Élevage / 15.04.2023

La France, ses mousquetaires et ses exportations

Les neuf étalons comptant le plus de 2ans déjà enregistrés à l’entraînement par France Galop faisaient la monte en France en 2020. C’est bien logique et loin d’être une approche chauvine. Nous vous proposons en deux articles la découverte de cette facette du marché. Le premier sujet est axé sur les étalons qui ont déjà eu – au moins – des 3ans en piste. Dans l’édition de mardi, vous trouverez les étalons représentés par leurs premiers 2ans.

Franco Raimondi

fr@jourdegalop.com

Si vous rencontrez un monsieur qui se promène dans Paris avec un béret, une baguette sous le bras et une Gitane papier maïs au bec, ce serait stupide de lui demander s’il parle français… Dès lors, ce n’est nullement une surprise de retrouver sur le podium de notre classement des 2ans à l’entraînement les trois grands étalons ayant fait la fortune de l’élevage français des dernières années. Wootton Bassett (Iffraaj) peut compter sur 53 juniors dans les écuries de l’Hexagone, Le Havre (Noverre) en a 49 et Siyouni (Pivotal) est à 43.

Derrière eux Almanzor (Wootton Bassett), représenté par sa troisième génération, et Shalaa (Invincible Spirit), avec son avant-dernière génération française, complètent le quinté avec respectivement 41 et 40 juniors. L’"intrus" dans le top dix est le classique Lope de Vega (Shamardal), lequel n’est jamais sorti du triangle "Longchamp – Chantilly – Deauville" en course avant de trouver sa place d’étalon en Irlande, où il a démarré sa deuxième carrière à 15.000 €. L’élève du Gestüt Ammerland occupe la dixième place avec 27 juniors, ex-aequo avec Cloth of Stars (Sea the Stars). Dans le top dix des étalons ayant le plus de 2ans à l’entraînement, on trouve également un étalon représenté par sa première génération : City Light (Siyouni). Ce dernier a 34 poulains et pouliches de 2ans dont le nom des entraîneurs respectifs est déjà répertorié par France Galop.

Wootton Bassett en tête malgré les ventes

En 2012, le plus jeune de nos trois mousquetaires, Wootton Bassett, a fait ses débuts au haras. Un petit éleveur avec trois juments, à la fois sage et visionnaire, aurait pu alors les lui envoyer pour un budget de 18.000 €. Mais l’élevage change en si peu de temps…

La dernière génération française de Wootton Bassett compte, d’après les chiffres de Global Stallions, 131 produits, dont 84 ont trouvé preneur aux ventes au prix moyen de 180.965 €. C’était la dernière occasion d’acheter ses yearlings conçus à 40.000 €, avant la montée en flèche de son tarif à 100.000 € en 2021, pour son arrivée à Coolmore, puis à 150.000 € en 2022. Il faut dire que l’étalon, malgré un prix en forte hausse, a donné une première génération irlandaise composée de 191 yearlings (yearlings 2023)…

Les propriétaires et les entraîneurs français ont profité au maximum de cette chance. Ils n’ont pas été les seuls. Si l’on enlève le top price – la pouliche par Ambivalence (Invincible Spirit) adjugée 750.000 € à Richard Knight et offerte à l’amiable mercredi par Arqana et qui est chez Francis-Henri Graffard –, les douze tops de Wootton Bassett sont tous partis à l’étranger ! Le plus cher de ceux qui ont déjà un entraîneur français ainsi que des propriétaires déclarés se nomme Cubanisto, un élève de Gonzague Baijot et Jean-Jacques Rahier. Présenté par le haras de Beaufay, il a été acheté 290.000 € à l’amiable par Alessandro Botti, qui l’entraîne pour une association composée de l’écurie Elag, de l’écurie Louis d’Aur et d’un de ses éleveurs. Jean-Claude Rouget, qui a lancé Wootton Bassett avec la réussite d’Almanzor, entraîne huit de ses derniers produits français.

Jean-Claude Rouget fidèle à Le Havre

Jean-Claude Rouget a gagné le Prix du Jockey Club (Gr1) avec Le Havre et il a entraîné les deux classiques de l’étalon que sont La Cressonnière et Avenir Certain. L’entraîneur est resté fidèle à son cheval et, dans ses boxes, il a dix de ses 49 juniors à l’entraînement en France. La génération 2021, conçue à 40.000 €, compte 67 produits et ses derniers yearlings sont au nombre de 76. Comme dans le cas de Wootton Bassett, les yearlings les plus chers sont tous à l’étranger et le top price français est une pouliche payée 220.000 € à la vente d’août Arqana. Elle est chez Francis-Henri Graffard pour l’association Didier Tabary, Salabi Racing et Meridian International.

Siyouni, un millionnaire au Japon et beaucoup plus

Le top price de la génération 2021 de Siyouni, le frère de Sottsass payé 2,1 millions à la vente d’août Arqana, est parti pour le Japon et il est chez Yoshito Yahagi. Son nom : Shin Emperor. Le deuxième top (1,4 million à Deauville) est nommé Earhart et il est chez Tim Donworth pour son coéleveur, LNJ Foxwoods. Deux autres chevaux figurant au top 10 de Siyouni sont en France. Le premier, Calais, est issu de Waldlied, gagnante du Prix de Malleret (Gr2) et sœur du gagnant du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1) Waldgeist (Galileo). Il a coûté 600.000 Gns (717.500 €) à Qatar Racing, qui l’a confié à André Fabre. Le second, Siyouni Flash (acheté 600.000 € à Deauville), est chez Nicolas Clément pour RT Racing, Christian-Bernard Baillet et ses éleveurs Skymarc Farm et Noir et Or Élevage.

