International / 27.11.2022

Une grande semaine de vente d’élevage en Europe : 49 gagnantes de Groupe à vendre en six jours

Quarante-neuf gagnantes de Groupe (depuis 2019) passeront sur les rings de Tattersalls et d'Arqana de lundi à samedi. Les plus jeunes ont 2ans. Les plus âgées sont les 7ans Nafayees (Exceed and Excel) et Princess Zoe (Jukebox Jury). Trente-deux sont encore capables de courir, 10 sont déjà pleines et sept figurent dans le catalogue comme sortant de l’entraînement.

Par Franco Raimondi

Le monde a changé. Même celui de l’élevage. Nous avons tous été élevés avec des traditions d’élevage bien ancrées dans notre inconscient. Chaque adolescent qui a trainé ses guêtres dans un haras traditionnel s’est entendu dire : «Pour faire une mère, il faut du modèle et une souche, les championnes ne produisent pas ». Jusqu’à une période pas si lointaine que cela, les très bonnes juments de course ne réalisaient d’ailleurs pas forcément des valeurs folles sur les rings en fin de carrière sportive. Par exemple, Dumka (Kashmir II), gagnante de la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1) en 1974, avait été vendue 60.000 Gns (environ 300.000 €) chez Tattersalls, en décembre. C’était une belle somme, certes. Mais très loin de la valeur d’une gagnante classique en 2022. Et pour cause, entre temps, les statistiques ont fait leur apparition dans notre univers. Les chiffres nous disent la chose suivante : à défaut d’être une martingale (toutes les juments produisent plus de "mauvais" que de "bons"), les gagnantes de Groupe sont statistiquement les plus à même de produire des chevaux de leur niveau. D’où l’embellie de ce type de profils dans les ventes car les "nouveaux maîtres du galop mondial", et notamment les Japonais, ont des fortunes à dépenser pour ce type de prospects. Dans le même temps, le marché des yearlings étant de plus en plus compliqué, les éleveurs et propriétaires européens essayent de saisir la valorisation au "meilleur moment possible" pour équilibrer les comptes. Et cela peut passer par vendre des juments à l’instant précis où elles atteignent le sommet de leur valeur commerciale.

Sept lauréates de Gr1 en vente

Sept gagnantes de Gr1, dont six en 2022, ce n’était jamais arrivé. Alcohol Free (No Nay Never) a remporté la July Cup. La Petite Coco (Ruler of the World) s’est imposée dans les Pretty Polly. Pearls Galore (Invincible Spirit) a dominé les Matron. Saffron Beach (New Bay) a gagné le Prix Rothschild. Sweet Lady (Lope de Vega) a connu son heure de gloire dans le Prix Vermeille. Alors que la 2ans The Platinum Queen (Cotai Glory) a écrit l’histoire en remportant le Prix de l’Abbaye de Longchamp face aux chevaux d’âge. Ces 49 femelles affichent un rating moyen de 106,6. Et ce même si quatre lauréats de Groupe, dont les gagnantes de Gr1 Grand Glory (Olympic Glory) et la flèche Winter Power (Bungle Inthejungle), ont été scratchés.

Treize millionnaires en 2017

Les planètes se sont alignées cette année pour faire naître une offre d’une qualité rare. Et c’est un peu le fruit du hasard. À l’image de 2017, l’année où Tattersalls avait vendu les gagnantes de Gr1 Marsha (Acclamation) et Quiet Reflection (Showcasing). Deux juments ayant fait carrière pour des syndicats. En 2017, le catalogue comptait d’autres juments de classe appartenant à des petits propriétaires et la dispersion Ballymacoll. D’où un record de millionnaires en vente publique : 11 chez Tattersalls, une chez Goffs et Arqana…

Souvenez-vous de 2021 à Deauville

L’an dernier, l’offre était exceptionnelle à Deauville. Et cinq femelles ont atteint un prix à sept chiffres, dont les gagnantes de Gr1 Rougir (Territories) et Grand Glory. Sans oublier Purplepay (Zarak) et Speak of the Devil (Wootton Bassett). Cinq femelles pour 11,5 millions, c’était presque la moitié du segment des pouliches. Tattersalls n’avait vendu que quatre millionnaires, mais aucune n’avait gagné son Gr1. Alors que Goffs n’avait pas eu des femelles à sept chiffres l’année dernière…

Une offre au top après une année record

La grande question, à la veille des deux grandes ventes d’élevage, est la suivante : comment le marché va-t-il réagir face à une offre d’une qualité exceptionnelle. Les ventes de yearlings et de foals ont affiché des résultats très brillants sur la plupart des marchés. L’année dernière, le cumul du chiffre d’affaires de Goffs, d'Arqana et de Tattersalls avait battu le record de 2017 à 128,85 millions d’euros. L’offre de cette année est encore supérieure, avec des lots uniques. Mais les acheteurs qui peuvent signer sans problème un chèque à sept chiffres pour une jument ne se comptent pas en centaines… Comme me disait un vieil éleveur : « Une bonne poulinière, c’est comme un diamant. Pour toujours. »

Pas facile de faire des plans

Le marché pour les chevaux à l’entraînement a été fort. Très fort même, surtout à Tattersalls et à la vente de l’Arc. Si on regarde la liste des gagnantes de Groupe à vendre dans les six jours prochains, peu ont encore une carrière sportive devant elles. Peut-être un tiers si liste celles qui ont montré de la classe sans parvenir à trouver leur grand jour. Le marché, par essence, aime les chevaux sur la montante. Une pouliche prometteuse, avec un joli pedigree, vaut beaucoup d’argent. Même avant d’avoir été testée au niveau black type…

Les nouveaux investisseurs et les superpuissances

Pour réussir des ventes, il faut toujours que l’offre et la demande se rencontrent, avec si possible plusieurs nouveaux acheteurs. La première vente d’élevage, il y a une semaine à Goffs, a été portée par Yuesheng Zhang. Il a acheté 18 femelles pour son étalon Lucky Vega (Lope de Vega). Soit 5,25 millions, ce qui représente 30 % du chiffre d’affaires de la vente. L’homme de Yulong a annoncé que son shopping n’est pas encore terminé. Bonne nouvelle. Surtout qu’il connaît l’adresse de l’établissement des ventes Arqana. Les superpuissances, Godolphin et Coolmore, se sont montrées timides aux ventes de foals européennes. Tout comme à Keeneland Novembre. Les éleveurs japonais, au contraire, ont investi fortement. Et ils ont déjà acquis des bonnes juments sur les rings – et à l’amiable – malgré la faiblesse du yen.

APLAT

Un pari et ses cotes…

De lundi à samedi, 49 gagnantes de Groupe passeront sur les rings de Newmarket et Deauville. C’est un moment très important pour toute la filière élevage et courses mais il ne faut pas non plus en faire un soap opéra. Après en avoir longuement discuté avec un ami courtier, j’ai décidé de revenir aux sources du sport le plus beau du monde. C’est-à-dire en proposant des cotes sur le nombre de gagnantes de Groupe qui seront vendues pour un prix à sept chiffres. La cote pour plus de 15 millionnaires est de 0,8/1. C’est optimiste, mais il faut un peu de courage dans la vie. Si vous penchez pour un nombre entre dix et quinze millionnaires, je peux vous proposer 1,5/1. Alors que si vous êtes plutôt pessimiste, je vous offre 6/1 pour le scénario "moins de dix gagnantes de Groupe vendues à un million". La mise maximale est de 10 €…

FIN APLAT

LES GAGNANTES DE GROUPE – DEPUIS 2019 – À VENDRE LA SEMAINE PROCHAINE