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lundi 23 juin 2025
AccueilCoursesBenjamin Gelhay : « Au départ, j’avais même peur de l’obstacle ! »

Benjamin Gelhay : « Au départ, j’avais même peur de l’obstacle ! »

Benjamin Gelhay : « Au départ, j’avais même peur de l’obstacle ! »

Privé de son cheval de cœur, Général en Chef, Benjamin Gelhay se mettra finalement en selle sur In Love, autre représentant de la casaque d’Andrew Peake. Le jockey originaire de Chazey-sur-Ain, revenu au plus haut niveau après une période plus en retrait, se livre avec franchise sur son parcours, son approche des courses et son mode de vie singulier, loin des standards du métier.

Par Albane Vilella Segui

albane@jourdegalop.com

Jour de Galop : – Qu’avez-vous ressenti en apprenant le forfait de Général en Chef, et comment avez-vous eu l’opportunité de retrouver une monte avec In Love ?

Benjamin Gelhay : – J’ai été très déçu pour Général en Chef, forcément. Tout avait été bien préparé, j’étais allé le travailler plusieurs fois, et il était vraiment prêt. Tous les voyants étaient au vert. Je le connaissais par cÅ“ur, et on aurait pu s’appuyer sur cette complicité dans une course comme le Grand Steeple. Quand son forfait est tombé, je me suis retrouvé sans monte. Le propriétaire m’apprécie et m’a renvoyé l’ascenseur en me confiant In Love. Comme Nicolas Gauffenic est malheureusement accidenté… Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Je l’ai découvert à Lyon la dernière fois. C’était une course de mise en jambes. Hugo Merienne voulait surtout que le cheval fasse tout de lui-même, ce qu’il a fait ! Il était de bonne volonté et c’est de bon augure pour dimanche.

Comment abordez-vous ce Grand Steeple 2025 ?

Je ne suis pas quelqu’un qui se met beaucoup de pression. En général, je ne pense pas trop au boulot. J’ai beaucoup d’activités à côté, ce qui m’aide à garder de la distance. Mais cette année, j’ai senti un peu plus de tension à l’approche du Grand Steeple. L’an dernier, avec Général en Chef, ce n’était que du bonus. Cette fois, il avait une vraie chance, donc je me suis surpris à me poser quelques questions. Quand on m’a finalement annoncé qu’il ne courrait pas, ça m’a remis dans un état d’esprit plus détendu. Je recommence avec un cheval que je connais moins et c’est très bien. J’essaye de faire les choses le plus sérieusement possible et tout ça, sans me prendre au sérieux.

Vous êtes appelé pour monter dans les plus belles courses à Paris. Qu’est-ce que cela représente pour vous, en tant que jockey basé en province ?

C’est une vraie consécration. J’ai toujours privilégié la province à la région parisienne, notamment à cause des déplacements. Mais cette année, j’ai quasiment monté toutes les réunions à Compiègne, Auteuil, ou Fontainebleau… Et le jeu en vaut la chandelle, je ne vais pas m’en plaindre. Je n’ai pas d’enfants, pas de copine, donc j’ai du temps devant moi pour me consacrer pleinement à ça. Je me dis parfois que ceux qui vivent ce rythme toute l’année, tous les jours, ont une vraie rigueur. On gagne notre vie en faisant quelque chose qu’on aime, c’est une chance. Mais j’aime aussi profiter de la vie. Quand on est tous les jours aux courses, on ne peut pas faire tout ce qu’on veut. C’est un choix à faire, et dans la mesure du possible, j’essaie de trouver un équilibre entre les deux.

Après vos belles années avec Wildriver, il y a eu une période plus discrète. On a le sentiment que vous êtes aujourd’hui reconnu à votre juste valeur. Est-ce que vous partagez ce sentiment ?

Ce n’est pas tant que j’ai traversé une période plus discrète, mais plutôt que je ne suis pas retombé sur un cheval de Groupe comme Wildriver. Dans les courses, il y a une grosse part de chance. Je me suis peut-être aussi un peu relâché à ce moment-là. Je sautais souvent chez Carina Fey, ça se passait bien. Elle m’avait confié Izzo. Mais ces cinq dernières années, il y a eu un vrai renouveau à Chantilly. À l’époque de Wildriver, il n’y avait ni David Cottin, ni Noël George et Amanda Zetterholm. Mis à part Marcel Rolland et Mickaël Seror, qui commençait à prendre de l’ampleur, c’était assez calme à Lamorlaye. C’est aussi pour ça que j’étais un peu moins à Paris ces dernières saisons. Et puis, j’ai eu la chance de récupérer Général en Chef, et il y a eu un effet boule de neige. Les gens de Paris me connaissent. Ils savent aussi que je suis quelqu’un d’indépendant, qui aime vaquer à mes occupations. Il m’est déjà arrivé de refuser des montes parce que j’avais des choses à faire. Ça aurait pu me fermer des portes, mais au final, je suis quelqu’un d’assez chanceux.

Vous avez gagné avec plusieurs chevaux au caractère délicat. Quel est votre secret pour réussir à les détendre ?

