Laurent Quérou : « J’aimerais défier les Anglais sur leurs terres ! »
Turfiste devenu propriétaire, Laurent Quérou a remporté dans le Prix Sagan (Gr3) sa première victoire de Groupe avec Olga de Kiev (Latrobe) lors du week-end du Grand Steeple. Opticien à la ville, il revient pour nous sur ce moment fort de son odyssée hippique.
Jour de Galop. – Qu’avez-vous ressenti en gagnant votre premier Groupe ?
Laurent Quérou. – Un sentiment de joie intense mais aussi l’impression de ne pas parvenir à y croire. On pense généralement que cela n’arrive qu’aux autres ! Et là , c’était notre tour. Avec la famille, et les enfants qui étaient bien présents, c’était génial. Un vrai bon moment, qui plus est avec des gens que j’apprécie autour de moi. C’était mon tout premier Groupe en tant que propriétaire. J’avais déjà eu la chance de gagner une Listed, en 2021, dans le Grand Steeple-Chase de Nantes avec un cheval qui s’appelait Dindin (Balko). À l’époque, il était entraîné par Pierre Fertillet, et il a ensuite été exporté en Angleterre. Aujourd’hui, j’essaie d’être présent sur les hippodromes aussi souvent que possible. Mon travail ne me permet pas de m’y rendre à chaque fois mais je le fais dès que je le peux. Ainsi, j’avais vu courir Olga la fois précédente. Ce jour-là , Baptiste Le Clerc, en descendant de cheval, nous avait dit que le Sagan serait pour nous !
Comment êtes-vous devenu copropriétaire d’Olga de Kiev ?
J’avais déjà acheté la moitié de sa sœur La Normandie qui doit d’ailleurs recourir au début de la semaine prochaine. Avec Guillaume Vitse, nous avons investi ensemble dans pas mal de chevaux : El Maestro, Aime Vipi, Looking Good… et j’en passe. Nous nous entendons super bien tous les deux. Et moi, j’adore le chambrer, parce que je sais qu’il répond toujours au quart de tour. Je suis opticien et dans notre métier, il y a la fameuse « deuxième paire pour un euro de plus ». Donc un jour, en partant de ce slogan je lui demande : « Tu sais, on a acheté La Normandie… tu ne me ferais pas sa sœur pour un euro de plus ? » Il m’envoie gentiment promener et l’histoire s’arrête là . Trois jours plus tard, il me rappelle et me dit : « Tu sais quoi ? Je vais te prendre au mot. On continue l’aventure avec celle-là aussi. On fait comme pour sa sœur : 50-50. » Et c’est comme cela que tout a commencé.
Pourquoi l’avez vous confiée à Mickaël Seror ?
Avant d’aller chez lui, la pouliche est passée au pré-entraînement chez Damien Georget que je tiens à remercier. Il m’envoyait régulièrement des nouvelles. Le jour où elle est partie chez Mickaël Seror, Damien m’a envoyé un SMS pour me dire que c’était une pouliche bien élevée, tonique, vivante, avec un gros potentiel et un bel avenir devant elle. C’est Guillaume qui a pris la décision de la confier à Mickaël. Moi, je ne le connaissais pas du tout à ce moment précis. En tant que propriétaire, j’ai besoin de vivre ma passion. Guillaume m’a dit : « On va la mettre chez Mickaël, lui, il donnera des nouvelles, enverra des vidéos, il nous fera pleinement vivre l’aventure. » Et c’est exactement ce qui s’est passé. Quand je reçois une vidéo le matin, je suis heureux pour la journée… Tout se passait très bien à l’entraînement et nous avions des nouvelles rassurantes de semaine en semaine jusqu’à ses débuts à Auteuil. Et, ce qui est incroyable, c’est que Mickaël nous a toujours dit exactement comment cela allait se passer et il ne s’est jamais trompé !
Comment avez-vous découvert l’univers des courses hippiques ?
Je suis turfiste depuis très longtemps. En réalité, je jouais même avant d’avoir l’âge légal pour parier. Tout a commencé avec mon oncle qui m’emmenait sur les champs de courses quand j’avais 12 ou 13 ans. Dès cette époque, je savais que si un jour j’en avais les moyens, j’aurais des chevaux. C’était mon souhait. En 2004, j’ai croisé Florent Monnier sur l’hippodrome de Plessé. Jusqu’alors, mon expérience du monde des courses était plutôt timorée. J’y percevais une forme de snobisme, une ambiance pas toujours très chaleureuse. Et puis Florent s’est montré diamétralement opposé à ce que j’avais ressenti. Il a pris le temps de discuter, de m’expliquer les choses avec simplicité et bienveillance. Je me suis dit : « Tiens, voilà un gars sympa. Si un jour j’ai des chevaux, ce sera chez lui. » Quinze ans plus tard, je l’ai appelé. Je lui ai rappelé notre échange à Plessé… et il s’en souvenait. Je suis allé le voir quand il est venu courir à Vannes, et il m’a reconnu immédiatement. Cela m’a vraiment marqué. Mon premier cheval, je l’ai mis chez lui. Il en a aujourd’hui quatre puisque j’en ai encore acheté un autre lundi ! Florent, c’est devenu un copain, un ami. On s’appelle quatre fois par semaine.