L’entraîneur qui a eu le plus de Siyouni est Francis-Henri Graffard avec douze 2ans, dont Zarouk (fils de la championne Zarkava). Dix sont des produits de l’élevage de Son Altesse l’Aga Khan. La majorité des Siyouni (30 sur 43) à l’entraînement en France ont été élevés par leurs propriétaires. Les treize d’entre eux qui sont passés sur un ring (douze à Deauville) ont affiché un prix moyen de 250.150 €. Les juniors de Siyouni adjugés aux ventes de yearlings en 2022 sont au nombre de 63 et le prix moyen a atteint 330.127 €.

La méthode française et les statistiques

Les chiffres sur les 2ans à l’entraînement, à ce point de la saison, sont assez flexibles. Beaucoup sont au pré-entraînement, d’autres sont partis en vacances après le débourrage et d’autres passeront aux ventes breeze up. Dans le court intervalle d’une semaine, on peut toutefois en dénicher une bonne centaine dans ces ventes.

Cela dit, les étalons avec dix juniors ou plus à l’entraînement en France ne sont que 49 pour un total de 1.025 sujets, en comptabilisant aussi les produits des reproducteurs de première génération. Dans le top vingt des étalons, ceux qui ont officié en France en 2020 sont 17 et ils ont 544 produits, soit plus de la moitié. Heureusement, si les statistiques sont un outil de travail important dans notre milieu, les courses ne se gagnent pas qu’avec elles ! Les étalons du top 20 qui ont officié en France comptent 1.304 produits, dont 671 qui ont changé de propriétaire aux ventes. Beaucoup, comme nous l’avons dit, sont partis à l’étranger et d’autres sont mis dans du coton. C’est aussi la méthode française.

En avant Guingamp

Ce long voyage entre les vagues de chiffres nous offre aussi une photo de l’élevage français. Dans la centaine de feuilles Excel à la base de cet article, nous avons déniché 27 étalons qui ont officié en France en 2020 à 15.000 € ou moins. Avec plus de dix produits déjà associés au nom d’un entraîneur. Ces étalons ont donné 1.445 juniors, dont un peu plus d’un tiers (537) sont déjà à l’entraînement en France.

Parmi ces sires, on trouve des reproducteurs confirmés comme Kendargent (Kendor), d’autres qui ont fait le buzz avec leurs premiers produits comme Zarak (Dubawi), Goken (Kendargent) ou Galiway (Galiway) et d’autres encore qui sont à un tournant de leur deuxième carrière. Et, s’ils prennent la mauvaise direction, ce ne sera pas forcément de leur faute. Au football, un club peut devenir une légende même s’il a très peu joué en Ligue 1 mais tout le monde ne peut pas devenir Guingamp.

Les neuf étalons de la Ligue 1

La Ligue 1, c’est autre chose et c’est un sport qui coûte cher. Les étalons qui ont officié en Europe en 2020 à 100.000 € ou plus sont au nombre de neuf : Galileo (Sadler’s Wells) et son fils Frankel, Dubawi (Dubai Millennium), Invincible Spirit (Green Desert) et son fils Kingman, No Nay Never (Scat Daddy), Sea the Stars (Cape Cross), Lope de Vega et Siyouni. Ils ont 1.204 juniors enregistrés dont 154 à l’entraînement en France. Plus des deux tiers (104) d’entre eux sont répartis entre cinq entraîneurs : André Fabre et Francis-Henri Graffard sont au botte à botte : 33 – 32. Jean-Claude Rouget vient ensuite avec 17 juniors. Il est suivi par Carlos Laffon-Parias, qui en compte 15, et Christophe Ferland avec 10.

Les propriétaires avec au moins un junior par les neuf étalons du haut du marché sont 53. Six d’entre eux en possèdent cinq ou plus : l’écurie Wertheimer et Frère est en tête avec 28 juniors, suivie par Son Altesse l’Aga Khan (22).

Entraîneurs des 2ans par les étalons officiant en 2020 à 100.000 € ou plus

Entraîneur 2ans

André Fabre 33

Francis-Henri Graffard 32

Jean-Claude Rouget 17

Carlos Laffon-Parias 15

Christophe Ferland 10

Fabrice Chappet 4

Carlos et Yann Lerner 4

Henri-François Devin 4

Nicolas Clément 4

Tim Donworth 4

Yann Barberot 4

Propriétaires des 2ans par les étalons officiant en 2020 à 100.000 € ou plus

Propriétaire 2ans

Wertheimer et Frère 28

Son Altesse l'Aga Khan 22

Al Shaqab Racing 8

Suc. Khalid Abdullah 8

Godolphin 8

Nurlan Bizakov 5

Total 79

Un sport pour les propriétaires-éleveurs

Les juniors par ces neuf étalons sont en large majorité (104) élevés par leurs propriétaires. Neuf sont des achats privés alors que ceux passés sur les rings sont au nombre de 41. Arqana est bien sûr le marché de référence en France avec 31 juniors qui ont affiché un chiffre d’affaires de 6,97 M€ et un prix moyen de 224.838 €. Tattersalls suit, avec sept juniors ayant atteint un chiffre d’affaires de 2,63 millions de guinées (3,13 M€) et un prix moyen de 375.714 Gns (447.600 €). Les trois autres viennent de Baden-Baden et Goffs Orby. Le total des produits des neuf étalons ayant été achetés dans les ventes en Europe est de 406, soit 39,8 % de leur production.

Les étalons et leurs 2ans 2023 à l’entraînement en France (plus de dix 2ans)