Honnêtement… Même moi, je ne saurais pas trop l’expliquer ! Peut-être que ça fonctionne justement parce que je ne me prends pas trop la tête. Je monte mes chevaux en étant détendu. Je pense qu’ils le ressentent. La première fois que j’ai été associé à Général en Chef, c’était à Lignières, un jour où il y avait aussi des courses à Auteuil. Noël George m’avait dit que j’aurais l’opportunité de le monter car la plupart des jockeys seraient à Paris. Il m’avait dit d’aller devant parce que c’était un lot facile. Mais je lui ai demandé si ce ne serait pas mieux de tout changer et de le monter derrière. Il doutait que je parvienne à le tenir, mais je l’ai finalement caché… et ça s’est très bien passé. Quand je monte des chevaux qui tirent, je prends parfois le risque de les garder derrière, même s’ils peuvent faire quelques fautes. À force, ils comprennent qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils doivent faire attention à leurs obstacles. Persévérer dans ce type de choix tactique, même quand ce n’est pas le plus évident, m’a souvent donné raison.

Que représente pour vous le fait d’être au départ du Grand Steeple aujourd’hui ?

Quand j’ai commencé à monter en obstacle, jamais je n’aurais imaginé participer un jour au Grand Steeple. Pour moi, ce n’est que du bonus. J’ai 36 ans et je me donne encore trois ou quatre ans en tant que jockey. Au départ, j’avais même peur de l’obstacle ! Avec le temps, j’ai compris qu’on pouvait se faire mal, oui, mais pas au point que je l’imaginais au début. Alors, je savoure chaque opportunité, surtout quand elles se présentent dans une course comme celle-là.

Avez-vous toujours voulu devenir jockey d’obstacle, ou est-ce un chemin qui s’est imposé plus tard ?

J’ai fait mon apprentissage à Paris et j’ai monté en plat dès mes 16 ans pour Robert Collet. Très vite, j’ai été rattrapé par la réalité du poids : ma carrière en plat a duré à peine huit mois. Il faut dire que je faisais aussi pas mal de bêtises à l’époque… Robert Collet m’avait proposé de me diriger vers l’obstacle, mais j’ai refusé. J’étais courageux mais pas téméraire. J’avais des a priori sur cette discipline. Donc je suis resté une bonne dizaine d’années à végéter à Chantilly. Cela dit, ça me convenait. J’étais salarié dans de grandes maisons, comme chez Carlos Laffon-Parias, et ça me plaisait. Le fait de ne plus monter en course ne me pesait pas vraiment. Et jamais, à ce moment-là, je ne me serais dit que je deviendrais jockey d’obstacle un jour…

Quel jockey vous a inspiré ou vous inspire encore aujourd’hui dans votre manière de monter ?

Je me suis mis tard à l’obstacle, donc je n’ai pas eu de modèle très jeune. Mais quand j’ai commencé, je regardais beaucoup Jonathan Plouganou. Il y avait aussi Christophe Pieux, bien sûr, un extraterrestre. Et puis, par chez moi, à Lyon, il y avait Sébastien Culin. On me compare souvent à lui, on me dit que j’ai pris sa place. Mon père n’aurait jamais pensé que je deviendrais jockey d’obstacle. Il est très fier de moi. L’année dernière, quand il est venu me voir au Grand Steeple, il a failli tomber dans les pommes. Il est aussi très heureux pour mon frère qui est entraîneur.

En dehors des courses, qu’est-ce qui vous passionne ?

Je fais plein de choses. Je sais que le jour où j’arrêterai, j’aurai plusieurs options pour me reconvertir. Les jours « off », je ne reste pas à rien faire : je jardine, je bricole, je fais un peu de surf ou de moto. Je donne aussi un coup de main à Maxime Perdiguier qui livre des aliments et du fourrage aux écuries. Je pratique aussi l’apiculture. J’ai plusieurs ruches. Je faisais ça avec Félix de Giles à une époque, mais il a arrêté. Il était difficile pour lui de concilier les courses et l’entretien des abeilles. C’est une activité exigeante qui demande de la rigueur et beaucoup de précision selon les saisons. Cette année, je suis content, je me suis bien occupé de mes abeilles. Chez moi, j’ai aussi beaucoup de volailles. Je sors d’ailleurs d’une période où les oies faisaient leurs petits, donc j’ai dû m’en occuper. Et puis j’ai deux pur-sang réformés qui demandent aussi du temps. Franchement, il n’y a pas de place pour la routine

Le rythme de vie d’un jockey est exigeant. Comment réussissez-vous à préserver une forme physique et mentale constante tout au long de l’année ?

Je sais que certains jockeys font appel à des coachs sportifs ou à des préparateurs mentaux, mais ce n’est pas mon cas. Pour la condition physique, monter tous les matins suffit largement : ça représente 90 % de l’entraînement. Sauter les chevaux au quotidien entretient la forme naturellement. Mentalement, je n’ai jamais été quelqu’un de très tendu. Je ne me pose pas trop de questions, et comme je suis occupé toute la journée, je n’ai pas vraiment le temps de cogiter sur les courses. En général, tout se goupille bien. Ce week-end, par exemple, je n’ai même pas eu besoin de passer un coup de fil. Parfois, des entraîneurs m’appellent pour savoir si je suis libre, je dis oui… Sans vérifier si je suis déjà pris ! Je me dis que s’ils se rendent compte que je suis engagé ailleurs, ils me rappelleront. Ce que je cherche à travers mon métier, c’est juste rester constant, satisfaire les gens qui me font confiance et maintenir un niveau de vie stable. Je vis dans une caravane, je suis un peu en autarcie. Je n’ai pas de femme, pas de loyer, pas d’enfants, pas de crédit, et j’aime ma liberté.

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