Après celle d’Oh So Sharp… une Triple couronne au masculin

Question pour un champion… qui fait suite au récent succès de Sovereignty (Into Mischief) dans le Kentucky Derby. Quelle grande course est-elle encore absente de l’incroyable palmarès du cheikh Mohammed Al Maktoum ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous sommes creusé la tête durant deux réunions de rédaction. Beaucoup pensaient que la Japan Cup (Gr1) ne figurait pas au tableau de chasse du cheikh Mohammed. Que nenni ! En 1996, Singspiel (In the Wings) était passé par là. La Melbourne Cup (Gr1) ? Cross Counter (Teofilo) l’avait remportée à 3ans en 2018. Les classiques des trois grands pays européens d’élevage figurent également dans la salle des trophées. En Allemagne, seul le Preis der Diana (Gr1) manque encore… mais c’est un détail. Godolphin est arrivé ce week-end à 444 victoires de Gr1. Il faut y ajouter les succès de l’ancienne casaque du cheikh Mohammed. La Triple couronne américaine est désormais cochée, et ce avec trois chevaux différents : Bernardini (A.P. Indy) avait remporté les Preakness Stakes (Gr1) en 2006, Essential Quality (Tapit), les Belmont Stakes (Gr1) en 2021, et désormais Sovereignty, le Kentucky Derby (Gr1). Certes, il manque encore The Everest, le sprint le plus richement doté au monde, mais la course n’existe que depuis 2017. Et la Saudi Cup n’en est qu’à sa sixième édition. Si l’on veut vraiment « chipoter », un objectif reste en suspens, et il a été évoqué par l’entourage de Godolphin après la victoire de Ruling Court (Justify) dans les 2.000 Guinées (Gr1) : la Triple couronne anglaise. Le Graal aussi de Coolmore, depuis que Nijinsky (Northern Dancer) avait remporté les trois classiques du galop anglais en 1970. Mais voilà : en réalité, le cheikh Mohammed a déjà remporté la Triple couronne britannique… avec une pouliche. En 1985, Oh So Sharp (Kris) s’est en effet imposée dans les 1.000 Guinées, les Oaks et le St Leger.

Phil Bull et son équipe du Racehorses of 1985 l’avaient bien relevé dans leur commentaire sur cette pouliche qui n’avait pourtant pas été élue Horse of the Year en Angleterre. Pebbles (Sharpen Up), elle aussi sous les couleurs du cheikh Mohammed, avait reçu 28 votes contre deux pour Oh So Sharp, après ses succès dans les Eclipse Stakes, les Champion Stakes et le Breeders’ Cup Turf (Grs1). Les mots du Racehorses sont lourds de sens : « L’idée que le summum pour un pur-sang en Angleterre soit de remporter trois classiques a pris un sacré coup derrière la tête. Oh So Sharp, première gagnante de trois classiques depuis Nijinsky, et première pouliche depuis Meld en 1955, n’a reçu que deux votes. Sans rien enlever à la saison de Pebbles, il est difficile de comprendre l’absence de soutien dont a été victime Oh So Sharp. » L’équipe de Phil Bull avait aussi rappelé que l’opportunité de remporter les trois classiques existe pour les pouliches depuis 1814, et pour les poulains depuis 1809. Depuis, les gagnants de la Triple couronne se comptent sur les doigts de quelques mains : quinze mâles et neuf femelles.

Le cheikh Mohammed n’avait pas encore 40 ans à l’époque d’Oh So Sharp, et le monde des courses a bien changé depuis. Son approche du sport aussi, décennie après décennie. Godolphin est devenue une superpuissance, tant sur le plan sportif que commercial, tout en conservant la passion de son fondateur, avant tout un homme de terrain. Darley est aujourd’hui un rival crédible – et redouté – de Coolmore sur le marché des étalons. Difficile de trouver un objectif majeur encore hors de portée pour Godolphin… sauf une Triple couronne avec un mâle. Et Sovereignty comme Ruling Court, surtout l’américain, semblent avoir le droit – et le profil – pour relever ce défi. Un lauréat de Triple couronne vaut encore plus qu’une lauréate…