
Magazine / 18.03.2023
Le certificat d’engagement et de connaissance : Selon la loi, qui aura le droit de s’occuper de nos chevaux à l’avenir ?
Par Blanche de Granvilliers
Membre de l'Institut du droit équin
Membre de l'Association avocats et droits de l'animal
Dans un article précédent de Jour de Galop de septembre 2022, nous avons présenté les grandes lignes du Certificat d’engagement et de connaissance issu de la loi Dombreval du 30 novembre 2021 au lendemain du décret d’application du 18 juillet 2022.
Quel est le but et l'objet de ce certificat ?
L'initiative de cette réforme est venue du constat fait, par les professionnels notamment, qu'il existe de la maltraitance des équidés par méconnaissance de leurs besoins fondamentaux. De nombreux chevaux – le plus souvent des chevaux âgés – sont cédés souvent gracieusement contre bons soins à des personnes pleines de bonne volonté mais qui ignorent, ou bien ont une connaissance insuffisante de leurs besoins essentiels (parage régulier, nourriture, abri, vermifuge, mais aussi instinct grégaire, besoin de compagnie, etc.).
Ce certificat a donc pour objectif de vérifier leur connaissance des besoins fondamentaux des équidés du détenteur. Il ne vise pas le propriétaire, qui n'a pas forcément la charge quotidienne et matérielle du cheval.
Qui est concerné ?
Deux arrêtés ont été publiés le 29 décembre 2022 ; en schématisant on peut dire que le premier concerne les professionnels, il publie la liste des diplômes et titres qui permettent de se dispenser du certificat, tandis que le second arrêté s’adresse aux non-professionnels, puisqu’il énumère la liste des organismes habilités à délivrer ce certificat à ceux qui n’en sont pas dispensés.
Grâce à ce premier arrêté qui publie la liste des diplômes, certificats et titres, ceux qui sont titulaires de l’un de ces diplômes n’auront a priori aucune démarche à faire ; leur diplôme leur permet d’attester de leurs connaissances pour détenir un équidé.
Dans cette liste, s’agissant des sports hippiques, on trouve notamment les entraîneurs, les permis d’entraîner, le Capa palefrenier soigneur, le Capa lad/cavalier d’entraînement, le bac pro conduite et gestion de l'entreprise hippique, la formation pour devenir entraîneur, le permis d’entraîner.
Parmi les socioprofessionnels absents de cette liste, on trouve les propriétaires et les agents de jockeys, ce qui s’entend. Plus étonnant cependant, les jockeys ne sont pas directement visés comme ayant un titre les dispensant du certificat. Certes les jockeys issus de la filière Afasec sont titulaires soit du Capa lad/cavalier d’entraînement, soit du bac pro CGEH, soit du BTSA proposé par l’Afasec. Idem pour les jockeys issus des maisons familiales rurales, qui proposent des formations diplômantes dans les métiers du cheval, qu’il s’agisse des courses hippiques ou des sports équestres (BPJEPS).
Néanmoins nos jockeys n’ont pas tous été apprentis, certains ont pu avoir un bac général, être gentlemen, avant de devenir professionnels. On peut regretter que leur licence, qui est délivrée après une vérification de leurs compétences, ne leur permette pas de se dispenser du certificat d’engagement et de connaissance dont bénéficient d’autres professionnels de la filière.
Précisons à ce sujet que la Fédération française d’équitation a d’ores et déjà indiqué la concernant que « eu égard au caractère partiel de cette liste et à la saisine de l’inspection de l’enseignement agricole, celle-ci sera révisée », ce qui sous-entend qu’elle pourra être postérieurement complétée. Il pourrait en être de même pour notre filière hippique.
Et pour ceux qui n’ont pas de diplôme ?
À ce stade, aucun de ces deux arrêtés ne fournit d’informations, ou même n’évoque le cas de ceux qui ne sont pas titulaires d’un diplôme mais qui peuvent se prévaloir d’une expérience au contact des chevaux d’une durée minimale de 18 mois qui leur permettrait de se dispenser du fameux certificat. On pourrait retrouver dans cette exception les lads et les cavaliers d’entraînement non diplômés par exemple, voire les jockeys n’ayant aucun des diplômes cités plus haut.
On espère que l’instruction technique qui sera prochainement publiée fournira les informations manquantes pour tous ceux qui ont l’expérience mais pas le titre.
Cette liste ne lève pas certaines interrogations sur la qualification de professionnel. Prenons par exemple un propriétaire qui crée une structure (SCEA, EARL) pour une ou deux poulinières qu’il va confier à des tiers. Il est juridiquement un professionnel, il dispose d’une entreprise agricole et pour autant personne n’a contrôlé ses connaissances pratiques. Devra-t-il signer ce certificat ?
Le second arrêté publié le même jour concerne cette fois les non-professionnels, ceux qui devront justifier de ce certificat d’engagement et de connaissance. Rappelons que le texte prévoit ceci :
« Toute personne détenant un équidé (il ne s’agit plus là d’être simplement au contact direct d’un équidé !), doit justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance délivré par les organismes professionnels de la filière équine figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre de l’Agriculture, ou par un vétérinaire. »
Qui délivre les certificats ?
L’arrêté publie la liste des organismes habilités à délivrer ce certificat, ce sont les suivants :
- la Société hippique française ;
- la Société française des équidés de travail ;
- France Galop ;
- la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français ; (le TROT)
- la Fédération française d'équitation ;
- la Fédération nationale du cheval ;
- le Groupement hippique national ;
- la Fédération des conseils de chevaux.
