
Courses / 06.02.2023
Il Était Temps, ou les bonnes intuitions de Paul Couderc et Emmanuel Clayeux
Dimanche en Irlande, Il Était Temps a offert un premier Gr1 à Paul Couderc en tant qu’éleveur. Une belle histoire qui est partie d’une association avec Emmanuel Clayeux, lequel a fait partie des précurseurs dans l’utilisation de Jukebox Jury en obstacle…
Par Adrien Cugnasse
Paul Couderc était forcément ravi après la victoire de son élève et ancien pensionnaire dans le Tattersalls Ireland Novice Hurdle (Gr1). Difficile de savoir quelle course il va viser à Cheltenham car Willie Mullins a tellement de chevaux pour le grand meeting anglais qu’il fait ses choix un peu au dernier moment ! Lundi, l’homme d’Aurillac nous a confié : « Tout a commencé avec l’achat de la mère, Une des Sources (Dom Alco), issue d’une belle souche Vagne, en association avec Michel Parreau-Delhote. La jument a gagné deux steeples à Pau et le Prix Samaritain à Auteuil. Elle était entraînée par Emmanuel Clayeux. Un grand professionnel, avec une bonne analyse de ses pensionnaires. J’apprécie le fait de travailler avec lui. Il ne craint pas de prendre son temps et les acheteurs étrangers ont confiance dans les chevaux issus de son écurie. Car on sait qu’ils ont de la marge. Pour en revenir à Une des Sources, j’ai racheté la part de Michel Parreau-Delhote. Et elle est partie à l’élevage chez son ancien entraîneur, Emmanuel Clayeux donc, avec qui j’ai alors créé une autre association. Il avait repéré Jukebox Jury (Montjeu) en Allemagne. Sur ses conseils, nous lui avons envoyé deux juments. Ces deux croisements ont donné Il Était Temps, lauréat de Gr1, mais aussi I Can Do it Sir (Jukebox Jury), qui a montré de la qualité à Auteuil. Il Était Temps a certainement de la marge de progression dans sa manière de sauter les claies. Et je vais essayer d’aller le voir lorsqu’il courra la prochaine fois ! » Une des Sources est aussi la mère de Jourdefête (Free Port Lux), au départ (sans succès cependant) du Donohue Marquees Spring Juvenile Hurdle (Gr1), la veille de la victoire de son frère… Malheureusement, la jument est morte.
Jukebox Jury a aussi bien produit en plat
Pas né pour aller tôt aux courses – par Montjeu (Sadler’s Wells) sur une mère ayant débuté sur 2.100m à 3ans –, Jukebox Jury était intenable à 2ans. Si bien que Mark Johnston avait couru cet élève de Paul Nataf pas moins de cinq fois à cet âge. Un signe de qualité. Car la classe compense beaucoup de choses chez ceux qui ne sont pas précoces. Jukebox Jury a ainsi gagné un Groupe sur le mile à 2ans, avant de se classer deuxième du Racing Post Trophy (Gr1). À 3ans et plus, après avoir remporté plusieurs Groupes sur 2.000m/2.400m, il a gagné à l’âge de 6ans le St Leger Irlandais (Gr1). Ce qui lui a concrètement fermé le marché du plat outre-Manche pour sa future carrière au haras. Jukebox Jury a tiré sa révérence sur une 20e place dans la Melbourne Cup (Gr1). Pas de quoi cependant faire peur aux Allemands et il est parti rejoindre la cour d’étalon du Gestüt Etzean. En plat, avec seulement 174 partants, Jukebox Jury a donné pas moins de 21 sujets ayant décroché du caractère gras. Soit un taux de 12 % de black types par partant. Ce qui est assez exceptionnel pour un reproducteur à 5.500 €. Son produit le plus célèbre est bien sûr Princess Zoe (Jukebox Jury), charismatique lauréate du Prix du Cadran (Gr1). Mais comme nous l’avait confié en 2021 Ralf Kredel (Gestüt Etzean), l’offre des Irlandais de Burgage Stud, pour saillir sur le marché de l’obstacle, était impossible à refuser dans le contexte difficile d’un haras allemand. Et l’étalon a aussi réussi dans son nouveau métier. À ce jour, il a donné 14 black types en obstacle, dont trois lauréats de Gr1. Cela étant dit, lors de la conception d’Il Était Temps, la plupart de ces bons sauteurs n’avaient pas encore couru. Il fallait donc avoir l’idée de l’utiliser !
