LA NOUVELLE DONNE DE L’OBSTACLE ET DE SON ÉLEVAGE
[GRAND ENJEUX 2025] Par Adrien Cugnasse. L’élevage des sauteurs fait face à de très sérieux challenges dans tous les pays d’Europe. Ce n’est pas nouveau, mais c’est l’ampleur des défis 2025 qui sort de l’ordinaire. En Irlande, la situation est vraiment problématique. L’élitisation du sport a fait diminuer la base de propriétaires et, au même moment, les grosses casaques ont changé de stratégie dans leurs achats : moins de stores, plus de chevaux à l’entraînement… Dans l’article de James Thomas publié au sein du supplément élevage 2024 – 2025, les chiffres sont très clairs. En chiffre d’affaires, les foals et stores perdent des parts de marché tous les ans. Et les chevaux à l’entraînement de premier plan atteignent des sommets jusqu’alors inconnus dans le domaine de l’obstacle : le record historique pour un sauteur a été battu trois fois pour la seule saison de vente publique 2024.
La conséquence, et c’est très bien expliqué dans l’article de James Thomas, c’est que la chaîne économique – éleveur, pinhookers de foals, pinhookers de stores, pinhooker de point-to-point – est totalement perturbée. Beaucoup d’éleveurs anglo-irlandais se posent des questions après une année très difficile aux ventes : certains diminuent, d’autres se diversifient vers le plat. La conséquence la plus visible en France est une nette diminution des achats étrangers chez les foals et stores.
En dehors du cas particulier des chevaux à l’entraînement, il y a une baisse significative des exportations. Certains y voient une opportunité pour augmenter le nombre de sauteurs à l’entraînement en France dans les années à venir. Mais une question se pose : qui va payer ? En 2024, les entraîneurs sont nettement moins nombreux qu’il y a 20 ans à avoir la capacité financière de prendre des chevaux en location. Et toute une catégorie d’éleveurs n’a tout simplement pas les moyens de payer une pension tous les mois. Et ce d’autant plus que la mauvaise santé des paris hippiques va probablement – un jour ou l’autre – avoir pour conséquence une baisse des allocations françaises (que l’on espère bien sûr momentanée).
Au même moment, le prix des saillies d’obstacle augmente de manière significative pour les éleveurs commerciaux. À titre d’exemple, en France, on est passé de trois étalons d’obstacle à 10.000 € ou plus en 2020, à sept en 2025. Même si on est loin du crash, l’équation économique devient plus difficile pour les éleveurs sur le marché de l’obstacle qui avait atteint des sommets ces dernières années. Il va être intéressant de voir si, dans les années à venir, une partie des éleveurs français change de fusil d’épaule et tente d’imiter les leaders du secteur : ne plus vendre foal ou store, mais essayer d’aller aux courses pour commercialiser plus tard ou pour prendre des allocations. Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire et il faut avoir les reins solides.
Avec le changement d’orientation de la perfusion d’argent anglo-irlandais, la filière de l’obstacle français pourrait se retrouver au pied du mur. Une partie de nos entraîneurs fonctionne à perte, en facturant des pensions trop faibles au regard de leur véritable coût, mais en espérant compenser par leur pourcentage sur les gains et le commerce. Ces professionnels-là , dont la filière a besoin, sont en difficulté financière et, très logiquement, dans l’incapacité d’acheter la production des éleveurs… alors même qu’ils ont besoin d’être associés sur des jeunes chevaux pour que leur modèle économique fonctionne.
Le grand challenge de l’élevage de sauteurs en 2025 est donc celui de l’ensemble de la filière obstacle : trouver un nouvel équilibre économique pour s’adapter à cette nouvelle donne qui remet en cause des décennies de fonctionnement. Facile à dire, pas facile à faire. Mais ce ne sera ni la première ni la dernière zone de turbulences que l’obstacle français se montre capable de traverser.