Disparition de Christophe Clément

Français installé aux États-Unis, l’entraîneur Christophe Clément nous a quittés le 25 mai des suites d’une longue maladie à l’âge de 59 ans. Il revenait souvent en France, où il avait beaucoup d’amis et où il avait trouvé de nombreux chevaux de talent ayant ensuite réalisé de belles carrières aux États-Unis. Avant sa mort, il a rédigé une lettre d’adieu très émouvante qui a été publiée sur les réseaux sociaux (voir en fin d’article). Fils de l’entraîneur Miguel Clément, frère de Nicolas, il nous avait confié en 2020 : « Pendant mon enfance, j’ai passé beaucoup de temps chez Criquette. Je montais d’ailleurs à l’entraînement chez elle et j’ai toujours été proche de sa famille. À cette époque, Alec Head était encore actif et il entraînait d’ailleurs pour le compte de l’écurie Wertheimer. J’ai par la suite passé un an aux États-Unis chez « Shug » McGaughey. Je me suis ensuite envolé vers l’Angleterre où j’ai travaillé au service de Luca Cumani. Je suis resté quatre années à Newmarket. Il fallait alors que je décide où m’établir. Mon frère était déjà installé à Chantilly et il n’allait pas tarder à gagner le Prix de l’Arc de Triomphe. L’Angleterre, cela me paraissait un peu trop cher. Dès lors, la côte Est des États-Unis s’est imposée comme une évidence. Probablement, un jeune d’aujourd’hui choisirait l’Australie. Mais à cette époque, au début des années 1990, l’Amérique était l’endroit le plus excitant pour lancer sa carrière d’entraîneur. »

Christophe Clément s’est dans un premier temps fait un nom sur le gazon, surface où 34 de ses 41 victoires de Gr1 ont été remportées. Parmi ses chevaux les plus remarquables figuraient Gio Ponti (Tale of the Cat), lauréat de sept Grs1, qui a gagné plus de 6 M$ et a reçu l’Eclipse Award du meilleur cheval sur gazon en 2009 et 2010, ainsi que celui de meilleur cheval d’âge en 2009, mais aussi Pizza Bianca (Fastnet Rock), qui lui a offert sa seule victoire dans la Breeders’ Cup en s’imposant dans le Juvenile Fillies Turf (Gr1, gazon) en 2021.

Christophe Clément a également prouvé qu’il pouvait entraîner un cheval au plus haut niveau sur le dirt. Le plus marquant fut Tonalist (Tapit). Cheval tardif, ce dernier s’est révélé à l’âge de 3ans, en 2014, remportant les Belmont Stakes (Gr1) et mettant un terme à la tentative de Triple couronne de California Chrome (Lucky Pulpit). La même année, Tonalist a battu ses aînés dans la Jockey Club Gold Cup (Gr1), une course qu’il a de nouveau gagnée en 2015. Il a terminé sa carrière par une victoire dans le Cigar Mile Handicap (Gr1) en 2015. Au total, Christophe Clément affiche un bilan de 2.576 victoires pour des gains de 184 millions de dollars. De 2000 à 2024, il a figuré à 23 reprises parmi les 25 meilleurs entraîneurs nord-américains en termes de gains, apparaissant dans le top 10 huit fois. Au moment de son décès, il occupait la 17e place du classement pour la saison 2025.

Christophe Clément, qui avait énormément de recul sur son métier, nous avait aussi confié : « Mais ce qui a profondément changé, ici aux États-Unis, c’est qu’un homme seul ne peut pas réussir. Il faut être présent sur trop de fronts à la fois. On demande à un entraîneur américain d’être un homme de cheval, présent le matin à l’entraînement. Mais on lui demande aussi de trouver des engagements et le bon jockey pour monter chaque cheval. Il faut chercher en permanence des chevaux, dans les ventes aux enchères mais aussi à l’amiable pour ceux qui sont déjà à l’entraînement. On doit aussi toujours essayer de trouver des personnes de talent pour renforcer son équipe. Enfin, l’entraîneur américain doit aussi s’occuper de ses clients et de la communication. Pour accomplir tout cela, il faut avoir une bonne équipe. Un homme seul a du mal à tenir sur le long terme à ce rythme. Nous avons tous en mémoire de brillants exemples français comme François Mathet dans ma jeunesse ou André Fabre aujourd’hui. Mais ce type d’ascension solitaire n’est plus possible en Amérique. J’ai la chance d’avoir deux assistants, Christophe Lorieul, à nos côtés depuis 1993, et mon fils Miguel Clément. »

La rédaction de Jour de Galop adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis.

« Malheureusement, si vous lisez ceci, cela signifie que je n’ai pas réussi à vaincre mon cancer. Comme beaucoup d’entre vous le savent, je me suis battu contre une maladie incurable : un mélanome uvéal métastatique. En réfléchissant à mon parcours, je réalise que je n’ai jamais réellement travaillé un seul jour de ma vie. Chaque matin, je me levais pour faire ce que j’aimais le plus, entouré d’un amour immense. Ce voyage a commencé avec ma femme, Valérie, et six chevaux. Être entraîneur de chevaux de course est bien plus qu’une profession : les chevaux m’ont apporté un épanouissement, des amitiés et des souvenirs merveilleux. Ma plus grande réussite est ma famille aimante. J’ai rencontré mon épouse extraordinaire quand nous avions 18 ans, en France. Nous avons ensuite traversé le monde et élevé deux enfants incroyables, Miguel et Charlotte. Au fil du temps, nous avons accueilli deux autres enfants formidables, Shaun et Acacia. J’ai également eu la chance de rencontrer mon premier petit-fils, Hugo. Merci à ma fille, qui a consacré tout son temps à chercher un traitement. Je les aime tous inconditionnellement et je suis si fier d’eux. J’espère que vous trouverez un jour autant d’amour que j’ai eu la chance de recevoir de vous tous. S’il vous plaît, continuez à veiller sur ma famille. Cela a toujours été, et cela restera toujours, une affaire de famille. Je souhaite également remercier nos merveilleux propriétaires, dont beaucoup sont devenus des membres de la famille ou des amis très proches. Vous avez fait confiance à notre équipe pour prendre soin de vos chevaux, et nous avons vécu ensemble une aventure extraordinaire. Nombre d’entre vous nous soutiennent depuis mes débuts en tant qu’entraîneur, et vous avez accueilli Valérie et moi dans ce pays avec une immense gentillesse. Je suis très fier que, pendant plus de 30 ans dans cette industrie, nous ayons travaillé chaque jour avec la plus grande intégrité, en mettant toujours le bien-être des chevaux au premier plan. Il va sans dire que rien de notre réussite n’aurait été possible sans une équipe formidable derrière moi. Je suis particulièrement reconnaissant envers mon assistant de toujours, Christophe Lorieul, qui est un pilier de notre famille depuis plus de 30 ans… et ce n’est pas fini ! Je suis profondément honoré de laisser l’écurie Clément entre les mains compétentes de mon fils et assistant de longue date, Miguel Clément. Cette transition est en cours depuis plusieurs années. La réussite sans successeur n’est pas une véritable réussite. Voir cette transition se concrétiser a été l’un des moments dont je suis le plus fier. Enfin, merci aux chevaux et à ma famille du monde des courses pour tous les messages de soutien chaleureux adressés à la tribu CC et à moi. Profitez de la vie chaque jour.

Avec amour,

Christophe Clément »