Vous avez des chevaux en plat comme en obstacle. Quelle discipline préférez-vous ?
Honnêtement, j’ai beaucoup de mal à regarder les courses d’obstacles. À chaque haie, je baisse les yeux… j’ai toujours peur que mes chevaux tombent ! Cela dit, Olga saute plutôt bien, alors avec elle j’arrive à regarder un peu plus les courses. Mais franchement, l’obstacle, c’est une vraie torture à vivre. Pour mon cÅ“ur, le plat, c’est nettement mieux. Mais pour l’adrénaline, l’obstacle, c’est sympa… à condition que tout se termine bien !
Pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’obstacle ?
C’est Guillaume qui m’a parlé de ses chevaux d’obstacle. Honnêtement, au départ, je m’attarde plus sur l’humain que sur les chevaux. J’adore les chevaux, bien sûr, mais je privilégie avant tout les relations humaines… des gens que je connais ou qui me sont recommandés. J’ai une entière confiance en Guillaume. Quand il me propose quelque chose, je fonce. Je m’appuie toujours sur des personnes de ce milieu. Je n’ai aucunement la prétention d’être un autodidacte. Je préfère écouter ceux qui « savent », ceux qui possèdent l’expérience. Évidemment, je n’hésite pas à donner mon point de vue sur les engagements car cela m’intéresse et que j’aime le faire. Et quand j’achète un cheval, je regarde aussi les origines. Mais je reste lucide. Je ne me prends pas pour un plus grand connaisseur que ceux dont c’est le métier. Voilà pourquoi je les écoute.
Parlez-nous de votre métier ?
Je suis opticien à Vannes. Je gère cinq magasins. Dans ma profession, je ne suis pas forcément systématiquement en clientèle. Je m’occupe aussi beaucoup de gestion, notamment des ressources humaines. Le soir, je regarde les courses. Je préfère regarder les courses du jour qu’une série sur Netflix. J’ai du temps libre le week-end pour me rendre sur les hippodromes. J’arrive à m’organiser facilement mais j’ai conscience que je ne ferai pas fortune dans les chevaux. On ne sait jamais mais en tout cas ce n’est pas cela qui motive !
Et que disent vos collègues, vos proches, de cette aventure ?
Il y a pas mal de personnes curieuses de mon expérience et avec lesquelles j’ai partagé les vidéos du week-end. Le milieu des courses reste assez mystérieux pour beaucoup de gens. Ceux qui ne sont ni joueurs, ni initiés, ne comprennent pas forcément ce que cela représente… et cela attise la curiosité ! Mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Des gens du milieu m’ont envoyé des messages, même d’anciens entraîneurs. J’ai reçu de très nombreux coups de fil et de nombreuses félicitations. Mes trois enfants étaient présents à Auteuil, avec des amis à eux. Je suis arrivé à un peu plus de midi sur l’hippodrome. Six enfants se trouvaient à notre table. J’ai alors appelé la personne qui s’occupe de la prise des paris et j’ai fait six tickets en jeu simple gagnant sur Olga de Kiev, un pour chacun d’eux. Tout le monde était content, surtout après l’arrivée !
Quels sont vos objectifs ?
Avec Olga de Kiev, l’idée est de courir les belles épreuves de l’automne. Et puis, il y a un grand défi qui nous tient à cÅ“ur pour l’année prochaine : aller défier les Anglais sur leurs terres. Un vrai objectif. Ce week-end à Auteuil, nous avons eu un petit avant-goût d’ambiance british grâce à ce nombreux public. C’était un très beau moment de sport. Évidemment, nous parlons aussi d’économie. Mais là , ce que nous vivons, c’est avant tout une aventure sportive. Nous avons reçu des propositions d’achat pour la pouliche mais elles n’étaient pas assez élevées à notre goût. Et nous sommes ravis de l’avoir conservée. Quand nous voyons ce qu’elle réalise aujourd’hui, c’est un peu fou. Nous avons bien conscience d’avoir aujourd’hui l’une des meilleures 3ans sur les haies d’Auteuil, mâles et femelles confondus. C’est un peu irréel… mais nous nous en accommodons très bien. Et surtout, nous allons continuer à nous faire plaisir avec elle.
Envisagez-vous d’investir davantage ?
Je n’achète jamais tout seul. Par exemple, lundi, nous avons acquis un cheval dont j’ai pris 25 %. En général, je prends entre 20 et 30 %, sauf exception. Les seuls chevaux où j’ai un peu plus en pourcentage le sont avec Guillaume. Ce sont La Normandie et Olga de Kiev. Actuellement, j’ai quatre chevaux de plat, trois sauteurs et deux trotteurs. C’est déjà pas mal ! Je ne pense pas aller au-delà , sauf si une belle opportunité se présente. Mais au-delà de dix chevaux, il faudrait une Olga de Kiev tous les ans pour que cela soit réalisable ! Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas propriétaire pour gagner de l’argent, mais j’essaie quand même d’en perdre le moins possible…