La course à la digitalisation

Magazine / 28.10.2022

La course à la digitalisation

La course à la digitalisation

La fièvre NFT, avatar, métavers et Web3, arrive dans les courses. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Pour cette deuxième partie de notre dossier, nous nous sommes intéressés à Ohrac, un projet "NFT" adapté aux courses dont le lancement est imminent. [Partie 2/3].

Pierre Meskel, cofondateur de Ohrac : « Avec nos NFT, nous avons pour ambition de rajeunir la population des courses et d’améliorer la compréhension de ce sport, tout en divertissant »

Jour de Galop. - Pouvez-vous nous présenter Ohrac ?

Pierre Meskel. - Avec mon associé, Nawfal Flayou, nous sommes partis de ce constat : il est de plus en difficile de faire venir les gens aux courses. J’ai 30 ans, et quand j’explique que les courses sont ma passion, que j’ai des parts dans un trotteur, ce n’est pas toujours pas bien vu. Cette "incompréhension" ou ce "désintérêt" du grand public se traduit d’ailleurs par une baisse des enjeux depuis des années. De plus, l’âge de la clientèle des courses ne baisse pas ou peu, car le secteur n’arrive pas à recruter des jeunes. Le concept que nous lançons cible les 18-34 ans, mais bien sûr nous sommes ouverts à tout le monde ! Il a pour but de rajeunir la population des courses et d’améliorer la compréhension de ce sport, tout en divertissant.

Plus concrètement ?

Nous avons développé une place de marché où vous pourrez acheter, en argent réel ou cryptomonnaie, revendre et/ou collectionner des cartes numériques de réels chevaux de course, c’est-à-dire des NFT dont l’authenticité est, par définition, garantie via un accord passé directement avec les propriétaires. La valeur de ces cartes évoluera en fonction des performances des chevaux lors des courses avec des récompenses à gagner en s’amusant au jeu fantaisie. Il existera deux marchés. Le marché primaire sera constitué de nouvelles cartes (NFT) émises sur le marché par Ohrac qui pourront être payées soit en euros, soit en Tezos (XTZ), une cryptomonnaie bien connue. Le second marché est constitué uniquement de cartes vendues par des utilisateurs Ohrac. Là, les transactions ne se feront qu’en Tezos.

Si, par exemple, j’achète la carte d’un cheval encore maiden et que celui-ci vient à gagner un Groupe quelques mois plus tard, je peux donc espérer faire de jolis bénéfices si je choisis de la vendre ?

Oui, choisir le bon cheval qui va progresser dans le temps vous permettra ensuite de réaliser des bénéfices en revendant les cartes sur une place de marché, via donc un système d’enchères public. Plus les cartes seront rares, plus la valeur augmentera, la rareté provenant de leurs résultats dans les courses black types notamment. Une carte d’un gagnant de Gr1 sera par exemple éditée en un seul exemplaire. En ayant plusieurs cartes, vous vous constituerez une écurie et tenterez de devenir un top manager, ce qui vous permettra de gagner des points et d’être récompensés, en obtenant de nouvelles cartes ou bien en gagnant de la cryptomonnaie. La carrière en course d’un cheval étant globalement courte, il y aura également un volet "élevage" dans Ohrac, qui est en phase d’étude. En réalité, notre concept offre une multitude de possibilités aux utilisateurs et j’invite vos lecteurs à se rendre sur notre site (https://ohrac.com/) pour en savoir plus.

Votre projet a donc la particularité d’être basé sur les NFT et donc d’utiliser l’image de vrais chevaux, de vraies casaques. Combien avez-vous de chevaux signés pour le moment ? Et quand la plateforme sera-t-elle opérationnelle ?

Pour commencer, sachez que nos cartes numériques sont toutes émises sous contrat avec des propriétaires partenaires. Nous signons un contrat pour qu’ils nous autorisent à utiliser le nom et l’image du cheval. Nous avons à ce jour plus de huit cents chevaux signés, dont une bonne majorité de trotteurs. Le jeu Ohrac sera lancé en janvier 2023, mais la place de marché, elle, le sera dès le coup d’envoi du meeting de Vincennes, c’est-à-dire d’ici quelques jours. C’est pourquoi il nous a semblé bien d’avoir davantage de trotteurs pour le moment.

Dans votre concept, il est aussi question de la filière et du versement d’une commission aux propriétaires. Pouvez-vous nous en parler ? À combien s’élève-t-elle ?

Nous reverserons les commissions par trimestre. Celles versées aux propriétaires sont comprises entre 10 % et 35 % (du prix de vente d’une carte sur le premier marché) en fonction de la durée du contrat. Nous discutons actuellement avec les institutions pour reverser également un pourcentage sur chaque vente de carte.

Ohrac s’inspire de Sorare. Combien espérez-vous toucher de personnes avec votre projet, sachant que les courses et le football, qu’on le veuille ou non, ne drainent pas autant de personnes ?...

Sorare, ce sont 85.000 utilisateurs payants en France. En restant très humbles, si nous tendons vers un chiffre qui s’en approche, ce sera une excellente nouvelle pour la filière. Si c’est un succès, cela voudra dire que nos cartes se vendront à plus de 10 ou 20 €. Et quand on voit que la carte la plus rare de Mbappé vaut pas loin de 400.000 €, cela laisse rêveur…

L’ANJ vigilante

Dans notre précédente édition, nous abordions le cas de Sorare, le modèle que certains tentent d’adapter aux courses. Rappelons que cette startup a deux activités, l’une est une place de marché (market place), l’autre est l’organisation de compétitions. La seconde est susceptible de poser un problème car elle pourrait être considérée comme un jeu d’argent. C’est en tout cas ce sur quoi se penche actuellement l’Autorité nationale des jeux. Dans une interview parue dans Les Échos au mois de septembre, la directrice de l’ANJ, Isabelle Falque-Pierrotin, interrogée sur ce sujet, répondait ceci : « Après plusieurs échanges, le collège de l’Autorité nationale des jeux a eu connaissance du cas Sorare, qui est susceptible de constituer une activité de jeu d’argent. On entre donc dans une phase de formalisation de nos échanges avec Sorare. La question étant : quelle va être leur réaction ? Ils ont le choix entre s’extraire de la catégorie des jeux d’argent, ou demander un agrément pour avoir une dérogation. Ils nous ont proposé une solution de régularisation que nous devons expertiser. À ce stade, c’est la première option qui semble être privilégiée par Sorare. » Contactée au sujet d’Eqwin et de Ohrac, deux projets dans les courses s’inspirant de Sorare, l’autorité nous a dit qu’elle s’était rapprochée d’Eqwin et qu’elle ferait de même avec Ohrac.