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lundi 14 octobre 2024

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MIEUX QU’URBAN SEA ET HASILI ? SACARINA !

QATAR PRIX DE L’ARC DE TRIOMPHE J-18

MIEUX QU’URBAN SEA ET HASILI ? SACARINA !

Quand on parle de poulinière magique, ou plutôt de matrone, on cite souvent les cas (il est vrai exemplaires) d’Urban Sea et d’Hasili. Mais que dire de celui de Sacarina, troisième mère du favori de l’Arc Sosie ? Au cours des trente dernières années, elle est probablement la poulinière européenne qui a produit le plus de chevaux black types. Pas mal pour une jument payée 4.000 €…

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Le mètre étalon chez les poulinières européennes, c’est Urban Sea (Miswaki) car elle a véritablement changé la face du galop mondial. Cette légende a vu le jour en 1989 et est aujourd’hui l’aïeule de 39 black types. Dans la même mouvance générationnelle, Hasili (Kahyasi), née en 1991, est l’aïeule de 27 chevaux “en gras”. Et Sacarina (Old Vic) ? Née en 1992, est à l’origine de 41 black types ! C’est dire si la descendance de la grande poulinière du Gestüt Karlshof est exceptionnelle. Il y a dix ans, son petit-fils Sea the Moon (Sea the Stars) était le favori de l’Arc 2014. Une grande épreuve qu’il n’a finalement jamais courue : direction le haras où il est devenu un étalon à succès. Le sire de Lanwades pourrait d’ailleurs avoir un partant dans l’Arc 2024 avec Fantastic Moon (Sea the Moon), un gagnant du Derby allemand (Gr1) qui reste sur une victoire dans le Grosser Preis von Baden (Gr1). Et ce ne sera bien sûr pas le seul partant de Sacarina dans l’Arc, puisque son “petit-fils” Sosie (Sea the Stars) est favori !

Elle n’a coûté que 4.000 €

Fantastic Moon a été élevé par Philipp Graf Stauffenberg et Marion Gräfin Stauffenberg, un couple d’aristocrates allemands célèbres pour sa réussite dans les pinhookings de haut vol. Dans une autre vie, Philipp Stauffenberg était le directeur du Gestüt Karlshof de la famille Faust pendant une décennie. C’est lui, en 1994, qui a trouvé Sacarina pour ses employeurs de l’époque, car il avait pour consigne de trouver des prospects poulinières pas trop chers. Il se souvient : « Quelle incroyable descendance pour cette Sacarina ! L’histoire de son achat n’est pas commune. Elle est passée lors d’une vente d’automne à Baden-Baden. Cette famille, que je connaissais, avait sorti un nombre significatif de chevaux de Groupe. Mais le catalogue était faux et deux gagnants classiques n’apparaissaient pas tels quels. Je pense que ces erreurs viennent du fait que l’Allemagne n’a rejoint le Pattern que tardivement et cela a induit un certain nombre d’erreurs. En d’autres termes, la page était bien plus faible sur le papier qu’en réalité. Bruno Faust, le fondateur du Gestüt Karlshof, était un grand connaisseur de pedigree. Après avoir repéré la jument, je suis allé le voir en lui disant qu’il y avait des erreurs au catalogue. Nous partageons l’amour des vieilles souches allemandes. Le marteau est tombé à 7.000 DM. C’est l’équivalent de 4.000 € environ. Elle avait 2ans et était inédite. Physiquement, elle était tout à fait banale. Dans un paddock, vous ne la remarquiez pas. C’était une alezane assez petite avec une grosse tête. Pas très puissante. Dans sa descendance, il y a beaucoup de petits. Et il y a aussi, à l’inverse, des chevaux massifs. » Lorsque Sacarina est passée en vente, on ne connaissait pas encore parfaitement la descendance d’Old Vic (Sadler’s Wells). C’était un tout jeune étalon et il n’y avait aucun recul sur sa production en piste. Mais il a rapidement déçu et il est devenu un bon étalon d’obstacle après avoir échoué en plat. Philipp Stauffenberg analyse : « Old Vic était un très bon cheval de course et il était aussi très bien né. Ce n’était pas un étalon très en vue en plat. Mais cela ne me dérange pas. À titre personnel, j’ai élevé Fantastic Moon avec une mère par Jukebox Jury (Montjeu)… un très bon cheval de course qui était très bien né avant de partir sur le marché de l’obstacle. Comme Old Vic donc ! »

Pourquoi elle n’a pas couru

Un tel prix apparaît comme assez incroyable, mais Philipp Stauffenberg précise : « Sacarina faisait partie de la dispersion d’une écurie ayant du succès à cette époque, celle de la Stall Hoppegarten (c’est-à-dire Friedhelm Tietjen) et à l’entraînement chez Peter Remmert. Après l’achat, nous nous sommes mis en tête de faire gagner Sacarina. Je l’ai donc moi-même montée au haras et rapidement il est apparu qu’elle avait un problème au cou. En fait, elle est impossible à faire descendre sur la main et cela la rendait difficile à monter. Une fois remise en route au haras et arrivée chez un entraîneur, il s’est avéré qu’elle était de pire en pire. Et pour cause, elle souffrait d’une fracture… située au niveau de son cou ! Vous comprenez pourquoi elle n’a jamais couru… »

