Aucun champion n’accepterait cela. C’est pourquoi, sur les stades,  les couloirs sont décalés progressivement les uns par rapport aux autres, sur 200m et sur 400m, pour éviter que certains concurrents aient plus de chemin à parcourir que d’autres. C’est une question d’équité, et tout le monde trouve ce système satisfaisant.

C’est de cette pratique du décalage que l’on pourrait s’inspirer au galop. Au trot, d’ailleurs, certains ont déjà pensé à placer les ailes de la voiture autostart de façon oblique, pour que les chevaux situés à l’extérieur partent un peu en avant par rapport à ceux de la corde, et que les chances soient ainsi un peu égalisées, mais cette initiative innovante ne s’est pas généralisée. Au galop, il s’agirait donc de placer les stalles de départ de façon un peu décalée, de la première à la dernière, chaque stalle à partir de la corde étant légèrement avancée par rapport à la précédente, les chevaux positionnés à l’extérieur partant donc quelques mètres en avant par rapport à ceux de la corde, petite avance qui compenserait le fait qu’ils aient plus de distance à parcourir en partant de l’extérieur.

Si on aime les courses, on ne doit pas se satisfaire de ce que ce ne soit pas le meilleur qui gagne. Tout doit être mis en œuvre pour réduire au maximum la part du hasard, l’injustice, l’inégalité, et éviter que dès le départ, certains chevaux s’élancent avec un handicap évident. Le débat est ouvert. On doit sûrement pouvoir améliorer le système existant. »

 

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