SÉRIE ÉLEVAGE
COMMENT JUGER UN FOALÂ ?
Lorsqu’un foal tombe dans la paille, il évoque pour beaucoup une peluche : une boule de chaleur que l’on a envie de caresser et de chouchouter. Mais un foal, c’est aussi, peut-être, un futur produit à la vente et, en tout état de cause, un futur cheval de course. C’est à ce moment-là que la plupart d’entre nous se posent la question : comment savoir si ce bébé a du potentiel ? Comment identifier ses qualités, ses défauts, ses aptitudes ? Pas facile… mais une minorité de personnes en est capable. Nous sommes donc allés les interroger pour vous.
Laurent Benoit, courtier
« J’aime voir de la force, de la vivacité, une belle robe et une certaine profondeur »
« Lorsque nous réalisons les croisements avec les éleveurs, nous imaginons déjà à quoi ressemblera le poulain. Alors, quand le foal naît, c’est comme si une partie du travail était déjà faite. J’aime bien les observer deux ou trois semaines après leur naissance. Quand nous décidons d’un croisement un an avant la naissance, l’objectif est de corriger les défauts de la jument en apportant les qualités de l’étalon, afin d’obtenir un mélange équilibré. Peu importe l’âge du cheval, je le juge toujours un peu de la même manière.
Chez le foal, j’aime voir de la force, de la vivacité, une belle robe et une certaine profondeur. Je préfère aussi les poulains hauts sur jambes. Mais à cet âge, certains, qui ne semblent pas très impressionnants, peuvent beaucoup progresser, notamment en fonction de leur pedigree. Avec un yearling, le risque est moindre, mais en général, si un foal vous plaît, il ne vous décevra pas en grandissant. D’ailleurs, un bon cheval est souvent un foal qui a toujours répondu aux attentes tout au long de son développement. Quand nous achetons des foals, c’est souvent pour les revendre en tant que yearlings, donc nous devons nous mettre à la place des futurs acheteurs et éviter les compromis. Je fais très attention à la locomotion, à l’équilibre et à la taille des jambes. Il y a aussi des critères non physiques, comme l’origine du père et de la mère. J’essaie toujours d’avoir un bon équilibre entre tous ces éléments. Chacun a ses préférences, mais personnellement, je suis très attentif à la profondeur et à la façon dont le cheval se déplace. C’est sûrement là où je suis le plus exigeant. »
Paola Beacco, courtière
« C’est un vrai défi »
« Un bon foal est celui qui se déplace bien et qui a de la hauteur sur jambes. J’aime bien ceux avec de grandes oreilles, car je trouve que c’est un bon signe pour leur évolution. Juger un foal est difficile, car il change beaucoup et en peu de temps. L’évaluation dépend aussi de son avenir : s’il est destiné à l’obstacle ou aux courses de plat. En général, la conformation est très importante, notamment la forme des jarrets, des genoux et l’ensemble du corps.