Une souche allemande avec de la vitesse

La mère de Sacarina, Brave Lass (Ridan), fut l’une des juments les moins chères de la dispersion de l’Anglais Jim Joel en 1986 (éleveur de trois gagnants de Derby, dont Crystal Palace). Le marteau était tombé à 40.000 Gns. Pourtant cette Brave Lass avait un très bon rating (114 chez Timeform, soit la valeur d’un bon black type). Il y a de la vitesse dans cette famille car Brave Lass a donné deux black types dont Brave Owen (Welsh Pageant), gagnant à 2ans en Angleterre et deuxième des Jersey Stakes (Gr3). Surtout, la deuxième mère de Sacarina, Bravour II (Birkhahn), fut l’une des deux meilleures de sa génération à 2ans en Allemagne avant de gagner les Guinées – le Schwarzgold-Rennen – l’année suivante. Dans les mains du célèbre et controversé Ferdinand Leisten (Gestüt Charlottenhof), cette souche avait aussi donné naissance à Brisanz (Kilometer), meilleure 2ans allemande de sa génération avant de réaliser le doublé classique Schwarzgold-Rennen et Preis der Diana. Ce Ferdinand Leisten, créateur de l’agence de BBAG, était à la fois le président de l’association des éleveurs et des propriétaires, lui-même éleveur commercial, courtier, mais aussi conseiller de plusieurs grands éleveurs (comme Fredy Ostermann ou la comtesse Batthyany). Autant vous dire qu’au bout de quelques décennies, beaucoup en avaient assez de le voir à la tribune des ventes à Baden ! Et il fut poussé vers la sortie à cause de ses multiples conflits d’intérêts. Il n’empêche qu’il restera comme un des acteurs importants de l’histoire du galop allemand. Et il a même une course à son nom.

Comment la souche s’est déclenchée

Pour en revenir à Sacarina, si on remonte loin dans le pedigree on retombe – comme souvent en Allemagne – sur une jument importée d’Angleterre il y a un plus d’un siècle par le Gestüt Schlenderhan… On y revient toujours ! Lorsque Monsun (Königsstuhl) est entré au haras en 1996, c’est peu dire qu’il n’a pas déchaîné les foules. Mais le soutien du haras où il stationnait, Schlenderhan, a été déterminant. Tout comme le fait que Bruno Faust lui envoie Sacarina… (qui vient, elle, d’une origine Schlenderhan comme nous venons de l’évoquer). Et on peut penser que c’est certainement la vitesse de cette famille (avec des performances à 2ans et sur le mile) qui a si bien fonctionné avec la tenue de Monsun. Philipp Stauffenberg se souvient : « C’est vraiment Bruno Faust qui a fait le croisement entre Sacarina et Monsun. J’ai connu le produit en tant que foal et je suis ensuite parti créer mon haras. Ce croisement laissait apparaître un inbreeding sur Birkhahn (Alchimist) qui a beaucoup réussi chez Schlenderhan dans les décennies précédentes… même si cet inbreeding lorsqu’il a été poussé à l’excès a fini par donner des chevaux trop légers. » C’est ainsi qu’a été conçu Samum (Monsun). Issu de la première génération de son père, spectaculaire gagnant du Derby avant de remporter le Großer Preis von Baden-Baden (Gr1). Il s’est classé sixième de l’Arc de Sinndar (Grand Lodge).

Le poil à gratter de l’élevage allemand

Bien que relativement récent – il a été créé en 1990 – le Gestüt Karlshof est le meilleur élevage commercial d’Europe selon le taux de black types par yearling vendu sur la dernière décennie. Cela a forcément aidé la production de Sacarina qui a donné naissance à trois gagnants classiques : Samum, Schiaparelli (Monsun) et Salve Regina (Monsun), lauréat du Preis der Diana (Gr1) et deuxième du Derby face aux mâles ! Au haras, Samum a effectué une carrière tout à fait honorable avec quatre gagnants de Gr1 et 35 black types, soit 11,6 % de ses black types. Mais il n’était pas le plus bel étalon d’Allemagne et son propriétaire Bruno Faust est en quelque sorte un “poil à gratter” des aristocrates qui dominent le galop allemand. Malgré sa réussite, l’homme du Gestüt Karlshof n’est pas toujours accepté dans les cercles d’influence du galop germanique. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si son étalon Samum a assez rapidement eu du mal à attirer suffisamment de juments pour justifier le fait de rester sur le marché du plat car il a reçu finalement assez peu de soutien des grands élevages allemands. En obstacle, sa production n’a pas véritablement réussi. Son frère Schiaparelli, cheval au physique très important, a fait une carrière d’étalon anonyme en tant que père de sauteurs en Angleterre. À l’inverse, Sea the Moon, issu d’une propre sÅ“ur de Samum et Schiaparelli, est un étalon très apprécié. Stationné à Lanwades Stud, ce sire encore jeune a déjà sorti 63 black types, soit 14,4 % de ses partants ! Philipp Stauffenberg détaille : « J’ai élevé ou vendu un certain nombre de produits de Sea the Moon. Leur mental est incroyable. Ils ne disent jamais non et sont très courageux. Comme les Monsun en fait. C’est d’ailleurs pour ça qu’autant de Monsun ont été détruits à Newmarket. Car ils n’étaient pas précoces mais donnaient tout le matin. Ces chevaux généreux ont beaucoup mieux fait dans les mains d’entraîneurs français ou allemands car ils prennent plus le temps… »

