Christopher Head : « Je ne crois pas à la méthode parfaite »
Ne demandez pas à un entraîneur de livrer tous ses secrets ! Christopher Head a accepté de nous en livrer quelques-uns, ceux qui lui valent, chez certains, le surnom d’entraîneur 2.0.
Vivre avec son temps
Christopher Head est un jeune entraîneur et utiliser la technologie pour être encore plus performant sonne comme quelque chose de logique. Mais c’est aussi la logique du progrès de façon générale. « Je crois qu’il était important, dans ma façon d’entraîner, de trouver quelque chose de nouveau, en rapport avec les nouvelles technologies. Mais c’est un phénomène récurrent. Les temps, par exemple, font partie de l’entraînement des 2ans depuis de nombreuses années. Mon père m’expliquait que William Head les chronométrait déjà . Les 2ans évoluent sur de courtes distances, en allant tout le temps, donc c’était percutant. Nous avons commencé ainsi avec les 2ans, avant d’étendre aux 3ans et aux chevaux d’âge grâce aux outils technologiques d’aujourd’hui. J’ai peut-être plus de facilité avec tout cela avec mes études mais, très sincèrement, ce n’est pas la peine d’avoir un diplôme en informatique pour être à l’aise avec le numérique. Après, je crois que tout le monde vit avec son temps et, quand vous avez travaillé sans la technologie et connu de très grandes années, c’est assez logique de poursuivre sans. Il faut préciser une chose : la technologie ne remplace pas l’œil de l’entraîneur, tout le travail autour du cheval. Elle le complète et peut nous conforter dans nos idées. Il y a autant de méthodes qu’il y a d’entraîneurs. La mienne ne fonctionnerait pas forcément chez un autre et vice-versa. Je trouve que c’est une chose passionnante dans notre métier. Nous entraînons tous d’une manière différente mais chacun avec le même objectif : gagner des courses. Je ne crois pas à la méthode parfaite, elle n’existe pas. Entraîner est un tout et de là vient le résultat. »
La data, très présente dans le sport
Dans le “sport humain”, les données et les analyses sont désormais présentes partout. De la fréquence cardiaque des athlètes à des analyses précises de leur façon de bouger pour comprendre ce qui les rend plus performants que les autres, jusqu’à tracker la vitesse des balles dans les sports en ayant une. Impossible de regarder un sport sans avoir de datas à disposition. Les courses hippiques ont l’air en retard dans le domaine alors qu’elles s’y prêtent tellement bien. « Il y a des points communs entre les athlètes humains et équins. Mais le monde des chevaux est peut-être moins connu, davantage une niche, et ne profite pas forcément d’une visibilité assez grande. C’est peut-être pour cela que l’innovation a un peu plus de mal à y percer. Je pense qu’utiliser la technologie, comme celle d’Arioneo, apporte un petit quelque chose en plus. Le fait d’y croire – car il faut y croire – permet de créer une logique et d’être en accord avec soi-même. Le fait de surveiller le rythme et la récupération cardiaques est un outil pour préparer au mieux le cheval de course. J’ai appris beaucoup de choses chez Guillaume Macaire et l’une d’entre elles est la prédominance du travail. Créer une intensité du travail en crescendo, qui permet d’amener le cheval aux courses et de faire en sorte que, grâce à la préparation, ils prennent moins dur l’après-midi et, par conséquent, puissent ensuite répéter leur valeur. »
Regarder à l’international
Des entraîneurs australiens ont des équipes d’analystes de données. Aux États-Unis, on travaille au chrono et en fractionné. Au Japon, on voit certains cavaliers d’entraînement munis de Google Glass, qui leur donne leur vitesse précise et le rythme cardiaque de leurs chevaux, et tout est chronométré. L’Europe, berceau des courses, est-elle en retard ? « Je me suis renseigné, bien entendu, sur ce qui était en place à l’étranger. J’ai essayé de trouver d’éventuelles lacunes que nous pourrions avoir, en France et en Europe, par rapport à d’autres pays qui travaillent beaucoup sur les chronos, les distances… D’ailleurs, nous avons parfois du mal à gagner là -bas, il y a peut-être une raison à cela. Je me suis dit que nous pourrions essayer chez nous mais ce n’est pas aussi simple. Nous manquons de précision. Beaucoup de pays entraînent sur des hippodromes ou des centres qui s’en rapprochent. Ils ont donc beaucoup plus de repères, là où nous avons une multitude de pistes aux profils différents, bordées de plots. Le fait d’équiper les chevaux avec une balise GPS, via Arioneo, permet tout de même d’avoir plus d’exactitude. C’est une aide mais, encore une fois, cela ne remplace pas l’œil et l’instinct. La technologie ne peut pas tout donner du profil d’un cheval. Et heureusement ! Il n’y aurait plus cette part de mystère. Un cheval est un être vivant qui, parfois, a le droit d’avoir des jours sans. L’utilisation que nous faisons d’un outil comme Arioneo est un peu notre recette “secrète”. Chaque entraîneur qui a les données à sa disposition les utilise à sa manière pour compléter l’entraînement, parce que chacun a sa propre logique, sa façon de voir l’entraînement. »
D’Arioneo à MoneyTime
La solution Equimètre d’Arioneo est une aide précieuse. Mais Christopher Head est peut-être le plus geek des entraîneurs et ne s’arrête pas là . L’analyse des chronos et des temps partiels vient aussi compléter son œil. « Finalement, l’utilisation des chronos et des partiels pour comparer d’une année sur l’autre est assez récente. Il y a des variations à prendre en compte. Je trouve l’analyse de ces données-là , dans mon cas, particulièrement passionnante avec un cheval comme Big Rock. On voit très bien sa façon de courir dans le Jockey Club : il ne fait qu’avancer et est au maximum tout le long de la course. Quand je regarde son temps dans le Jockey Club sur les 1.600 premiers mètres de la course, je me dis qu’il est possible de transposer cela sur une course comme le Jacques-Le Marois, sur 1.600m ligne droite. Et cela me dit qu’il aura le droit d’y être compétitif même s’il restera toujours une part de mystère. Même en essayant de tout contrôler, il y aura toujours des éléments extérieurs qui font que l’on peut être battu : un jour sans, ou un Ace Impact dans un Jockey Club. Le système MoneyTime m’intéresse énormément. J’ai toujours été fan des algorithmes prédictifs. Nous n’avons pas encore une très grande visibilité sur eux dans les courses mais c’est quelque chose qui est très présent dans plein de domaines, notamment dans la finance. Je crois que les courses sont un domaine prédisposé pour avoir ce genre d’indice. Nous allons certainement commencer à l’utiliser avec les 2ans, puisque ce sont des courses régulières sur de courtes distances, puis étendre au fur et à mesure. Encore une fois, je crois qu’il est toujours important d’essayer de nouvelles choses. »