Le contenu de cet arrêté sur la liste des organismes pouvant délivrer le certificat semble a priori faire consensus. Ce qui fait moins consensus, c’est le fait qu’un vétérinaire puisse délivrer un certificat d’engagement et de connaissance pour les équidés (rappelons que le certificat d’engagement et de connaissance est propre à l’espèce considérée, c’est-à-dire qu’il existe un certificat différent selon qu’il s’agit d’un chien, d’un chat, d’un furet, d’un lapin ou d’un équidé) alors qu’il peut ne soigner que des chiens et des chats, et qu’il n’aura donc aucun moyen de savoir si le détenteur connaît ou non les besoins spécifiques de l’espèce, faute de pouvoir le vérifier lui-même en allant examiner le cheval chez le détenteur.
Il convient d’attendre les modalités de délivrance de ce certificat. La délivrance peut aussi être subordonnée à un questionnaire organisé par l'organisme qui permettra de disposer de ce certificat. Dans sa revue REF du mois de mars, la FFE propose une formation intitulée « module pratique capacité détenteur d’équidés ». Est-ce qu’elle subordonnera la délivrance du certificat seulement à ceux qui l’auront suivi ? Est-ce que France Galop proposera également à ses adhérents de disposer de ce certificat après avoir suivi une formation ? On pense notamment aux gentlemen et aux cavalières, qui par définition ne sont pas des professionnels.
La délivrance du certificat serait-elle payante ? Cela est fort probable s’il est conditionné à un examen pratique ou théorique ou s’il est délivré par un vétérinaire qui engage sa responsabilité déontologique et professionnelle en cas de faux certificat.
Ce dernier point nous permet de nous interroger sur la valeur du certificat. Engage-t-il celui qui le délivre ? Très clairement, dans sa web conférence organisée par l’IFCE, la réponse est négative. Selon l’IFCE, c’est plus un certificat d’engagement que de connaissance, c’est un outil de sensibilisation, un document d’information, sachant qu’à ce jour il n’y a pas de formation obligatoire.
D’autres questions concernent cette fois le contenu du certificat. Qui va rédiger le contenu précis du certificat ? L’arrêté à ce jour ne fournit aucun modèle à reproduire par les organismes. Seule l’AVEF a proposé un modèle de certificat accessible à tous sur son site internet.
Les difficultés liées aux notions de propriétaire et de détenteur
Pour terminer, la véritable difficulté propre au certificat d’engagement et de connaissance des équidés semble être la restriction au seul détenteur. Le propriétaire n’est clairement pas visé par le texte, contrairement aux animaux de compagnie, où le certificat vise le propriétaire. Or c’est bien là que le plus gros trou dans la raquette se dessine, comme cet exemple ci-dessous le confirme.
Prenons l’exemple d’un cheval acheté par un propriétaire mais qui le confie à un entraîneur, ce qui est le cas le plus fréquent. Faute de détenir le cheval, le propriétaire n’a pas à souscrire ce certificat d’engagement et de connaissance, ce qui peut déjà être déploré. En effet, si les propriétaires avaient pleinement conscience de l’ensemble des besoins des équidés, il est probable que cela influerait sur le choix de l’établissement où ils vont mettre leur cheval (accès à un paddock, balade en forêt, respect de son instinct grégaire, entretien avec respect des vermifuges, vaccination, parage, etc.). Imaginons que ce propriétaire, au moment où le cheval sera réformé, souhaite récupérer le cheval chez lui, ou le confier à un ami qui ne sera pas forcément un professionnel. L’article L. 211-10-1 du Code rural précise : « Avant tout changement de détenteur d'un équidé, le propriétaire de l'animal s'assure que le nouveau détenteur a attesté de ses connaissances en application du premier alinéa. »
C’est cette fois le propriétaire qui est visé et non le détenteur. Ce ne sera donc pas au professionnel (entraîneur par exemple) mais au propriétaire de s’assurer que la personne qui va devenir le nouveau gardien du cheval satisfait aux exigences du texte. Si c’est lui-même, on doute qu’il s’autocontrôlera, de même qu’il ne vérifiera pas forcément que son ami a bien signé ce certificat. Le détenteur professionnel, lui, ne pourra pas s’opposer au transfert, puisque l’obligation de vérifier que le nouveau détenteur a les compétences ne concerne que le propriétaire.
Il aurait été plus simple, plus sûr et plus pédagogique de viser à la fois les détenteurs et les propriétaires, afin d’éviter les effets pervers d’une restriction aux seuls détenteurs. Si l’objectif de ce certificat est louable et utile, ses modalités d’application doivent permettre une application efficace et simple. Or des interrogations demeurent. Néanmoins, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ; le certificat pourra peut-être évoluer pour s’appliquer de manière juste et uniforme et conduire à un meilleur traitement du cheval, c'est le but pour lequel il a été conçu et on ne peut que s'en réjouir.
Vous aimerez aussi :
.png)
La course à la digitalisation
La course à la digitalisation La fièvre NFT, avatar, métavers et Web3, arrive dans les courses. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Pour cette deuxième partie de...
28 octobre 2022
Irish Stallion Trail 2023 : Comment l’Irlande se bat pour tenter de conserver le leadership
Le 13 et le 14 janvier, une trentaine de haras ont ouvert leur porte pour la version irlandaise de la Route des étalons. Jour de Galop a également emprunté les sinueuses routes...
14 janvier 2023