Pourtant, en Irlande, cet étalon est sous-utilisé
Victor Connolly (Burgage Stud) – qui fait saillir Jukebox Jury en Irlande – n’affiche pas de tarif officiel. Mais son prix est très accessible, l’équivalent d’un jeune étalon en France. Il reflète le fait que les Irlandais produisent avant tout pour les rings de vente (jamais pour courir). En 2022, il nous avait confié : « L’emprise commerciale sur le marché irlandais nous fait donc passer à côté de beaucoup d'étalons. Et ce d'autant plus que certains jeunes chevaux vont saillir 200 ou 300 juments avant d'avoir eu le moindre partant, car les foals se sont bien vendus. Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile de lancer un étalon en Irlande en dehors des grosses structures. Surtout que les éleveurs irlandais ne tiennent pas compte de la production en plat des étalons qui viennent de l'étranger. Shantou (Alleged) a réussi ici, mais le fait qu'il ait produit Sweet Stream (Prix Vermeille, Gr1) avant son arrivée en Irlande ne l'avait aucunement aidé. Aujourd'hui, cela se reproduit avec Jukebox Jury. Les victoires de Princess Zoe n'ont pas marqué l'esprit de mes clients irlandais. Une victoire dans un point-to-point a plus d'impact d'un point de vue commercial. Nous allons devoir faire preuve de patience et attendre ses premiers partants conçus ici. » Peut-être la victoire d’Il Était Temps changera-t-elle la perception de son père sur le marché des foals en Irlande, où un autre fils de Montjeu (c’est-à-dire Walk in the Park) règne en maître.
Ce week-end, c’était la Saint Montjeu !
Les trois premiers du Grand Prix de Pau (Gr3) ont le même grand père : Montjeu ! Ils sont nombreux les fils de ce grand étalon à avoir réussi dans la production de sauteurs. À commencer par Masked Marvel (Montjeu) et Joshua Tree (Montjeu) à Pau, ce week-end… Co-éleveur d’Il Était Temps, Emmanuel Clayeux se souvient : « Les croisements, me concernant, cela n’a rien de scientifique ! (rires) Cette année-là, un camion de juments françaises était parti à la saillie de Jukebox Jury. J’aimais bien ce cheval, pas trop grand, avec des points de force au bon endroit. Et puis c’est un fils de Montjeu. C’est parfois intéressant d’apporter de la classe de plat sur des juments ou des familles ayant montré de la qualité en obstacle. » Dans le pedigree maternel d’Il Était Temps, on trouve beaucoup d’étalons ayant brillé eux-mêmes sur les obstacles. Comme Dom Alco (Dom Pasquini), son père de mère. Mais aussi (plus loin dans son pedigree) Lute Antique (Prix Amadou et Prix des Drags) et Verdi (Grande Courses de Haies d’Auteuil). Emmanuel Clayeux poursuit : « La mère d’Il Était Temps est par Dom Alco, un étalon exceptionnel. Tous ceux que j’ai "passés" lorsque que j’étais pré-entraîneur ont gagné. Sans exception. C’était un vrai vecteur d’aptitude au saut. Bien que né pour galoper, Dom Alco avait fait carrière en obstacle. Lorsqu’il est entré au haras, on disait alors qu’il ne fallait pas croiser "obstacle" sur "obstacle". Et cela l’a un peu desservi. »
Emmanuel Clayeux, éleveur à succès
On se souvient de la victoire d’Al Boum Photo (Buck’s Boum) dans la Gold Cup (Gr1) de Cheltenham. Issu d’une mère par Dom Alco ( !), il avait été élevé par Emmanuel Clayeux, en association avec Jacky Rauch. Emmanuel Clayeux explique : « Je n’ai qu’une dizaine de poulinières, dont quelques-unes en association… et j’essaye de réduire. Je préfère acheter des poulains, car quand on les élève, on ne peut pas les choisir, ils naissent comme ils sont ! » Au sujet de sa manière de choisir ses poulinières, l’entraîneur détaille : « J’essaye de choisir des juments qui ont du pedigree, qui sont gagnantes et qui ont du modèle. Je peux faire une exception pour les juments très bien nées et qui ont une bonne excuse pour ne pas avoir gagné. On disait avant qu’il ne fallait pas mettre au haras les juments qui avaient couru longtemps. Netcam (Network) vient de gagner à l’âge de 11ans, on verra dans quelques années comment elle produit ! » Il conclut : « Je suis contre les primes à l’étranger. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre quand on a bien vendu un cheval à l’étranger ! À mon sens, dans le contexte actuel de l’obstacle, il est préférable de supprimer les primes à l’éleveur pour les chevaux qui courent à l’étranger… quitte à en rajouter pour l’enveloppe à destination des chevaux qui sont restés en France. »
PHOTO 2_ Paul Couderc et Emmanuel Clayeux CREDIT scoopdyga
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