Un poulain qui semble un peu serré devant va s’élargir naturellement en grandissant, donc ce n’est pas inquiétant. J’accepte aussi facilement un poulain un peu panard. On voit les foals très tôt, mais l’idéal est de les observer à partir de leur deuxième ou troisième mois. Acheter un foal est plus risqué qu’acheter un yearling, car son évolution est moins prévisible. On essaie de faire les bons choix, mais il y a toujours une part d’incertitude. Il m’est plus facile de repérer les foals pour l’obstacle, car j’en vois beaucoup plus que ceux destinés au plat. C’est un vrai défi. Il n’y a pas de secret : il faut en voir des centaines, voire des milliers. »
Alessandro Marconi, courtier
« J’accorde une grande importance aux aplombs et je veille à ce qu’il porte la marque de son père ou d’un membre de son pedigree »
« Lorsque j’observe un foal, je l’imagine déjà yearling. Je me projette toujours comme si je devais le seller le jour de la course. Si je n’arrive pas à imaginer le cheval une fois terminé, je ne l’achète pas. J’accorde une grande importance aux aplombs et je veille à ce qu’il porte la marque de son père ou d’un membre de son pedigree, qu’il soit de première, deuxième ou même troisième génération. Pour moi, un foal doit ressembler à l’un des trois étalons majeurs de sa lignée. J’apprécie aussi de les voir juste avant leur passage en vente, cela facilite la décision d’achat. Les aplombs sont essentiels : j’évite les chevaux cagneux. La locomotion est également un critère clé. »
Nous avons aussi demandé à Alessandro Marconi de nous raconter le jour où il a acquis Facteur Cheval foal, en compagnie d’Hubert Honoré : « Lors de cette vente à Newmarket, ma mission était d’acheter un Ribchester. Parmi tous ses produits présents, Facteur Cheval sortait du lot. Il avait de l’os, un passage de sangle exceptionnel et une belle épaule. Son allure n’avait rien d’exceptionnel, mais elle restait correcte. En revanche, il dégageait une vraie classe. J’aime observer les chevaux à plusieurs reprises durant les journées de vente, analyser leur comportement, sortie après sortie : comment ils encaissent la fatigue, comment ils réagissent au travail. Certains résistent mieux que d’autres. En revanche, je ne me fie pas trop à leur vivacité sur le moment, car certains foals sont endormis, ce qui n’est pas un critère fiable. Le deuxième jour, Facteur Cheval a tapé le manager de Juddmonte en plein dans les côtes ! Une fois sur le ring, nous enchérissions face à Ciaran « Flash » Conroy et Alex Eliott, ce qui était un très bon signe quant à la qualité du foal. Mais avec le recul, c’était exactement le type d’achat à éviter : un foal issu d’un étalon de première production, avec une mère qui n’avait ni couru ni produit. Et pourtant, ça a fonctionné ! »
L’AVIS DE GWENAËL MONNERAYE, ÉLEVEUR ET CONSIGNER
Comment juger un foal ?
« Pour moi, les bonnes périodes pour juger un foal seraient : une semaine après sa naissance, un mois après et en fin d’année. La date de naissance du foal est un élément très important à prendre en compte. Nous ne regardons pas la même chose chez un foal de janvier que chez un foal de mai. Je regarde beaucoup le développement physique, la locomotion, l’ossature et les pieds. J’aime les foals avec une arrière-main profonde ainsi qu’une tête expressive. J’ai appris à regarder les chevaux avec des pinhookers en Irlande. Je pense mieux juger un foal qu’un cheval à l’entraînement. Pour se faire l’œil, deux éléments sont essentiels : voir beaucoup de foals et surtout apprendre aux côtés de quelqu’un de confirmé et compétent. »
Qu’est-ce qu’un bon foal de vente ?
« La vente de foals est devenue un marché d’étalons. Plus jeune, lorsque je présentais les foals, les acheteurs potentiels me demandaient à voir un poulain en se référant au nom de sa mère. Désormais, les demandes se font par le nom de l’étalon. De manière générale, un foal intéressant pour les ventes est un produit d’un étalon de première production ou confirmé. Au niveau du modèle, il est important qu’il ait de la taille, et la locomotion est primordiale. Le pinhooker s’assure également que le foal possède de bons aplombs. »
Comment se prépare un foal pour les ventes ?
« Les foals destinés à la vente arrivent à La Motteraye à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre. Avant cela, les boxes sont occupés par les chevaux présentés à la vente d’octobre. Contrairement aux yearlings, leur préparation est plus rapide, mais ils se fatiguent aussi plus facilement. Ils ne sont pas longés ; le matin, ils marchent pendant trente minutes avant d’aller au paddock de 8 h 30 à 14 h. Ils peuvent aussi faire du marcheur pendant 10 minutes. Tout cela, pendant cinq semaines. C’est durant cette période que les foals connaissent leur plus grande évolution. Nous ne cherchons pas nécessairement à leur donner un poil de souris, car après la vente, ils retournent généralement au paddock et nous souhaitons éviter qu’ils tombent malades. Lorsqu’un client nous demande de présenter son foal en vente, nous ne réalisons pas de sélection par rapport au modèle, mais nous cherchons à travailler avec des clients de confiance. »