Une famille qui cartonne avec Sea the Stars et Zarak

Si vous aimez les croisements, vous aurez certainement remarqué que la descendance de Sacarina a donné sept black types avec Sea the Stars (Cape Cross)… sur seulement 11 partants ! Autre fils de Cape Cross (Green Desert), Golden Horn (Cape Cross) a donné deux black types (dont un vainqueur classique) avec deux partants dans cette souche. Zarak (Dubawi) n’a que trois partants parmi la descendance de Sacarina et les trois sont bons ! Il s’agit de Sirjan (Zarak), gagnant du Premio Guido e Alessandro Berardelli (Gr3), Spanish Eyes (Zarak), impressionnante deuxième du Preis der Diana (Gr1) et Straight (Zarak), lauréat de l’Union-Rennen (Gr2) puis troisième du Grosser Preis von Baden (Gr1). À l’inverse, la famille n’a pas fonctionné (jusqu’à présent) en croisement avec Frankel (Galileo) et ses fils.

Wertheimer & Frère entre en scène

Toujours à la recherche de nouvelles souches, la célèbre casaque française a acheté Sahel (Monsun), une fille de Sacarina, sur le ring de Deauville. Pierre-Yves Bureau se souvient : « À l’époque, nous achetions encore des yearlings aux ventes. Aujourd’hui nous essayons plutôt d’acquérir des poulinières. Sahel avait un très beau pedigree. C’était une petite jument qui n’a remporté qu’une petite course, mais elle a plutôt bien produit en donnant quatre black types en première génération. Sa fille Sosia était l’un d’eux et à son tour elle a produit quatre black types dont Sosie. Toutes les branches de la descendance de Sacarina semblent produire et nous avons vu beaucoup de bons chevaux dans cette famille ces dernières années. Ce sont des profils classiques qui sont capables d’aller aux courses à 2ans, comme Sosie lui-même. » La mère de Sosie est une fille de Shamardal (Giant’s Causeway). Son croisement – Shamardal sur Monsun – rappelle celui de la mère du très bon Goliath (Adlerflug). Pierre-Yves Bureau réagit : « Shamardal a clairement apporté un supplément de vitesse. Sosia n’est pas très grande, mais un peu lourde. Ses produits sont assez signés par leurs pères. Dans cette souche, nous sommes régulièrement allés aux étalons qui ont fonctionné par ailleurs, comme Sea the Stars. C’est quelque chose que nous faisons régulièrement. Le croisement de Sosie était donc évident sur le plan physique et généalogique. La page est belle et ce sera intéressant le jour où Sosie ira au haras ! C’est un poulain qui est tout neuf. Maxime Guyon souligne sa facilité et sa maniabilité. » Sosie pourrait donc être le premier mâle à gagner l’Arc sous la casaque Wertheimer ! Pierre-Yves Bureau conclut : « Il aura un très bon profil d’étalon avec de bonnes performances à 2ans et un pedigree extrêmement intéressant, tout en étant facile à croiser. »

L’AVIS D’ANDRÉ FABRE

Après le Niel, André Fabre s’est exprimé au sujet de Sosie au micro d’At the Races : « Évidemment, je craignais le vainqueur du Jockey Club qui a bien couru mais qui n’était peut-être pas à 100 % pour cette course. Je pense qu’il est très important d’avoir une course aussi facile que possible avant l’Arc. Et cela ne semble pas avoir été trop dur. Sosie a été très bon à Longchamp mais je pense que ce cheval serait à son aise partout. C’est juste que les courses que nous avons choisies ont été à Longchamp et cela semble très bien lui convenir. De toute évidence, le parcours et la distance sont très importants lorsque vous allez sur l’Arc. Sosie est élevé pour tenir 2.400m. Nous travaillons en bâtissant sur ses sorties précédentes dans la saison. Je ne l’avais pas à 100 % pour le Prix du Jockey Club, car il était un peu tardif. Mais il n’est pas surprenant qu’il se soit amélioré sur plus long. Je pense que c’est un meilleur cheval en bon terrain, mais à mesure que les chevaux vieillissent et mûrissent, ils sont capables de mieux faire dans le souple. Mais comme tout le monde, je préfère une bonne piste. On ne sait jamais avec Longchamp. L’année dernière, c’était un terrain rapide pour l’Arc. Je pense que l’édition 2024 est une course très ouverte mais Sosie mérite d’être dans les trois premiers. Gagner, c’est une autre question. La génération de 3ans n’est pas exceptionnelle cette année. »

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